Praille – Acacias – Vernets: Des tours et des bulles

Praille – Acacias – Vernets: Des tours et des bulles

Le projet du Conseil d’Etat
genevois concernant la zone Praille-Acacias-Vernets vise à la
suppression complète de l’actuelle zone industrielle
remplacée par une zone de développement
« mixte » ( intégrant
simultanément industrie, activités de bureau et
logement ) avec – au carrefour de l’Etoile –
une zone « ordinaire » vendue à des
promoteurs privés pour leur permettre de construire plusieurs
tours, jusqu’à 175 mètres de hauteur.


Des tours pour la spéculation et les multinationales

La construction de ces tours constitue l’objectif numéro
un du Conseil d’Etat. Celui-ci prévoit de créer,
pour ces bâtiments gigantesques, une zone
« ordinaire » dans laquelle les règles
légales sur la zone ordinaire ne s’appliqueraient pas (!).
Une liberté totale serait laissée aux constructeurs, ce
qui empêcherait les critiques et les oppositions, en particulier
celles des communes concernées. Les terrains seraient vendus par
les pouvoirs publics à des privés. Il s’agit
là d’une opération spéculative conçue
comme un cadeau monumental en faveur des grandes sociétés
multinationales de la finance et de l’immobilier. Quant aux
conséquences de la création envisagée de milliers
de places de travail concentrées sur ce secteur
« libre » , elles ne sont
résolues d’aucune manière par le projet qu’il
s’agisse des questions relatives à la mobilité et
aux transports ou de la nécessité, en cas de
création d’emplois nouveaux, de construire
simultanément des logements pour les nouveaux travailleurs-euses
et leurs familles.

    Courant février 2009, le Conseil d’Etat
a dû concéder que la cons­truction de ces tours
impliquerait, compte tenu de conditions géologiques
défavorables, des fondations extrêmement profondes et donc
des surcoûts considérables… Autrement dit, le Conseil
d’Etat demande aux Genevois de considérer comme une
priorité la construction de tours de bureaux, à prix
d’or, alors que le problème numéro un, en
matière d’aménagement, est celui de la
pénurie de logements à loyers abordables.

La zone industrielle au panier

Si l’on considère, par ailleurs, le projet dans son
ensemble, consistant à créer à côté
de la zone libre des tours une grande zone mixte mêlant logements
et activités économiques, les objectifs poursuivis et les
méthodes utilisées par le Conseil d’Etat sont
également inacceptables.

    Tout d’abord, c’est une grave erreur que
de supprimer en totalité la zone industrielle actuelle. Il est
au contraire essentiel de maintenir suffisamment de surfaces
vouées exclusivement à l’industrie et à
l’artisanat. Plus particulièrement, supprimer ces surfaces
à proximité du réseau ferroviaire constitue une
pure absurdité. Le maintien de la zone industrielle est, par
ailleurs, indispensable pour permettre une maîtrise d’un
coût modéré des prix et des loyers sur ces
terrains, soit une condition indispensable à l’existence
et au développement d’activités industrielles et
artisanales.

    Il est vrai, cependant, que l’actuelle zone
industrielle de la Praille-Acacias n’est pas utilisée de
manière optimale et suffisamment rationnelle. Une très
grande partie des terrains est utilisée comme parkings et
emplacements de stockage d’automobiles, ce qui constitue un
gaspillage. De plus, compte tenu de l’évolution des
technologies industrielles, il est possible aujourd’hui
d’envisager des bâtiments industriels sur plusieurs
étages, alors que beaucoup de bâtiments sont
aujourd’hui de faible gabarit.

    On pourrait donc projeter de conserver la zone
industrielle sur une bonne partie de son emplacement actuel avec des
projets de surélévation de bâtiments et,
simultanément, de déclasser en zone de
développement d’habitation et d’espaces verts
d’autres partie du périmètre. Ce n’est pas du
tout ce qu’envisage le Conseil d’Etat avec sa zone mixte,
dans laquelle, inévitablement, se développeraient en
priorité les activités commerciales et administratives,
bien plus rentables au plan des investissements immobiliers que le
logement et les activités artisanales ou industrielles.

Les logements à la trappe

La zone actuelle comporte 20 000 emplois. Le Conseil d’Etat
prévoit qu’elle en comptera 40 000 avec la
réalisation de son projet. Or, celui-ci ne prévoit que
6000 logements supplémentaires, alors que, selon la norme
usuelle, 20 000 emplois supplémentaires devraient impliquer la
création de 20 000 logements. Le respect de cette norme (1
emploi = 1 logement) est d’autant plus nécessaire que le
canton connaît déjà une extrême
pénurie de logements.

    Enfin, le projet du Conseil d’Etat est
particulièrement dangereux, car il ne garantit d’aucune
manière que la réalisation du secteur des tours soit
accomplie simultanément à la transformation des autres
secteurs et, en particulier, à la construction de logements
à loyers abordables. Si l’Etat se dessaisit des terrains
du site « libre» , il y a lieu de craindre
que les promoteurs et les multinationales n’y construisent
rapidement les fameuses tours et qu’en parallèle, la
densification du secteur principal et la construction de logements sur
ce secteur restent bloquées par les problèmes fonciers et
le manque de moyens financiers de l’Etat.

Politique - champagne

En conclusion, on constatera que le projet a été
conçu par un Conseil d’Etat obnubilé par le
développement des sociétés bancaires et
financières. A la même époque, en 2008, le
Conseiller d’Etat Hiler, chargé des finances,
annonçait bruyamment, en s’adressant aux banquiers
privés, qu’il voulait attirer les hedge funds à
Genève par des privilèges fiscaux. La crise
financière et économique survenue depuis corrigera-t-elle
cette « politique-champagne»  d’un
Conseil d’Etat à prétendue majorité
« de gauche»  ? Pour le moment, rien
n’indique qu’il renonce à faire des bulles.

Nils de Dardel