Pressurer le personnel et péjorer les prestations

Pressurer le personnel et péjorer les prestations

Le nouveau Conseil d’Etat s’est fixé comme but une diminution globale de 5% des «charges» de l’Etat, sur la base des comptes 2005 du canton. En réalité – compte tenu de l’inflation probable pour la période de 4 ans en question – cela signifie une baisse réelle de l’ordre de 10%.

Comment veut-il y arriver? Au-delà du maintien… des baisses de prestations aux plus démunis, par exemple à travers la confirmation de l’application, dès juillet 2006, de normes qui infligeront aux bénéficiaires de l’aide sociale une forte réduction de revenus, l’axe que donne le Conseil d’Etat porte sur les «gains d’efficience» qu’il entend obtenir de la part du personnel des services publics.

Décimer le personnel

Mais pour que cette «augmentation de la productivité» se traduise par des montants suffisants pour équilibrer le «déficit structurel» d’environ 450 millions qu’annonce le gouvernement, il faudra raboter la masse salariale, non seulement en exigeant des sacrifices financiers supplémentaires des salarié-e-s du secteur public, mais surtout en supprimant des emplois.

Dans ce sens, et au-delà du non-remplacement des départs «naturels», le Conseil d’Etat envoie d’ailleurs un signal clair indiquant qu’il vise à ouvrir la porte aux licenciements en obtenant une «facilitation de la fin des rapports de service». David Hiler, en charge des finances, annonce qu’il ne s’agit de liquider le poste de travail «que» d’un-e employé-e sur vingt; le double paraît mieux correspondre aux intentions gouvernementales.

Dans ce contexte, il faut souligner que le montant de 450 millions d’économies en question, c’est assez exactement la facture des cadeaux fiscaux aux riches de ces dernières années, que le Conseil d’Etat défend mordicus, en refusant de les remettre en cause, même partiellement. La majorité rose-verte du Conseil d’Etat renie ainsi les engagements préélectoraux des partis qui l’ont fait élire. Ces partis avaient d’ailleurs soutenus les deux initiatives fiscales que nous avons déposées visant à revenir, pour les plus hauts revenus, sur la baisse de 12% des impôts que les libéraux avaient fait passer, et à instituer une modeste contribution de solidarité des grandes fortunes, dont le montant cumulé a explosé à Genève ces dernières années.

La défense des acquis… des plus riches

En clair donc, cette «réforme» vise à faire payer des cadeaux offerts aux riches, considérés comme des acquis intangibles, par les sacrifices demandés, aux salarié-e-s de l’Etat d’abord et à la population ensuite, à travers les baisses supplémentaires de prestations indispensables qu’induira l’objectif de décimer – littéralement – les effectifs du personnel du secteur public, avec toutes les conséquences que cela aura sur le terrain, dans nos écoles, nos hôpitaux, nos services sociaux… et sur l’emploi.

Beaucoup de bruit a été fait autour des premières «73 mesures» annoncées par le Conseil d’Etat en séance extraordinaire du parlement, le 30 mars. Cette annonce et sa mise en scène soignée forment un écran de fumée pour mieux dissimuler la question de savoir qui va payer la facture du miracle promis, tout en semblant donner vie à la prétention du Conseil d’Etat à «gouverner autrement» en «requérant l’adhésion de toutes et de tous».

Parmi ces prétendues «mesures», formulées comme des déclarations d’intention ultra-lapidaires et non chiffrées, on trouve notamment:

  • des banalités comme l’intention de «supprimer les directives internes non conformes aux règlements et aux lois» (sic!), celle de «fixer les attentes à l’égard du collège des secrétaires généraux concernant les décisions du Conseil d’Etat», de «supprimer les placards dorés» ou de «réduire les dépenses liées au protocole». Bref, des choses élémentaires qui méritaient d’être – enfin! – mises en œuvre plutôt que d’être annoncées à coups de roulements de tambour.
  • des déclarations d’intention affligeantes comme celle de la «mesure 53» (relevant d’ailleurs d’obligations constitutionnelles depuis 20 ans), unique contribution au chapitre «environnement», dont le libellé intégral prévoit qu’il faut «faire des économies d’énergie», alors que – s’il faut en effet développer l’utilisation rationnelle de l’énergie – c’est un champ dans lequel l’Etat devrait investir des moyens plutôt que d’en escompter des gains financiers à court terme…
  • et, noyées dans la masse floue et volontairement insaisissable de ce catalogue, des «mesures» inquiétantes, en vrac: l’annualisation du temps de travail «là où c’est utile», la non-compensation des nouveaux temps partiels acceptés obligatoirement, le non-remplacement de départs à la retraite anticipés, la privatisation de «tâches de maintenance et de surveillance», le recours aux «aidants naturels» pour se substituer aux travailleurs et aux travailleuses du public dans les domaines de l’aide à domicile, des EMS et des établissements pour handicapé-e-s à hauteur de 5%, etc.

D’aucuns prétendront que c’est à ce prix que le Conseil d’Etat aura réussi à «désarmer» la majorité de droite du Grand Conseil, renforcée suite aux dernières élections, et qu’ils pourront ainsi «éviter le pire». Or cette politique n’infléchit en rien les exigences de la droite.

NON le 21 mai!

Ainsi, du PDC à l’UDC, celle-ci fera campagne en vue de la votation populaire du 21 mai pour introduire – contre l’avis du Conseil d’Etat – dans la Constitution genevoise ce que le parti libéral qualifie d’«instrument de politique de restriction budgétaire». Cet article – repris quant à son intitulé et à son mécanisme d’une proposition malvenue… du PS, déposée à l’automne 2004 – est une machine à renchérir sur les coupes antisociales et à tenter de désarmer de manière antidémocratique l’opposition légitime des citoyen-ne-s, comme celle qui s’était manifesté le 24 avril de l’an dernier, lorsque les électeurs et électrices genevois avaient voté massivement NON au démantèlement des mesures cantonales en faveur des sans-travail et à la baisse du revenu minimum des handicapé-e-s.

Nous reviendrons sur cet objet dans notre prochain numéro. Il faut en effet tout faire pour tenter de battre la droite le 21 mai sur cet objet!

Pierre VANEK