Notre réponse à la Cicad

Notre réponse à la Cicad : Combattre l'antisémitisme en dénonçant la violence coloniale israélienne

Dans un communiqué de presse du 24 juillet intitulé : Scandaleuse caricature publiée par solidaritéS, la Cicad s’en prend au dessin de Latuff paru dans notre dernier numéro. Celui-ci figure un colon israélien portant kippa et papillotes, allongé dans une baignoire pleine, à côté d’une femme affublée d’un foulard et d’un drapeau palestinien qui tente de recueillir une goutte d’eau, la distribution du précieux liquide étant contrôlée par une vanne en forme d’étoile de David. Il illustre un article de Renaud Duterme, titré « Une critique écologiste de l’occupation israélienne », qui stigmatise la politique de ségrégation et d’expropriation du peuple palestinien : en moyenne, un colon consomme chaque jour sept fois plus d’eau qu’un habitant de Cisjordanie.

Certes, toute caricature peut ouvrir la porte à des interprétations diverses. Pourtant, remise dans son contexte – l’article qu’elle illustre et la ligne éditoriale de notre bimensuel – la publication du dessin incriminé ne peut être considérée sans une bonne dose de mauvaise foi comme un «dérapage» qui «dénonce une fois de plus le Juif comme coupable». Le parti pris de la Cicad saute aux yeux puisqu’elle se livre en outre à un amalgame sans fondement entre le dessin publié par solidaritéS et l’affiche pour la Fête nationale du 1er août du groupe d’extrême droite antisémite « Genève non conforme ».

Bien sûr, l’antisémitisme n’est pas mort, raison pour laquelle solidaritéS ne cesse de le combattre comme toute forme de racisme : nous l’avons montré récemment face à l’affaire Dieudonné. Malheureusement, certains leaders des organisations juives – critiqués vertement par l’Union juive française pour la paix ou par Henry Siegman aux Etats-Unis – alimentent la confusion entre Juifs et autorités israéliennes en soutenant la politique de Tel-Aviv au nom de l’ensemble des Juifs. Raison de plus pour rejeter la volonté de la Cicad de faire taire les critiques de la barbarie coloniale israélienne sous prétexte d’antisémitisme, tandis que l’armée de ce pays vient de massacrer plus de 2000 habitant·e·s de Gaza, dont un grand nombre d’enfants.

Bien sûr, le dessin de Latuff propose une caricature simpliste de l’occupation israélienne en figurant le colon sous les traits d’un fondamentaliste juif. En effet, si un courant de l’intégrisme religieux défend la colonisation et y participe en première ligne, justifiant jusqu’au meurtre d’enfants palestiniens, il le fait en détournant le judaïsme à des fins politiques. Les persécutions qu’il justifie n’ont rien à envier à celles que d’autres légitiment au nom de l’islam, de l’hindouisme ou du christianisme. En réalité, la violence coloniale qu’il prône ne découle d’aucune croyance religieuse, même si elle s’en revendique, mais de l’impérialisme qui nourrit le racisme, la déshumanisation des peuples dominés, et entretient un climat de «mort atmosphérique» (Fanon), que ses responsables soient croyants ou athées, théocratiques ou républicains.

Ne serait-il pas grand temps que la Cicad ouvre les yeux sur le racisme et les courants fascisants qui se développent aujourd’hui en Israël, où il est de plus en plus fréquent d’entendre des appels au meurtre et au viol des Arabes ? Les mi­li­tant·e·s pacifistes israéliens sont désormais menacés dans leur intégrité physique, ce qui est relativement nouveau. Se taire complaisamment sur de telles évolutions en arguant du caractère « démocratique » de l’Etat d’Israël ou du danger de faire le lit de l’antisémitisme, n’est-ce pas s’en rendre complice, alors que l’histoire de la colonisation nous a appris à en mesurer le potentiel criminel ?

 

Jean Batou