Israël: la résistance pacifiste

Palestine

Israël: la résistance pacifiste


En huit jours passés en Palestine/Israël avec la mission civile nous avons participé à cinq manifestations organisées par des mouvements pacifistes israéliens que l’on pourrait qualifier «d’opposition radicale».



Ces mouvements se distinguent assez nettement du courant traditionnel et majoritaire du mouvement pour la paix Peace now (la paix maintenant), proche des travaillistes et du Meretz (un parti à gauche des travaillistes) qui a soutenu les accords d’Oslo et qui a progressivement perdu d’importance avec la faillite de fait de ces accords, pour quasiment disparaître avec l’entrée des travaillistes dans le gouvernement Sharon. «On pourrait dire que la motivation principale des liberals israéliens c’est la séparation, pas la réalisation des droits palestiniens, et qu’une large partie du mouvement pour la paix israélien place le concept de la «réconciliation nationale» (le thème central du consensus israélien après l’assassinat de Rabin) au dessus de celui de la réconciliation avec les Palestiniens.»1

Des groupes minoritaires


Les groupes et organisations d’opposition radicale tant à la politique d’Apartheid guerrière et colonialiste de Sharon qu’à la complicité des travaillistes avec cette politique sont encore très minoritaires mais se trouvent dans une phase de croissance et on ne peut certainement pas les traiter de marginaux.



Parmi les manifestations de ces mouvements auxquelles nous avons assisté à Tel Aviv et à Jérusalem, la plus significative a eu lieu le 3 avril devant le check point de A-Ram, sur la route de Jérusalem à Ramallah. Environ 3000 manifestant-e-s (Arabes israéliens et Israéliens à parts égales, quelques centaines d’internationalistes) voulaient accompagner un convoi d’aide humanitaire (nourriture, médicaments) destiné à la population Palestinienne assiégée. Une partie du matériel a pu être acheminée, une autre a été bloquée par plusieurs charges de la police et de l’armée qui ont dispersé les manifestant-e-s totalement pacifiques à coups de lacrymogènes, grenades assourdissantes et matraquages répétés. Vingt personnes ont été blessées, dont un parlementaire de la Knesset du parti communiste arabe et un internationaliste suisse qui a eu le bras cassé à coups de matraque.



Les manifestant-e-s d’A-Ram répondaient à l’appel de la «Coalition des Organisations de Paix», composée de mouvements de la «gauche radicale non sioniste», où l’on retrouve des organisations déjà établies comme Gush Shalom (le mouvement fondé en 1993 par Uri Avnery), la Coalition féministe pour la paix (dont font partie les Femmes en Noir, Bat Shalom, (un centre feministe pour la paix et la justice sociale), des organisations pour la défense des droits humains comme le «Comité contre la démolition des maisons» et les «Physicians for Human Rights» ainsi que des nouveaux mouvements, dont le plus intéressant et dynamique nous semble être Ta’Ayush (vivre ensemble), mouvement de jeunes juifs et arabes, né en octobre 2000 suite au massacre de 13 Arabes-Israéliens, qui conduit des actions de solidarité directe avec les Palestinien-ne-s. A ces groupes israéliens se sont joints plusieurs organisations et partis Arabes-Israéliens (Comité de Suivi de la Population Arabe en Israël, partis politiques Arabes représentés à la Knesset, comme le Hadash communiste).

Les «Refuseniks»


Nous avons aussi participé à deux manifestations des organisations qui soutiennent les «objecteurs» israéliens. Ceux-ci se distinguent principalement entre une majorité qui refusent d’effectuer leur service militaire dans les territoires occupés soutenus par Yesh Gvul (Il y a une limite) et une minorité d’insoumis totaux2, soutenus par New profile, qui refusent tout service militaire.



Les deux mouvements étaient réunis à la manifestation qui se répète de manière régulière sur la colline qui surplombe la prison militaire numéro 6 de Athlit, près de Haifa. Avec 500 personnes, dont une bonne centaine de participants aux missions civiles internationales, nous avons assisté à une manifestation inspirée d’une cérémonie juive pour la «libération» (de l’oppression du peuple juif transposée à la libération des objecteurs emprisonnés). Comme tant d’autres, aussi cette manifestation plus que pacifique a été perturbée par des nationalistes de droite qui ont agressé physiquement quelques manifestants.



La droite israélienne considère les refuseniks et les mouvements qui les soutiennent, ainsi que l’opposition de gauche radicale et même toute la communauté des Arabes Israéliens comme des traîtres à la Patrie, «cinquième colonne» de l’ennemi palestinien à l’intérieur d’Israél.



Nous les avons vus comme lumières d’espoir et de courage dans un paysage politique qui ne cesse de s’assombrir avec l’escalade guerrière de ces derniers mois.



Tobia SCHNEBLI

membre du GSsA et de solidaritéS

  1. Michel Warshawski, Toward a Renewal of the Israeli Peace Movement, in News from Within, AIC, fév. 2002.
  2. www.seruv.org.il