Réforme néolibérale au détriment des droits sociaux!

Réforme néolibérale au détriment des droits sociaux!

On va voter sur un «Arrêté fédéral concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre Confédération et cantons» (RPT) présenté par le ministre des finances Merz comme une «revitalisation» du fédéralisme.

Si cette modification constitutionnelle passe, elle déclencherait une «Loi fédérale sur la péréquation financière et la compensation des charges», non soumise au présent vote, mais qui pourrait être l’objet d’un référendum facultatif, et induirait un chantier de révision de plus de trente «lois d’exécution», que le gouvernement vient de mettre en consultation…

RPT: sac de nœuds…

Par ailleurs, des arrêtés devront encore être votés par les Chambres, sur les montants de la «péréquation des ressources» et de la «compensation des charges» entre cantons… En outre, ceux-ci devront adopter un «Accord-cadre intercantonal» réglant leur collaboration et démarrer d’innombrables révisions de lois cantonales, imposées par la RPT, dont il est prévu aussi qu’elle se répercute dans les cantons par une démarche intercommunale analogue.

Le vote sur la RPT c’est donc la pointe d’un iceberg. Ce qui est sûr – et c’est une motif du NON – c’est qu’on met le doigt dans une machine, pilotée par les majorités de droite au parlement, au gouvernement et dans les exécutifs cantonaux, qui ne dérogera pas aux dogmes libéraux: baisses de prestations sociales et des ressources des collectivités, privatisations, déficit démocratique… Comme l’écrit le DFF: «Il s’agit d’accroître aussi bien la marge de manœuvre politique et financière de la Confédération que des cantons.» Le sens de la «manoeuvre» prévue est clair.

Handicapé-e-s à la caisse

Procès d’intention? Ce n’est pas l’avis des 10000 manifestants rassemblés à Berne par les associations de handicapé-e-s, en campagne pour le NON.1 Au motif que la RPT représente, le transfert de plus de 2 milliards par an de l’AI aux cantons, qui en décideront «librement» l’affectation, jusqu’ici réglée à l’échelon fédéral. Avec le risque de voir un démantèlement massif des droits des handicapé-e-s à l’échelle nationale, remplacés par des solutions locales a minima. Les ressources en question pouvant être consacrées, par exemple, à des réductions d’impôts! Comme l’explique le DFF: «Il incombe aux cantons de décider eux-mêmes s’ils entendent consacrer à une réduction effective de leur charge fiscale les recettes supplémentaires non affectées que la RPT met à leur disposition.»

Bourses d’étude à la casse

Procès d’intention? Ce n’est pas l’avis de l’Union Suisse des Etudiant-e-s qui a pris position contre la RPT, au motif que l’abandon ou la réduction massive prévues, de subventions fédérales affectées aux bourses d’étude, se traduira par de nouvelles mesures d’économies au dépens de l’accès à la formation et de l’égalité des chances.

Vue du côté de certains qui auront à en pâtir, la RPT suscite une opposition déterminée. Mais à prendre les choses «par en haut» par la pointe de l’iceberg que constitue la révision constitutionnelle elle-même, les motifs du NON sont multiples. En voici quelques uns:

Compétitivité fiscale ou harmonisation

Avec la RPT on inscrit dans la Constitution un objectif explicite de «compétitivité fiscale des cantons à l’échelle nationale et internationale»! L’un des arguments pro-RPT de la droite, c’est qu’elle écarterait le spectre de l’harmonisation des taux d’imposition entre cantons.

Or la sous-enchère fiscale intercantonale est un moyen pour vider les caisses publiques. La possibilité de «paradis fiscaux» cantonaux (Zoug, Schwyz…) doit donc être supprimée par une harmonisation des taux d’imposition cantonaux…

Merz affirme qu’une telle harmonisation serait un «camouflet pour la politique fiscale libérale […]. Elle étoufferait la concurrence entre les sites économiques, les régimes fiscaux et les politiques financières.» Les directeurs cantonaux des finances affirment eux que «les impôts augmenteraient fortement dans les cantons et les communes les plus concurrentiels sur le plan fiscal. La pression fiscale pour une diminution des dépenses se relâcherait dans les cantons à forte imposition…» Voter non à la RPT, c’est voter contre la concurrence fiscale et la diminution des dépenses sociales!

Zone grise du 4ème niveau

Avec la RPT, la Constitution aurait un article 5a indiquant que «l’attribution des tâches étatiques se fonde sur le principe de la subsidiarité», principe matérialisé dans le nouvel art.43a. On y lit: «La Confédération n’assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons…» Pour ne prendre que l’assurance-maternité fédérale par ex., une telle disposition aurait permis de plaider pour le NON, les cantons pouvant s’en charger, Genève ne l’a-t-elle pas fait avec son assurance-maternité locale?

Le discours pro-RPT affirme que les cantons sont «plus proches» des «besoins réels» des citoyen-ne-s, mais par ailleurs, on met en place un quatrième niveau de décision et de gestion «intercantonal». L’art 48 introduit la notion de «droit intercantonal», qui s’élabore par conventions entre cantons, et prévoit la création d’«organes intercantonaux». Ils édicteront même «des règles de droit»! Ces conventions résulteront de tractations entre exécutifs, dans l’espace «intercantonal», sans parlement, et sans que les droits de référendum et d’initiative ne leur soient opposables.

Privatisation des routes nationales?

«La Confédération construit entretient et exploite les routes nationales» nous propose-t-on aujourd’hui, en remplacement de l’attribution actuelle mixte de cette tâche entre cantons et Confédération. Dans le même souffle, il est prévu que la Confédération puisse «confier ces tâches en partie ou en totalité à des organismes publics privés ou mixtes.» La privatisation de la construction et de l’exploitation des routes nationales serait donc prévue dans la constitution. (En 2002,dans sa nouvelle «bible» néolibérale, economiesuisse proposait déjà… de privatiser les autoroutes!)

AVS: le droit de ne pas couvrir les besoins vitaux…

L’art. 112 de la Constitution indique la mission originale de l’AVS: «Les rentes doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée.» Cette disposition n’est pas respectée dans les faits et la droite veut démonter toujours plus le système de répartition et de solidarité de l’AVS, en faveur de l’épargne forcée du deuxième pilier soumettant nos rentes aux aléas des spéculations boursières.

Mais jusqu’ici, l’exigence de «couvrir les besoins vitaux» par les rentes AVS figure dans la Constitution, comme but que nul n’a osé attaquer de front. C’est une disposition transitoire relative à l’art. 112 qui indique que: «Tant que l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale ne couvre pas les besoins vitaux, la Confédération verse aux cantons des aides destinées à financer des prestations complémentaires

Avec l’Arrêté fédéral RPT, cette disposition est abrogée en faveur d’un article 112a, du même rang que l’art 112 et sans rien de transitoire, qui reconnaît comme situation admissible, prévue constitutionnellement, que l’AVS puisse «ne pas couvrir les besoins vitaux»…

Pierre VANEK

  1. Voir: www.perequation-financiere.ch