Syndicalisme aux USA: la nécessité de renouveler ses pratiques et ses perspectives
Syndicalisme aux USA: la nécessité de renouveler ses pratiques et ses perspectives
Le syndicalisme étasunien est souvent méconnu en Europe.
En y consacrant lun de ses dossiers internationaux annuels,
lUnion syndicale Solidaires a donc comblé un vide pour
les non-anglophones. Nous en reprenons quelques articles et invitons
nos lecteurs et lectrices à consulter les autres contributions,
tout aussi intéressantes, sur le site
http://pagesperso-orange.fr/orta/solidint/. LUnion syndicale
Solidaires regroupe les syndicats SUD (rail, PTT, etc.) en France.
Limportance du syndicalisme dans le cur de la
première puissance mondiale nest pas à souligner:
rien de grand et de fort ne se produira aux Etats-Unis sans lui. Mais
ses limites doivent aussitôt être mises en évidence,
en particulier la réduction – voulue ou subie – de son action
à la négociation collective au niveau de
lentreprise. Sans parler du soutien renouvelé
apporté au Parti Démocrate, piètre pis-aller en
labsence dune véritable organisation politique des
salarié-e-s. Actuellement dans une phase daffaiblissement
marquée par rapport aux années 60,
particulièrement dans le secteur privé, où il est
passé dun taux de syndicalisation de 35% à moins
de 8%, le syndicalisme étasunien est placé devant
lévidente nécessité de renouveler ses
pratiques et ses perspectives. (réd)
* Catherine Sauviat est économiste. Son activité de recherche
est centrée sur les rapports entre la mondialisation, lemploi, les
rémunérations, et la gouvernance des entreprises. Elle a publié de
nombreux articles sur le monde du travail aux USA.
http://www.ires-fr.org/files/ires/equipeires.html
Pour des raisons historiques, la faiblesse du syndicalisme
américain et son incapacité à représenter
la classe ouvrière dans son ensemble ont conduit les syndicats
à privilégier la négociation collective et
à développer, de fait, des pratiques gestionnaires et
bureaucratiques, au bénéfice exclusif de leurs membres.
Les Etats-Unis sont de tous les grands pays industrialisés,
celui où la «prime syndicale» est la plus forte.1
Un syndicalisme focalisé sur la négociation collective
Cette stratégie sest consolidée au
détriment de pratiques et dactions situées
à un niveau plus directement politique et du
développement de liens tissés avec la
société civile et les mouvements sociaux. Il ny a
que les syndicats du secteur public qui fassent exception. Ces derniers
affichent en effet un taux de syndicalisation de 35%, lié
également au fait que les employeurs publics nutilisent
pas les tactiques antisyndicales ayant cours dans le secteur
privé. Ce syndicalisme de «services aux
adhérent-e-s» a montré de fait une
indifférence, sinon une hostilité aux grands mouvements
sociaux des années 1960-70, celui pour les droits civiques et
les différents mouvements en faveur des droits des
minorités. Cette attitude a dailleurs contribué
largement au développement dactions pour la
défense et laffirmation des droits individuels
fondés sur lappartenance ethnique ou sexuelle, en lieu et
place des droits collectifs liés au statut de travailleur-euse
défendus par les syndicats. Ce choix a conduit également
le syndicalisme à configurer et à soutenir un
système de protection sociale fondé non pas sur
l«Etat providence» à linstar de la
plupart des grands pays industrialisés, mais sur
l«Entreprise providence».
Ce syndicalisme puise donc principalement sa force dans
lexercice de la négociation contractuelle. Ce qui
explique que les syndicats qui négocient localement en soient
les acteurs clés, aux côtés des puissantes
fédérations de branche ou de métiers quand les
négociations ont lieu à ce niveau. Ces derniers veillent
à défendre leurs intérêts et leurs
«parts de marché» (y compris en allant chasser des
adhérent-e-s sur les terres des autres) et tirent principalement
leur pouvoir des avantages contractuels négociés
localement pour leurs membres. En contrepartie, les conseils syndicaux
centraux (CLC) qui représentent les structures syndicales
interprofessionnelles en région ne jouent quun rôle
de coordination, à loccasion de grèves ou de
campagnes organisées sur les lieux de travail. Ils sont en
général dépourvus de pouvoir. Ce qui explique
également que la confédération AFL-CIO nait
jamais eu les pouvoirs et linfluence des grandes centrales
françaises. Le niveau confédéral
fédère en fait des syndicats jaloux de leur
indépendance.2 Ne vivant que des cotisations reçues de ses membres affiliés, il a peu de prise sur eux.
Un contexte juridique radicalement hostile
Le problème majeur est que la négociation collective
sest toujours exercée dans un face à face
inégal avec lemployeur, dont lEtat a dressé
les règles du jeu (loi Wagner en 1935, révisée
à la baisse en 1947), mais dans lequel il ne simmisce
guère, une fois ce cadre minimaliste fixé.
Institutionnalisée dans laprès-guerre (1949), la
négociation se limite en outre le plus souvent au seul champ de
lentreprise et en son sein, aux seuls espaces où les
syndicats sont implantés.3 La négociation
dun «contract» (accord dentreprise dans la
plupart des cas) est en effet subordonnée à
lélection préalable dun syndicat, lequel
doit avoir conquis de haute lutte sa représentativité en
obtenant la majorité des votes des salarié-e-s
concernés, dans un contexte particulièrement hostile.4
Une fois élu, un syndicat peut parfois attendre plusieurs
années avant dengager une négociation et conclure
un accord avec lemployeur, ce dernier nhésitant
pas à user de toutes les formes possibles de résistances.5
De ce point de vue, ladhésion à un syndicat ne
relève pas dun choix individuel comme en France ou en
Suisse; il résulte dun choix collectif à
lissue dun vote qui établit la
représentativité du syndicat. La désignation de ce
dernier est lexpression du choix majoritaire des salariés
dans lentreprise, dont le syndicat devient le
représentant exclusif dans lunité de
négociation appropriée. De même, un accord
collectif doit toujours être ratifié par les
salarié-e-s concernés, à la différence
là encore de la France et de la Suisse. Ceci suppose que les
représentant-e-s syndicaux locaux soient quelque peu attentifs
aux revendications de leur base, au risque dêtre
contestés et de perdre leur leadership, même si les
accords dans les grandes entreprises sont en général
négociés par les leaders nationaux.6
Lenvironnement antisyndical peut également se lire
à travers les conditions dexercice de la grève.
Son usage est strictement limité au cadre de la
négociation collective7 et se veut un moyen de
pression économique et non pas lexpression dun
droit fondamental. Dailleurs, lemployeur peut à
tout moment licencier les grévistes et utiliser larme du
lock-out. Le geste de Ronald Reagan, ordonnant en 1981 le licenciement
des 11 000 aiguilleurs-euses du ciel en grève et les
remplaçant immédiatement par des travailleurs-euses non
grévistes, a non seulement signé le coup denvoi de
la répression antisyndicale, mais a marqué
également le début du déclin des grèves. De
toutes celles qui se sont produites depuis lors, peu ont connu une
issue victorieuse à lexception toutefois de celle
très offensive organisée par le syndicat des camionneurs
(Teamsters) en 1997 chez le prestataire privé de services
postaux, UPS. Mais elle aura été finalement suivie de peu
deffets en dépit des espoirs quelle a pu susciter
à lépoque, tant du point de vue des pratiques
grévistes que plus largement du renouvellement des pratiques
syndicales.
Bref rappel chronologique 1869 1880-1890 Déclin rapide des «Chevaliers du Travail» 1900-1919 1934-1942 Les grèves avec occupation se multiplient (48 en 1936 et 447 en 1946-1947 1949-1995 Simultanément, lAFL-CIO renforce son lobbying 2005 Alain (SUD-PTT)
|
Une perte defficacité de la négociation collective liée au déclin des syndicats
La négociation collective a indéniablement permis une
amélioration du niveau de vie de la population salariée
américaine pendant les Trente Glorieuses. Mais dune part,
elle la fait pour une frange limitée de cette population,
essentiellement masculine et blanche. Dautre part, force est de
constater quil nen est plus de même depuis les
années 1980. Le champ dinfluence de la négociation
collective sest en effet considérablement
rétracté avec le déclin syndical. Le choix
davoir fait de la négociation collective de
surcroît au niveau de lentreprise la pierre
angulaire de lactivité syndicale a
considérablement fragilisé le syndicalisme
américain à partir des années 1980. En effet,
celle-ci va se dérouler dans un contexte de plus en plus
défavorable aux salarié-e-s. Les entreprises, soumises
à une pression concurrentielle redoublée sur des
marchés de plus en plus déréglementés et
mondialisés, nont eu de cesse de chercher à
réduire leurs coûts et à faire peser en permanence
sur les travailleurs-euses la menace des délocalisations dans
les tats du Sud où la législation sociale est la plus
faible et, de façon croissante, à
létranger. Les secteurs de lindustrie
manufacturière, davantage exposés à la concurrence
mondiale que les activités de services, ont été
particulièrement touchés. Mais certaines activités
ou fonctions de services, aisément externalisables, grâce
au développement des technologies de linformation et des
télécommunications, ne sont pas à labri du
phénomène de délocalisation.
Le renouvellement des accords collectifs, depuis les années
1980, témoigne ainsi dune tendance ininterrompue aux
concessions salariales (étant souvent supportées par les
nouveaux embauchés), facilitée par les stratégies
syndicales de coopération avec le management. De sorte que non
seulement les salaires réels connaissent une stagnation depuis
plusieurs décennies, mais de surcroît, le nombre de
salarié-e-s couverts par des dispositifs de protection sociale
dentreprise diminue irréversiblement: ils ne sont plus
que 59% en 2005 à être couverts par une assurance-maladie
tandis que la proportion de ceux qui bénéficient
dun dispositif traditionnel de retraite complémentaire
nest plus que de 21% (50% si lon y ajoute les plans
dépargne salariale qui ne sont pas de véritables
régimes de retraite). Le secteur automobile et la
stratégie développée par le syndicat UAW (United
Auto Workers) chez les trois grands de lautomobile
américaine (General Motors, Ford et Daimler Chrysler) sont
particulièrement révélateurs de cette tendance
à la dégradation des normes salariales. Cette situation
est aggravée par la Loi sur les faillites qui autorise les
employeurs à dénoncer les accords existants et à
remettre en cause tous les acquis obtenus par les syndicats pour leurs
membres. En outre, les restructurations massives opérées
actuellement par ces grandes entreprises laissent les
travailleurs-euses syndiqués face à des choix individuels
sur lesquels les syndicats se retrouvent sans prise: accepter ou non
les indemnités de départ offertes par les employeurs pour
se débarrasser dune main-d’uvre devenue trop
coûteuse dans un contexte de surcapacité productive.
Pourtant, la perte occasionnée par ces départs potentiels
nen affaiblira que plus lUAW.
Jobs with Justice Jobs with Justice (JwJ)1 a Les deux principales missions de JwJ sont dorganiser le soutien JwJ existe dans environ 40 villes des USA. Chaque collectif local est JwJ agit par le biais de ses organisations constitutives ainsi que par Beaucoup de groupes locaux de JwJ ont des commissions soccupant Ces commissions mettent en place des tribunaux pour enquêter sur JwJ a également établi un projet nommé SLAP Certaines villes ont un mouvement ouvrier plus organisé que En plus des luttes de salarié-e-s, JwJ soutient des luttes Sans illusions sur les politiciens démocrates, JwJ espère Lavenir nous dira si nous avons raison, et si les Russ Davis *
Traduction Alain (SUD PTT)
* Russ Davis anime «Jobs With Justice» 1 «Jobs with Justice» peut-être traduit par « Justice au travail ». |
Une influence politique faible, doublée dune subordination au Parti Démocrate
Dans le cas américain, cette forte autonomie contractuelle a
été acquise aux dépens de lexercice
dune influence au plan politique. Dans ce pays de tradition
libérale où la question sociale ne sest jamais
posée en tant que telle et où les idéologies
socialistes ont rencontré peu déchos, le
syndicalisme a toujours peiné à obtenir une
législation qui lui soit un tant soit peu favorable. Dune
part, il est resté largement en dehors des mouvements sociaux
qui ont ponctué certains moments de lhistoire
américaine, et qui auraient pu laider à
dépasser cette culture gestionnaire, à adopter des
pratiques plus contestataires et revendicatives, et à militer
pour des réformes sociales denvergure telles que
ladoption dun système de santé public.
Dautre part, il a privilégié les liens avec le
Parti Démocrate, ce qui ne la guère incité
à sortir du bipartisme en vigueur et à créer un
parti politique représentatif des intérêts des
travailleurs-euses et autonome des deux partis traditionnels. Car
lorientation de plus en plus conservatrice et ouvertement pro
business dune partie des Démocrates na pas
toujours conduit au vote de réformes législatives en
faveur des intérêts des syndicats. Non seulement le
président Clinton (au pouvoir entre 1993 et 2000) a
été, par exemple, incapable de faire passer la
réforme du système de santé au milieu des
années 1990, mais il a de plus contribué à
lavènement du Traité de libre-échange
nord-américain (Alena) en dépit de
lhostilité des syndicats. Il a, en outre, impulsé
une réforme de laide sociale en remettant en cause le
maigre filet de sécurité qui protégeait les
populations les plus fragilisées socialement, notamment les
mères célibataires.
La victoire de novembre 2006 des Démocrates au Congrès a
néanmoins été saluée par les deux
confédérations syndicales issues de la scission de 2005.8
AFL-CIO et «Change To Win», dé-sormais concurrentes,
espèrent toutes deux du nouveau Congrès un
infléchissement de lenvironnement législatif en
faveur des syndicats. Lune des questions cruciales et urgentes
est le relèvement du salaire minimum, qui est resté
inchangé depuis 1997 [5,15$ dollars de lheure, soit
environ 5,50 francs suisses, réd.] Cette situation est largement
responsable du développement des «travailleurs
pauvres» aux Etats-Unis, que les campagnes organisées
autour de lexigence dun salaire décent (Movement
for a Living Wage, réd.) tentent de pallier. Dautres
enjeux législatifs sont tout aussi importants. Lun
deux concerne l«Employee Free Choice Act»,
proposition législative introduite en 2005, mais nayant
pas recueilli suffisamment de soutien auprès des membres du
précédent Congrès. Elle vise notamment à
donner aux syndicats le droit de faire signer librement aux
salarié-e-s une demande dêtre
représentés par un syndicat si la majorité
dentre eux y est favorable, situation qui nest possible
actuellement que si lemployeur est daccord. Il
sagit dune procédure plus rapide et plus
sûre que celle, longue et incertaine,
daccréditation auprès de lagence
chargée de lapplication de la loi Wagner, le National
Labor Relations Board (NLRB). Lautre mesure concerne
labrogation de la réglementation introduite par ce
même NLRB, qui permet désormais aux employeurs de
reclassifier certains salarié-e-s dans la catégorie
dagent de maîtrise, les privant ce faisant du droit de se
syndiquer9 et plus largement le nécessaire
renforcement du Wagner Act, la seule loi qui protège les droits
des syndicats et de leurs adhérent-e-s. Car les
salarié-e-s américains nont pas tous le droit de
se syndiquer, notamment ceux qui exercent des responsabilités de
gestion (léquivalent des cadres) ou qui sont investis
dun pouvoir de commandement (contremaîtres ou agents de
maîtrise).
Un nécessaire élargissement des forces syndicales à de nouvelles alliances
Le Sud des USA est devenu le nouveau cur industriel du pays, la
plupart des constructeurs automobiles y ont par exemple
délocalisé leur activité autrefois
concentrée dans le Michigan (région des Grands Lacs,
près de la frontière canadienne). Leur principale
motivation est que les salaires y sont parmi les plus faibles du pays,
car les syndicats y sont traditionnellement peu implantés. Les
Etats en question (Arizona, Texas, Louisiane, Mississippi, Alabama,
Géorgie, etc.) ont en effet voté, après la
Deuxième Guerre mondiale, des lois antisyndicales
appelées de «droit au travail» qui fragilisent
considérablement les syndicats. Elles autorisent notamment les
salarié-e-s à bénéficier de la protection
de laccord dentreprise quand il existe, sans pour autant
devoir adhérer au syndicat et payer une cotisation. Depuis les
années 50, les syndicats, à lexception
dUnite, avaient en général renoncé à
simplanter dans cette partie des USA.
Il est donc urgent pour les syndicats de multiplier les campagnes de
syndicalisation dans lensemble du pays, auprès des
travailleurs et travailleuses des secteurs manufacturiers10,
mais aussi de ceux des secteurs des services qui sont parmi les plus
faiblement rémunérés (travailleurs et
travailleuses des centres dappel, gardien-ne-s dimmeubles
ou chauffeurs-euses de bus scolaires), dont beaucoup sont des
travailleurs-euses immigrés, parfois sans-papiers.
Le syndicat des services (SEIU) est particulièrement actif
auprès de ces populations, notamment grâce à sa
campagne Justice For Janitors lancée au milieu des années
1980, et popularisée par le film Bread and Roses de Ken Loach.
Durant les deux dernières décennies, il est parvenu
à négocier des conventions collectives pour les
gardien-ne-s dimmeuble dans 25 villes américaines. Le
SEIU a été à lorigine de
lorganisation de la toute récente grève à
Houston (Texas), lun de ces Etats du Sud ayant voté une
loi de «droit au travail». Plus dun millier de
gardien-ne-s dimmeubles, principalement
latino-américains, se sont mis en grève pendant un mois
(du 23 octobre au 21 novembre 2006) et ont fait plier les employeurs
concernés, obtenant des augmentations de salaire et
laccès à une assurance-maladie grâce
à laction du syndicat.
Avec beaucoup de retard, lAFL-CIO a fini par comprendre les
enjeux et a opéré en 2000 un tournant historique
vis-à-vis des immigré-e-s, les reconnaissant
désormais comme une composante croissante et essentielle de la
main-d’uvre ouvrière (15% aujourdhui), ainsi
quune force potentielle pour le syndicalisme américain.
LAFL-CIO et «Change to Win» ont dailleurs
décidé dapporter leur soutien à la
syndicalisation des travailleuses et travailleurs journaliers de
lagriculture, principalement des immigré-e-s dont la
plupart sont en situation irrégulière. Dans ce domaine
également, les syndicats ne peuvent compter sur leurs propres
forces, de plus en plus limitées. Ils ont tout
intérêt, et certains lont compris davantage que
dautres, à sunir à des mouvements sociaux
plus larges, à linstar de Jobs With Justice (voir
larticle de Russ Davis en encadré) ou des groupes
militants à linitiative des Workers Centers11,
qui sont précisément organisés pour venir en aide
aux populations les plus précarisées et pour
défendre leurs droits fondamentaux.
En dépit de son affaiblissement et de cinquante années de
pratiques gestionnaires et clientélistes qui ont réduit
certains syndicats au statut de compagnie dassurance agissant
pour la protection des salaires et des avantages sociaux de leurs
membres, le syndicalisme américain reste néanmoins la
seule institution capable de contrecarrer le pouvoir exorbitant des
employeurs et de lutter contre les inégalités
économiques et sociales. Sa revitalisation suppose
lélargissement et la remobilisation de la base syndicale
ainsi quune revivification du fonctionnement démocratique
interne aux syndicats. Elle passe également par le
développement dalliances élargies avec les
mouvements sociaux les plus dynamiques et les plus progressistes, ceux
qui luttent pour le droit des femmes et des minorités, ou pour
le respect de lenvironnement.
1 Les travailleurs-euses syndiqués du secteur
privé ont obtenu en 2005 des gains hebdomadaires de près
dun quart plus élevés (23,1%) que leurs
collègues non syndiqués daprès les
statistiques du Ministère du Travail (BLS).
2 De ce point de vue, le fait que coexistent
aujourdhui deux structures confédérales,
lAFL-CIO créée en 1955 et «Change to
Win», issue en 2005 du départ de plusieurs syndicats
dissidents, ne change rien à cet état de fait.
3 En fait, les unités de négociation
peuvent être de simples divisions, des établissements ou
lentreprise tout entière. La négociation
collective de branche ou à léchelle dune
région existe aussi, mais elle est moins fréquente que la
négociation dentreprise. En revanche, il ny a pas
de négociation interprofessionnelle, en labsence
dun patronat structuré au plan national, comme, par
exemple, en France.
4 Un rapport de lAmerican Rights at Work, sur
la syndicalisation dans la zone métropolitaine de Chicago,
constate que 30% des employeurs confrontés à des
campagnes dorganisation ont licencié les
travailleurs-euses impliqués dans cette activité et 49%
ont menacé de fermer, ou de délocaliser, leur
activité si les travailleurs-euses choisissaient de former un
syndicat. En outre, le nombre délections syndicales
gagnées par les syndicats a diminué de moitié
depuis les années 1970.
5 Il est ainsi estimé que 45% des syndicats
nouvellement implantés échouent à négocier
un accord collectif dans les deux années qui suivent leur
élection.
6 Et cest précisément ce qui
sest produit dans des secteurs en crise comme la
sidérurgie, où une remise en cause croissante des
élus locaux a pu être observée à la suite
des concessions salariales négociées dans les accords,
cf. «Local Unions Leaders Bear Brunt Of WorkersIre Over
Givebacks», The Wall Street Journal, June 26, 2006.
7 Il a été interdit aux employés
du gouvernement fédéral par la loi Taft-Hartley de 1947.
Les Etats peuvent également voter des lois rendant la
grève illicite pour les travailleurs relevant du secteur public
à linstar de la loi Taylor dans lEtat de New York.
8 A cette occasion, trois des plus importants
syndicats affiliés à lAFL-CIO, le SEIU (Service
Employees International Union), les camionneurs (Teamsters) et
lUFCW (United Food and Commercial Workers) avaient
décidé de quitter la centrale pour former «Change
to Win». Plus tard, quatre autres syndicats les ont rejoints: le
syndicat du textile, hôtels, restaurants et blanchisseries
(Unite-HERE), le syndicat des charpentiers (UBCJA) et celui des
travailleurs-euses agricoles (UFWA).
9 Cette décision a été prise par
le NLRB en septembre 2006 par un vote de 3 membres
(républicains) contre 2 (démocrates). Elle vise notamment
le groupe professionnel des infirmières, mais pas seulement.
10 LUAW a commencé de
sintéresser de plus près à la
syndicalisation des travailleurs de lautomobile dans les Etats
du Sud, et a remporté certaines campagnes dorganisation.
11 Ce sont des structures daide aux
communautés de travailleurs pauvres, apparues à la fin
des années 1970, et dont certaines sont
spécialisées dans laide aux migrant-e-s.