Palestine, élections, boycott...entretien avec Riziq Abou Nasser
Palestine, élections, boycott…entretien avec Riziq Abou Nasser
Riziq Abou Nasser, membre du comité central du Parti du Peuple Palestinien (PPP) était à Genève la semaine dernière à l’occasion de la Conférence internationale de solidarité avec la Palestine. Des militant-e-s de solidaritéS travaillant sur ce terrain dans le cadre du Collectif Urgence Palestine (CUP) ont organisé une rencontre avec ce camarade pour parler de la situation actuelle et de la solidarité. Entretien.
Comment le peuple palestinien, et ses forces vives, conçoivent-ils les décisions honteuses des gouvernements occidentaux de répondre par des sanctions à son choix démocratique?
Tout d’abord, le peuple palestinien sait faire la différence entre les gouvernements et les peuples en Europe. Nous sommes reconnaissants du soutien permanent des mouvements de solidarité européens. Ce que nous déplorons c’est l’attitude schizophrène des gouvernements, qui après avoir délégué des observateurs pour les élections du Conseil national législatif (CLN), ont décidé de sanctionner la toute première élection parfaitement démocratique dans la région. Ainsi, ce n’est pas le Hamas qui subit, mais c’est tout le peuple palestinien, pour avoir démontré une maturité et une dignité sans précédent. Je tiens à rappeler que ces élections se sont déroulées sous l’occupation, entre des check-points, avec des assassinats ciblés et sous des bombardements incessants.
Nous assistons depuis quelques semaines à une campagne médiatique présentant le peuple palestinien comme au bord de la guerre civile entre le Hamas et le Fatah. Confirmerais-tu cette thèse?
La guerre civile est un gros mot! Après 58 ans de résistance, notre peuple a prouvé que malgré les divergences, malgré l’antagonisme des projets sociétaux et les supposés conflits d’intérêts, les armes ne peuvent pas parler entre Palestinien-ne-s. Seul le dialogue est le premier et dernier recours. Les derniers incidents restent des exceptions et qui n’auront aucune suite. Pour preuve, le dialogue national qui vient d’être lancé entre toutes les forces politiques, en réponse à l’extraordinaire appel des prisonniers palestiniens détenus illégalement en Israël.
Quelles sont les perspectives d’un tel dialogue et quel est le rôle des forces progressistes et démocratiques?
Nous pensons que ce dialogue est venu au bon moment. Le poids politique des prisonnier-ère-s a toujours été sacré dans notre combat et leur appel, qui a su rassembler toutes les tendances, saura redonner vie à la concertation nationale. Pour la gauche palestinienne, je tiens à vous annoncer que ce 25 mai, a eu lieu un regroupement des six forces de la gauche. Une initiative basée sur la légitimité de l’appel des prisonnier-ère-s. Elles se sont rassemblées autour de la Déclaration de l’indépendance (Alger 1988), comme base légale, et se sont données trois objectifs importants: la réforme profonde de l’OLP, l’Etat palestinien indépendant et le retour de tous les réfugié-e-s.
Quelles sont les perspectives d’une telle initiative?
Après presque 5 ans de dispersion, cette initiative doit permettre à la gauche palestinienne de se doter de vrais mécanismes unitaires qui vont lui permettre de se présenter comme troisième pôle, avec un projet sociétal émancipateur. Elle a comme objectif d’aller vers les indépendant-e-s, vers toutes les personnalités, les organisations syndicales, les ONGs, les académiques et vers toute la société civile qui n’a fait que subir en plus de l’implacable répression sioniste, la corruption de l’autorité palestinienne et la surenchère du Hamas. Il est important de savoir que les résultats des élections ne sont pas pour un choix d’une alternative politique spécifique mais plutôt une conséquence immédiate de l’occupation et tout ce qu’elle a engendré comme perte de perspective et d’étouffement.
A l’échelle européenne, y compris en Suisse, le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien est traversé par une divergence autour de la question du boycott d’Israël. Quelle est la position du comité national pour le boycott des produits israéliens (CNB)?
En tant que membre du CNB, je tiens à signaler l’importance du boycott. Il peut concerner n’importe quel Etat qui viole le droit international. Ce n’est pas une position contre un peuple mais plutôt contre un Etat qui refuse d’appliquer plus de 400 résolutions internationales, qui vient d’adopter une des lois les plus racistes2 de notre temps, qui construit un mur d’apartheid3 en confisquant ce qui reste de la terre en Palestine,… et qui ne trouve comme unique réponse au désarroi des Palestinien-ne-s que les assassinats sommaires. Nous comprenons le malaise des européen-ne-s et l’éventuelle culpabilité qu’elles-ils auraient par rapport aux crimes commis lors de la Seconde guerre mondiale, c’est pour cela que je tiens à leur dire que l’appel au boycott vise une pression conséquente sur l’Etat d’Israël en vue d’en finir avec cette illégalité internationale et avec cet état de non-droit qu’il nous impose.
C’est un appel qui vise les colonies ou tous les produits israéliens?
D’abord il est très difficile de repérer aujourd’hui les produits des colonies. Il me parait absurde de faire ce genre de distinction car les colonies sont non seulement une conséquence objective de la colonisation, mais surtout une composante permanente de la politique de l’Etat d’Israël. D’ailleurs, notre appel ne concerne pas que les produits et les marchandises mais aussi les collaborations militaires, les échanges commerciaux, culturels, académiques et sportifs. Nous appelons la société civile européenne à nous soutenir dans cette démarche surtout qu’il y a eu un appel au boycott, au désinvestissements et sanctions, lancé par la société civile palestinienne et qui engage plus que 197 associations.
Penses tu que dans la situation actuelle, le peuple palestinien peut trouver une alternative aux produits israéliens?
Cet appel est porté par plus que 60% des Palestinien-ne-s même s’il entraîne une certaine perplexité aujourd’hui, il peut créer une dynamique intéressante qui donnera lieu non seulement à une créativité productive mais surtout va permettre aux paysans, artisans, commerçants d’être maîtres de leur sort. Elle va permettre de réduire les taux de chômage.
Un dernier mot?
Je tiens à remercier les militant-e-s du Collectif Urgence Palestine pour leur solidarité et pour leur travail. Notre victoire sera la vôtre.
Entretien réalisé par la rédaction
- FPLP, FDLP, PPP, FIDA, L’Initiative et le Front de libération palestinienne FLP
- La loi interdisant le regroupement de conjoints de Palestinien-ne-s d’Israël qui vient d’être confirmée par la Cour suprême israélienne.
- Ce mur a été condamné par la cour de La Haye.