La gauche argentine à l’épreuve

La gauche argentine à l’épreuve



Le processus révolutionnaire argentin, marqué depuis janvier par le rapide développement des formes d’auto-organisation et par une crise de légitimité sans précédent du régime, se heurte aujour-d’hui à l’absence d’une alternative politique crédible à gauche. Cette absence détermine largement les limites du processus à l’heure actuelle.



Si la crise politique et sociale est générale, les institutions -affaiblies par les départs successifs des deux têtes de l’exécutif, les présidents De la Rúa et Rodriguez Saá – restent encore en place: l’Etat, l’armée, le régime, le parlement n’ont pas été emportés par la déferlante populaire. Pour paraphraser une expression historique, on peut dire que «ceux d’en bas ne veulent plus, mais ceux d’en haut… peuvent encore nuire». Une telle situation met à l’épreuve la gauche argentine, qui malgré sa dispersion, est sortie renforcée des élections du 14 octobre dernier.



Cette gauche est dans sa majorité constituée d’organisations se réclamant de la tradition trotskiste – le Parti ouvrier (anciennement Politique ouvrière, qui a rompu au cours des années 1970 avec le regroupement international dirigé par Pierre Lambert), et les organisations issues de l’éclatement du Mouvement pour le socialisme (MAS «historique» dirigé par Nahuel Moreno jusqu’à sa mort en 1987, qui avait compté plus de dix mille militant-e-s), dont les plus importantes aujourd’hui sont le Mouvement socialiste des travailleurs (MST), le MAS, le Parti des travailleurs socialistes (PTS) et Autodétermination et Liberté (un réseau horizontal dont le porte-parole, Luis Zamora, député du MAS historique à la fin je la décennie 1980 a été réélu député en octobre et est sans joute la personnalité la plus populaire de la gauche argentine) -, d’un Parti communiste, qui s’est largement rénové à la fin des années 1980, rompant avec sa tradition droitière (il avait même soutenu quelque temps la dictature de Videla), tissant des liens avec le PC cubain, et ayant constitué avec le MST une coalition nommée Gauche Unie (Izquierda Unida, IU, qui a réussi à faire élire une députée nationale en octobre dernier, Patricia Walsh, proche du MsT), et enfin d’un Parti Communiste révolutionnaire, maoïste, qui n’a pas pris part aux élections mais dont l’influence, au travers du Courant cIassiste et combatif (CCC) est. non négligeable dans les nouveaux mouvements sociaux, en particulier dans le mouvement des piqueteros1. Notons aussi l’existence de petites organisations socialistes de gauche, en l’absence d’une tradition social-démocrate classique dans ce pays. Il faut enfin mentionner l’organisation des Mères de la Place de Mai, actives depuis la dictature en défense des droits de l’homme et contre l’impunité des corps répressifs qui, si elle n’est pas à proprement parler un parti politique, prend des positions qu’on pourrait qualifier de gauches radicales.



(..) Notons que si toutes les organisations politiques de la gauche se prononcent en faveur de l’unité, en dehors d’une déclaration commune signée à l’isssue d’une rencontre le 23 décembre -alors que les affrontements de rue et la crise du régime étaient à leur point culminant – pour certaines d’entre elles (surtout PO et IU), jusqu’au moment où nous écrivons, il n’y a pas eu de rencontre unitaire entre les dirigeants de toute la gauche, alors que les militants des diverses organisations se côtoient régulièrement dans les mobilisations et les assemblées populaires.



De la capacité des directions de la gauche argentine à dépasser sa dispersion actuelle et à trouver les formes d’organisation lui permettant d’apparaître comme une alternative politique face au régime bourgeois dépend largement l’avenir du processus révolutionnaire argentin.


[J.M]



  1. Les piqueteros organisent des barrages de routes pour exiger la satisfaction de leurs revendications. Le 24 juillet dernier ils ont organisé la première assemblée nationale des organisations sociales, territoriales et des sans-emploi à Matanza, en présence d’environ deux mille délégués (Cf, Inprecor no 456 de mars 2001 et no 461/462 d’août-septembre 2001)


Inprecor-Janvier 2002


Inprecor, revue d’informations et d’analyses de la Quatrième Internationale, permet de découvrir les réflexions des gauches radicales à travers le monde et d’approfondir la connaissance des divers pays, bref, de voyager sans être obligé de casser sa tirelire! Au sommaire du n° 466/467 (68 pages) de janvier-février 2002 vous trouverez:



  • Un dossier Argentine: plus de 30 pages d’analyses et de documents.

  • Les perspectives de la gauche anticapitaliste européenne;

  • Un bilan des investissements extérieurs en Russie en Europe de l’Est;

  • Un premier bilan de la guerre US «contre le terrorisme»;

  • et des articles sur la Macédoine, l’échec social-démocrate eu Portugal, l’entrée de la Gauche Unie dans le gouvernement autonome basque.



Prix de ce numéro: 9 euros, abonnement de six mois 30 euros, un an 55 euros. Commandes à PECI, BP 85, 75522 Paris Cedex 11, France. http://www.inprecor.org