Argentine: programme de santé d’urgence des assemblées populaires

Argentine

Programme de santé d’urgence des assemblées populaires


En Argentine, avec la crise abyssale du «modèle» néolibéral, la santé est devenue une préoccupation quotidienne vitale pour des millions de salarié-e-s, de jeunes et de retraité-e-s paupérisés. Aujourd’hui, les contours d’un plan de santé populaire est en train d’émerger des assemblées de quartiers.



En Argentine, les dépenses totales de médicaments se montent à 7 milliards de dollars, soit le tiers du coût total de la santé (alors que l’OMS fixe le plafond à 10%).1 Cette charge insupportable pénalise tout projet de santé publique. C’est pourquoi, dans une situation où la vie socio-politique est rythmée par les assemblées de quartiers auto-convoquées, les cacerolazos et les escraches (manifs de dénonciation), une alternative aux «régulations» marchandes se dessine.

Commissions de santé des assemblées


Les assemblées de quartiers ont désigné des commissions de santé, qui envoient des représentant-e-s à la commission de santé de l’assemblée inter-quartiers. Cette commission centrale travaille avec un groupe de spécialistes de la Chaire de Santé et des Droits Humains de la Faculté de Médecine de l’Université de Buenos Aires.


Le programme de santé des assemblées


Seize assemblées de quartiers ont adopté un programme santé de crise en 23 points dont les principaux sont:

  • Contrôle des budgets de santé par les assemblées.
  • Augmentation des ressources hospitalières sous le contrôle des travailleurs et des assemblées.
  • Re-municipalisation des services de santé privatisés ou remis en concession au secteur privé.
  • Publication par chaque hôpital de ses comptes de l’année dernière, au moins, et mise à disposition de toutes les pièces comptables nécessaires.
  • Fabrication et/ou répartition locales des ressources nécessaires à la production de médicaments génériques.
  • Création de banques de médicaments gratuits dans chaque hôpital.
  • Ignorance de la Loi sur les patentes, comme le prévoit l’OMS, pour cause d’urgence sanitaire.


(Página 12, 1er avril 2002)

L’une des questions les plus discutées est le prix des médicaments. En effet, la production argentine de génériques (substances qui ne sont plus protégées par des patentes) ne correspond pas aux besoins solvables de la population. En particulier, les assemblées ont mis en évidence des différences scandaleuses entre les prix de production et les prix de vente de ces médicaments: par exemple, une boîte de 10 comprimés de diazepam (le générique du valium) coûte 21 pesos (actuellement 7 dollars) au détail, tandis que les laboratoires la mettent sur le marché de gros pour 1,5 peso (0,5 dollar). Qui empoche la différence? De nombreux intermédiaires publics et privés…

Pour une production publique de génériques bon marché


Le 27 mars, la Commission santé de l’assemblée inter-quartiers et le groupe de scientifiques qui collabore avec elle ont publié une enquête, qui «démontre que l’Argentine est capable de développer une production publique de médicaments génériques a prix réduits, ce qui les rendraient accessibles et dégagerait aussi des ressources pouvant être affectées à d’autres actions de santé, préventives, curatives ou de prévention sociale»2.



Cependant, les programmes néolibéraux des autorités argentines, autant radicales que péronistes, ont réduit la production nationale de génériques au profit de médicaments importés. Par exemple, il y a 12 ans, le laboratoire Malbrán produisait encore de l’insuline (pour les diabétiques). Il a dû arrêter, lorsque le gouvernement de Carlos Menem lui a coupé toute subvention. Or, depuis le début de l’année, avec la dévaluation du peso au tiers de sa valeur (3 pesos pour 1 dollar, au lieu de 1 peso pour 1 dollar), les médicaments importés, déjà extrêmement chers, sont devenus totalement inabordables pour la majorité de la population. Il a ainsi fallu récemment «mendier» d’urgence de l’insuline générique au Brésil…

Contrôle populaire du secteur de la santé

«Si les habitants s’étaient mis d’accord plus tôt pour contrôler les fonctionnaires, nous n’en serions pas arrivés là», a déclaré, non sans une bonne dose d’hypocrisie, le Sous-secrétaire de la santé du gouvernement Duhalde. Mais les cacerolazos ne s’en laissent pas compter: «Nous revendiquons, comme le prévoit la loi, de former des conseils dans les hôpitaux, qui incluent des responsables, des travailleurs/euses de la santé et des représentants de la communauté. Et ce n’est pas pour nous intégrer au système, mais pour le contrôler et nous battre de l’intérieur pour la défense de nos intérêts. Nous continuerons à faire pression pour que tout le monde accède à ce droit qu’est la santé.»3



Jean BATOU

  1. Dr Horracio Barri, «Hacia una politica racional de medicamentos», Area Salud del Instituto de Estudios y Formación de la CTA, avril 2002.
  2. Dr Claudio Capuano, coordinateur de la Comisión Pro Cátedra de Salud y Derechos Humanos de la Facultad de Medicina (UBA), Página 12, 1er avril 2002.
  3. Página 12, 1er avril 2002.