Chávez a libéré l'énergie populaire
Chávez a libéré l’énergie populaire
L’Amérique latine est l’une des régions du monde qui ont été les plus brutalisées par le rouleau compresseur néolibéral. Des économies nationales strictement «ajustées» à la logique des marchés financiers et aux institutions internationales; des services publics massivement privatisés; un marché du travail largement déréglementé et une agriculture subordonnée aux latifundios et à l’agro-exportation. Depuis plusieurs années, le Venezuela d’Hugo Chávez montre cependant que la résistance est possible.
L’Amérique latine a connu des vagues successives de luttes et l’émergence d’expériences et de constructions de mouvements sociaux qui nourrissent en permanence la résistance: insurrections boliviennes pour le contrôle et la maîtrise des ressources naturelles (gaz et eau); syndicats et mouvements de piqueteros en Argentine, contre le chômage et la pauvreté; mobilisations sociales et démocratiques appuyées sur les mouvements indigènes en Equateur; luttes des fonctionnaires contre les réformes des retraites, mais aussi des agents bancaires, sur fond d’enracinement du Mouvement des Sans Terre au Brésil; processus révolutionnaire bolivarien au Venezuela.
Comment résister?
L’accumulation de ces mouvements sociaux s’est aussi traduite par des victoires électorales de la gauche: Gutierrez en Equateur, Kirchner en Argentine, Lula au Brésil, Tabarez avec le Frente Amplio en Uruguay. Elle s’est aussi exprimée par la victoire de Chávez lors du dernier référendum au Venezuela. Cette conjoncture remet à l’ordre du jour une série de débats stratégiques.
Au Venezuela, Chávez et son équipe ont choisi de se confronter à l’impérialisme états-unien et à ses alliés de la droite vénézuélienne en s’appuyant sur la mobilisation massive du peuple. Le gouvernement a pu ainsi récupérer par la force la direction de l’industrie pétrolière nationale (PVDSA) et orienter ainsi une bonne partie de la rente pétrolière vers le financement des programmes sociaux. Le contrôle des changes, la dynamique de la réforme agraire qui permet l’occupation de terres non productives, abandonnées par les propriétaires fonciers ou la récente expropriation de l’usine papetière Venepal, fermée par le patron pour des raisons politiques, renforcent la mobilisation des partisans du «processus» révolutionnaire.
Question de volonté politique
Soulignons aussi l’organisation à la base de comités de santé et pour l’éducation, qui ont réussi à obtenir, avec l’aide des Cubains, des résultats formidables dans ces deux domaines. Les Vénézuéliens ont dorénavant accès à la médecine gratuite et universelle, plusieurs centaines de cliniques de quartiers ont été construites et plusieurs millions de personnes ont repris des études, de l’alphabétisation aux études supérieures. Six nouvelles universités, réservées aux classes populaires, ont été ouvertes. Plus de 500000 bourses de 100 dollars ont été distribuées aux plus défavorisés. Ces mesures stimulent en même temps des expériences de démocratie directe. Comme l’a déclaré un syndicaliste vénézuélien lors du FSM: «La parole de Chávez a libéré l’énergie populaire».
Voilà l’option Chávez: une politique de rupture partielle avec l’impérialisme états-unien et les classes dominantes, qui ouvre la voie à une mobilisation et à une auto-organisation de millions de Vénézuéliens. Il ne s’agit pas d’en faire un nouveau modèle. La direction bolivarienne n’a pas bouleversé les rapports de propriété et aucun mouvement politique révolutionnaire structuré ne semble émerger. Il est donc difficile de prévoir les évolutions futures de cette expérience politique nouvelle. Mais le processus bolivarien prouve qu’il n’y a pas de «politique unique», contrainte d’accepter les règles du modèle néolibéral. Certes, la rente pétrolière permet à Chávez de financer les programmes sociaux. Il aura tout de même fallu affronter les forces pro-impérialistes jusqu’au coup d’Etat du 11 avril 2002, confrontation que rejette Lula.
Pourtant, les gigantesques profits des entreprises brésiliennes et des grands propriétaires terriens constituent également une base pour opérer une redistribution des richesses. C’est une question de volonté politique. Et là, le processus révolutionnaire bolivarien est un formidable point d’appui.
François SABADO*
* Extrait d’un article paru dans Rouge, le 10 mars 2005