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Rebond du Forum Social Mondial







Rebond du Forum social mondial

Entretien avec Eric Toussaint, responsable du CADTM

Au lendemain du Forum
Social Mondial (FSM) de Belém, nous avons publié
– dans le solidaritéS Nº 142 –
la déclaration de l’Assemblée des
mouvements sociaux qui s’y est tenue. Une
déclaration avec une référence
anticapitaliste et socialiste explicite, comportant la mise en avant
d’une série de revendications radicales et
unificatrices et l’appel à une semaine
d’action internationale contre le capitalisme et la guerre du
28 mars au 4 avril, date de la mobilisation en cours ces jours
à l’occasion des 60 ans de l’OTAN. On
retrouve cette déclaration sur le site www.solidarites.ch.
Nous vous livrons ici de très larges extraits
d’une interview d’Eric Toussaint, qui replace cette
déclaration dans le contexte d’un FSM
revigoré dont il tire ici un bilan encourageant.

On a parlé de rebond du mouvement altermondialiste
à l’occasion du FSM à Belém,
que faut-il en penser ?

Eric Toussaint :
[…] Tout d’abord, ce FSM a connu une
très forte participation, avec 133 000 personnes
enregistrées. On parle même de 140 000.
C’est tout à fait considérable et cela
fait du FSM à Belém l’un des forums les
plus populaires. Il se situe au même niveau que celui tenu
à Mumbai en Inde en janvier 2004 ou celui
organisé à Porto Alegre en 2005. Il faut savoir
en effet que Belém est une ville excentrée par
rapport aux grandes villes brésiliennes comme São
Paulo, Rio de Janeiro, Belo Horizonte, Porto Alegre mais aussi par
rapport à toute une série de pays
d’Amérique latine. […]

    De plus, les
participant·e·s, dans leur très grande
majorité, avaient moins de 30 ans. Cette jeunesse
était massivement présente lors des
différentes activités. Un autre facteur de
réussite lors de ce forum, était la
présence très visible et très active
des peuples indigènes essentiellement du bassin amazonien et
des Andes.

    D’autre part, ce qui indique
également un rebond, c’est la recherche manifeste,
par une grande partie des participant·e·s,
d’explications de fond en ce qui concerne les
différentes facettes de la crise actuelle, recherche
combinée à la volonté de se forger une
opinion personnelle et à celle de passer à
l’action pour mettre en place des alternatives.
C’est un changement évident par rapport au FSM
tenu à Nairobi en 2007 qui marquait un essoufflement et une
incapacité à poser les questions de fond. Cela
fait de ce Forum, la première grande mobilisation
internationale contre la crise du capitalisme qui a
éclaté en 2007.

    Ce rebond du FSM et du mouvement
altermondialiste contraste donc avec le deuil du capitalisme au Forum
économique mondial de Davos. Le président Lula
qui, avant, passait une journée au FSM et ensuite,
s’envolait vers le Forum économique, a
décidé cette année
d’être uniquement visible au FSM et donc, de ne pas
se rendre à Davos. C’est tout à fait
significatif car cela montre l’ampleur de la crise. Lula a
compris que sa gestion de type social-libéral qui
génère déjà beaucoup de
doutes au niveau de la base, allait encore être plus mal
perçue s’il se rendait à Davos. Pour
tenter de couper court à des critiques sur sa gauche, il a
préféré ne pas y aller. De
même, aucun autre président de gauche ou de centre
gauche d’Amérique latine ne s’est rendu
dans la station de ski de Davos, alors que plusieurs y
étaient invités. Le Forum économique
faisait triste mine puisque aucun représentant significatif
de l’administration de Barack Obama n’avait fait le
déplacement. Pour discuter de la survie du capitalisme,
seuls Vladimir Poutine, le Premier ministre chinois (c’est
tout un programme) et Angela Merkel avaient fait le
déplacement. […]

Quelles préoccupations ont dominé le
FSM ?

Il y avait trois thèmes principaux. Tout d’abord
la crise du capitalisme dans ses diverses dimensions:
financière, économique, climatique,
énergétique, alimentaire, migratoire et aussi la
crise de « gouvernance »
mondiale, c’est-à-dire la crise manifeste de
légitimité à la fois du G8, du FMI, de
la Banque mondiale et de l’OMC. Le manque de
légitimité des solutions alternatives comme le
G20 était aussi au cœur des discussions.

    Deuxièmement, les crimes de
l’armée israélienne à
l’égard du peuple palestinien. La question
palestinienne, bien que Belém se trouve à plus de
12 000 km de la Palestine, était fortement
présente. Dès le premier jour, lors de la
manifestation d’ouverture, un drapeau palestinien de plus de
20 mètres de long était
déployé, porté par des jeunes de
Enlace 1, un courant du parti
d’extrême gauche brésilien PSOL.
Beaucoup de gens portaient des signes de solidarité avec la
lutte du peuple palestinien. Même s’ils
étaient venus pour d’autres choses, ils tenaient
à exprimer cette solidarité. Derrière
cette question, c’était l’ensemble des
guerres d’agression qui était
dénoncé, comme celles à
l’égard de l’Irak ou de
l’Afghanistan. L’exigence du retrait des troupes
d’occupation faisait consensus.

    Troisième thème
tout à fait prioritaire : la
réalité que vivent et les combats que
mènent les peuples indigènes, notamment les
peuples de l’Amazonie et des Andes. Le premier jour de
travail du Forum était d’ailleurs
entièrement placé sous le signe de la
région amazonienne (région qui va
au-delà du Brésil et qui englobe une partie de
l’Equateur, de la Bolivie, du Venezuela, du Pérou
et de la Colombie sans oublier la Guyane et le Surinam). Le
thème des peuples indigènes comprenait
à la fois leurs relations avec la nature et leur
rôle de préservation de celle-ci; mais aussi
l’affirmation de leur identité culturelle et la
manière dont la globalisation capitaliste les affecte.
[…] Ils ont joué un rôle
très actif. Ils ont donné au Forum un relief
particulier, en mettant la question de l’Amazonie au
cœur des réflexions sur le défi du
changement climatique et au cœur des réponses
écologistes et socialistes à y apporter.

    Au-delà de ces trois
thèmes centraux, il y avait une série
d’autres thèmes très importants. Par
exemple, grâce au dynamisme de la Marche Mondiale des Femmes
(MMF), la thématique féministe était
plus visible que lors des éditions
précédentes du Forum.

    Autre thème
essentiel : la compréhension du rôle
néfaste et prédateur des transnationales non
seulement du Nord, mais aussi du Sud. Puisqu’on
était à Belém, nombre
d’activités ont été
organisées contre l’action des grandes
transnationales brésiliennes comme Petrobras, dans le
domaine pétrolier et gazier ou encore Vale, dans le domaine
de l’industrie extractive. […]

En quoi la déclaration de
l’Assemblée des Mouvements Sociaux (AMS) est-elle
importante ?

Cette déclaration a un aspect tout à fait
novateur. Il faut rappeler que, depuis le premier Forum de janvier
2001, à chaque occasion, une assemblée des
mouvements sociaux s’est réunie.
Préparée depuis le premier jour du Forum, elle se
réunit en assemblée
générale le dernier jour. A l’issue de
l’assemblée, une déclaration finale est
adoptée, rédigée par des
représentant·e·s de toute une
série de mouvements sociaux. Jusqu’ici, ces
déclarations étaient essentiellement un catalogue
des thèmes principaux tels que les mouvements sociaux les
percevaient et une liste des principales actions à venir.
Les mouvements sociaux et les différentes campagnes y
présentaient leurs principaux rendez-vous de mobilisation.

    La déclaration
adoptée à Belém, est d’une
nature différente. Elle comprend une position de fond en
terme de diagnostic de la crise du système capitaliste et de
positionnement sur l’issue de celle-ci. Le titre et le
sous-titre synthétisent d’ailleurs bien
cela : «Nous ne payerons pas la crise !
Que les riches la paient ! Pour des alternatives
anti-impérialistes, anticapitalistes, antiracistes,
féministes, écologistes et
socialistes ! »

    Cette déclaration a donc un
caractère programmatique en ce qui concerne
l’alternative. Pour être plus précis, la
déclaration indique que la crise du capitalisme ne pourra
pas être résolue, du point de vue des
intérêts des
opprimé·e·s, si on se limite
à réinstaurer quelques mécanismes de
régulation. La solution à la crise implique une
rupture avec le système capitaliste.2

    De plus, cette déclaration
exprime des revendications immédiates pour faire face
à la crise. Ce texte propose aussi un calendrier global
unifiant les grandes mobilisations. […]

    Habituellement, lors des Forums, les
conclusions de l’assemblée des mouvements sociaux
(AMS) sont rendues publiques le dernier jour. Cette année,
comme il y avait l’assemblée des
assemblées, sur laquelle nous reviendrons, et les
assemblées thématiques,
l’assemblée des mouvements sociaux a eu lieu le 30
janvier, c’est-à-dire 2 jours avant la fin du
Forum. Lors de la présentation des conclusions de
l’AMS, Joao Pedro Stedile du MST, a estimé que
cette déclaration prouve la maturité de
l’AMS dans la mesure où elle définit
une politique claire.

    Dans ce Forum, l’AMS a
continué à jouer un rôle
d’aiguillon en posant de manière radicale les
problèmes et en renforçant une dynamique,
déjà présente dans tout le Forum, qui
consistait à la recherche d’explications et de
solutions globales et radicales. Si on lit les déclarations
adoptées par une majorité des 11
assemblées thématiques qui ont eu lieu le 1er
février au matin, on constate que, de manière
répétée, la crise est
analysée comme une crise du capitalisme. C’est
particulièrement frappant quand on lit la
déclaration des peuples indigènes, celle des
mouvements anti-guerre ou encore celle de
l’assemblée des femmes :
«Face à ces crises, les réponses
palliatives basées encore dans la logique du
marché ne nous intéressent pas. Ceci ne peut
seulement mener qu’à une survie du même
système. Nous avons besoin d’avancer dans la
construction d’alternatives […] pour nous opposer
au système patriarcal et capitaliste qui nous opprime et
nous exploite.»3

    La déclaration des peuples
indigènes exprime, avec des termes semblables à
ceux de la déclaration de l’AMS, des
revendications pour une alternative antiraciste, anti-machiste,
respectant la terre mère et socialiste. […]

    Alors que certains mouvements sociaux ou
campagnes, notamment européens, hésitent, voire
sont carrément réticents à parler
d’alternative socialiste, l’assemblée
des peuples indigènes, elle, l’exprime de
manière tout à fait explicite. Or
l’élaboration de ces deux déclarations
s’est faite par des personnes différentes, en des
lieux différents du Forum, même si la
déclaration de l’AMS a été
soumise en assemblée générale
à tous les représentants des mouvements
présents y compris bien sûr ceux des peuples
indigènes (qui étaient venus nombreux
à l’AMS). […]

Que dire de la présence au FSM de partis politique
et de certains gouvernements ?

[…] Tout d’abord, il faut dire que les partis
politiques brésiliens de gauche (PT, PSOL et PSTU)
étaient beaucoup plus présents dans le programme
même du Forum mais que leur participation était
très différente. Pour le PT, il
s’agissait plus de la présence du gouvernement et
de l’administration de Lula (plusieurs ministres de son
gouvernement étaient présents) que du PT en tant
que tel. Par contre, le PSOL et le PSTU, partis d’opposition
de gauche au gouvernement Lula, étaient actifs en tant que
partis avec les courants syndicaux qui leur sont proches, notamment Con
Lutas et Inter Syndical.

    La présence de partis
politiques dans l’enceinte du Forum, me paraît tout
à fait nécessaire car le Forum doit
être un lieu de débat entre partis politiques,
mouvements sociaux, organisations citoyennes et
« campagnes ». Il serait tout
à fait logique qu’à chaque
édition du Forum social, des partis politiques
reliés au processus du forum soient présents. Il
faut mettre un terme à une forme de
« ghettoïsation »
des mouvements sociaux, ONG, mouvements citoyens qui seraient incapable
d’entrer en débat, voire en collaboration active,
avec des organisations politiques prêtes à lutter
contre la globalisation capitaliste.

    Par ailleurs, pour la
première fois, quatre présidents
étaient présents ensemble : Evo
Morales (Bolivie), Rafael Correa (Equateur), Fernando Lugo (Paraguay)
et Hugo Chavez (Venezuela).

    Ils incarnent beaucoup
d’espoir du côté du mouvement
altermondialiste en général et des mouvements
sociaux latino-américains en particulier. Il faut se
rappeler qu’en 2005, il y avait eu deux meetings de
présidents latino-américains pendant le FSM.
Celui donné par Hugo Chavez et, à un autre
moment, celui du président Lula. De plus, lors du forum
polycentrique de 2006 à Caracas, Hugo Chavez avait
participé à un autre grand meeting public.

    La nouveauté à
Belém c’est que, pour la première fois,
quatre présidents étaient interpellés
par les mouvements sociaux. C’est extrêmement
important que les mouvements sociaux mettent les présidents
face à un certain nombre de réalités
et essayent d’obtenir d’eux une série
d’engagements pour la mise en place d’un
modèle alternatif et d’une intégration
régionale en Amérique latine. Une
intégration qui soit réellement favorable aux
peuples, respectueuse de la nature et non pas soumise aux
intérêts des transnationales capitalistes. Il faut
aussi souligner que les quatre présidents
répondaient à une invitation des mouvements
sociaux, à l’initiative notamment du MST
(Mouvement des Sans Terre), de la Via Campesina et de la MMF (Marche
Mondiale des Femmes) qui avaient décidé
d’exclure Lula vu le contenu de sa politique antisociale (la
presse locale a fortement mis l’accent sur cette exclusion).

    La politique de Lula est conforme au
modèle social-libéral de Gordon Brown en
Angleterre ou de Zapatero en Espagne. Elle favorise principalement les
grandes sociétés capitalistes
brésiliennes présentes dans toute
l’Amérique latine, le puissant secteur
brésilien de l’agrobusiness, le système
financier privé, les grandes transnationales
étrangères implantées au
Brésil. Cette politique maintient l’exportation
comme soutien fondamental au développement, notamment
l’agrobusiness de la canne à sucre dans le but de
produire de l’éthanol ainsi que
l’exportation de soja transgénique.
D’autre part, du point de vue de la préservation
de la nature, le bilan des cinq dernières années
est catastrophique. La politique de Lula a
entraîné la déforestation de
l’Amazonie sur une superficie égale à
celle du Venezuela.

    Durant le FSM, la démarche du
gouvernement de Lula consistait à reconquérir une
légitimité par rapport à un secteur de
gauche et à la jeunesse politisée
opposés à ses politiques
néolibérales. Si le gouvernement de Lula avait un
discours antilibéral, les
participant·e·s, elles-eux, avaient un pas
d’avance en attribuant les responsabilités de la
crise globale au système capitaliste.

    Lors de cette assemblée avec
les quatre présidents, 1000
délégué·e·s des
mouvements sociaux étaient présents. Beaucoup
plus de participants au FSM auraient souhaité y participer
mais il a fallu procéder par
délégation. La séance a
commencé par une interpellation politique de la part de
Camille Chalmers (secrétaire général
de la PAPDA à Haïti) qui est membre de
Jubilé Sud, du CADTM et de COMPAS (une alliance
caribéenne de mouvements sociaux). Il a souligné
le caractère positif de l’initiative
d’audit réalisé par le gouvernement de
Correa en Equateur et la suspension partielle d’une partie du
paiement de la dette commerciale. Il a ensuite interpellé
Hugo Chavez et Evo Morales sur la mise en place d’audits de
la dette dans leurs pays respectifs et leur a rappelé
qu’ils s’étaient engagés
à le faire à l’issue d’une
réunion de l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour
les Amériques), en présence de Correa, fin
novembre 2008 à Caracas.

    Avant de donner la parole aux
présidents, deux féministes sont
intervenues : Magdalena Leon de REMTE et Nalu Faria de la
MMF.5 Le premier président
à prendre la parole fut Rafael Correa. Celui-ci est
arrivé dans un contexte tout à fait
polémique. La veille, la confédération
des nations indiennes de l’Equateur (CONAIE) avait
envoyé un message au FSM, demandant que Correa soit
déclaré « persona non
grata », en réponse à sa
politique à l’égard
d’investissements étrangers dans les industries
extractives qui affectent directement les populations
indigènes. Pour répondre à cette
remise en question radicale, Rafael Correa a adopté un
discours très à gauche sur le socialisme du 21e
siècle. Si ce discours apparaît uniquement
positif, remis dans son contexte, il apparaît comme un moyen
de donner le change pour reconquérir une
légitimité mise à mal par le type de
modèle capitaliste, productiviste, national qu’il
met en place dans son pays. Il n’a pas non plus
abordé la question de la dette, alors que, dans son
introduction, Camille Chalmers avait bien souligné le
caractère positif de l’audit de la dette et de la
suspension partielle du paiement de celle-ci par l’Equateur
depuis novembre 2008.

    Ensuite, Fernando Lugo a
prononcé un discours dans lequel il a insisté sur
le fait qu’il est absolument nécessaire que le
Brésil reconnaisse que l’application du
traité d’Itaipu est responsable d’un
terrible et injuste endettement du Paraguay à
l’égard du Brésil.
L’entreprise binationale Itaipu a une dette totale de 20
milliards de dollars, 10 milliards à la charge du Paraguay
et 10 milliards à la charge du Brésil. Plus de
95 % de ces dettes sont dues à des entreprises
brésiliennes. Lugo a expliqué qu’il
attend une attitude amicale et digne du Brésil pour que
celui-ci reconnaisse le caractère léonin de ce
traité. Les autorités et le peuple du Paraguay
veulent une réduction radicale de la dette qui leur est
réclamée. Ils souhaitent pouvoir augmenter le
prix de l’électricité qu’ils
fournissent au Brésil et qu’ils souhaitent pouvoir
vendre à d’autres pays de la région,
afin d’augmenter les rentrées fiscales de
l’Etat pour pouvoir entamer les réformes sociales
sur la base desquelles Lugo a été élu
en avril 2008. […]

    L’intervention d’Evo
Morales, qui a suivi, était intéressante dans la
mesure où il s’est positionné comme
faisant partie des mouvements sociaux. Il a expliqué
qu’aucun des présidents présents, ne
serait président s’il n’y avait pas eu
de profondes luttes sociales et si les mouvements sociaux
n’avaient pas renversé à plusieurs
reprises les présidents menant des politiques
néolibérales. Il a demandé aux
mouvements sociaux de ne pas hésiter à convoquer
régulièrement les présidents afin
qu’ils soient obligés de rendre des comptes. Evo
Morales a fait allusion à la situation de son pays
après l’adoption par
référendum de la nouvelle constitution le 27
janvier 2009 (c’est-à-dire le premier jour du
FSM), ce qui constitue une avancée très
importante pour la Bolivie. […]

    Chavez, quant à lui, a
insisté sur l’option anticapitaliste et socialiste
en y ajoutant la dimension féministe et en proclamant
qu’il était devenu un féministe
absolument convaincu.

    Après ces interventions, Joao
Pedro Stedile, président du MST, a proposé des
conclusions, de manière tout à fait exemplaire.
En effet, loin de féliciter simplement les
présidents, il a déclaré regrettable
le temps qu’ils ont perdu et le fait qu’ils se
soient révélés incapables, face
à la crise, d’adopter des mesures favorables aux
peuples. Il critiquait ainsi, l’ensemble des
présidents latino-américains, réunis
notamment en décembre à Salvador de Bahia. En
s’adressant particulièrement aux quatre
présidents présents, il a
déclaré qu’en l’absence
d’une réaction commune de tous les
présidents, les mouvements sociaux attendent des quatre
présidents de gauche qu’ils prennent sans plus
attendre des mesures fondamentales, structurelles pour
répondre à la crise capitaliste. […]

Observe-t-on un tournant à gauche de certains
gouvernements latinos ? L’intégration
régionale avance t-elle ?

On ne peut pas parler d’un tournant à gauche des
quatre gouvernements invités au FSM. Certes, une
série de mesures positives ont été
prises au cours de l’année 2008 au Venezuela en
terme de nationalisations, comme par exemple celle de la grande
entreprise sidérurgique SIDOR suite à un conflit
social prolongé, ou encore celle de la banque du Venezuela
qui appartenait à un des deux grands groupes bancaires
privés espagnols. Au cours de l’année
2008, le bilan qu’on peut faire de Lugo est
évidemment court dans la mesure où il a pris ses
fonctions au mois d’août, donc il y a à
peine 6 mois. Il est nécessaire de laisser un
délai plus important pour pouvoir se faire un jugement.
Néanmoins, ce que l’on peut retenir
c’est que, face à la crise qui a
commencé à toucher de manière directe
les économies et les populations
d’Amérique latine, les quatre gouvernements de
gauche n’ont pas été en mesure de
mettre en place une politique alternative concertée.

    Il faudrait s’inspirer des
propositions issues de la conférence convoquée
par les autorités
vénézuéliennes en octobre 2008,
intitulée «Réponses du Sud à
la crise économique mondiale » qui
avait abouti à une déclaration6
dans laquelle figurait une série de propositions
concrètes qui n’ont malheureusement pas,
jusqu’ici, été suivies
d’effets. Du côté de
l’intégration, il faut constater que la Banque du
Sud qui existe sur le papier depuis décembre 2007,
n’est toujours pas entrée en activité.
Elle est clairement en panne.

    Après ces observations
critiques très importantes, il y a également des
éléments positifs méritant
d’être soulignés. Tout
d’abord, en décembre 2008, a eu lieu au
Brésil à Salvador de Bahia une réunion
de tous les présidents latino-américains qui a
concrétisé le retour de Cuba sur la
scène commune de l’Amérique latine. A
cette occasion, le président Felipe Calderon du Mexique
(gouvernement de droite) et Raul Castro (de Cuba) étaient
réunis sans que le gouvernement des Etats-Unis
n’ait été invité
à cette réunion. Or depuis la
révolution cubaine de 1959, les USA ont réussi
à isoler Cuba sur le plan diplomatique au point que les
réunions principales sur le plan continental
étaient des réunions de l’Organisation
des Etats américains (OEA) qui comprennent les Etats
d’Amérique du Nord et
d’Amérique latine à
l’exclusion de Cuba. Aujourd’hui, il est en train
de se mettre en place une fronde des Etats
latino-américains, gouvernements de droite inclus, par
rapport à Washington, afin de résoudre en interne
certains problèmes régionaux…
[…]

Au niveau de l’organisation du Forum, y a-t-il des
nouveautés?

Oui. L’assemblée des assemblées qui a
fait suite aux assemblées thématiques
autogérées, constitue une innovation importante.
Depuis le début de l’existence du FSM, les
mouvements sociaux ont institué la tradition d’une
assemblée finale unificatrice, convoquée en
« marge » du programme
officiel du Forum. Depuis plusieurs années, toute une
série de composantes du Forum demandaient que le Forum
lui-même favorise de manière active et
délibérée les convergences entre
toutes les organisations participantes qui le souhaitent, afin de
dégager des alternatives communes dans la mesure du
possible, des rendez-vous, des actions, des propositions unitaires. Il
existait des résistances au sein du Conseil International
(CI), mais cette année constitue un tournant et un
progrès pour le FSM avec la convocation de
l’assemblée des assemblées.

    Le premier jour (27 janvier), le Forum
s’est ouvert par une grande marche dans la rue. Le
deuxième jour, toutes les activités
étaient centrées sur la région
amazonienne, ce qui a permis de mettre en valeur l’apport des
peuples indigènes.

Cette journée pan-amazonienne a été
suivie de deux journées où tous les
thèmes pouvaient être traités dans des
activités autogérées. Et enfin, le
dernier jour (1er février), se sont réunies le
matin 11 assemblées thématiques, suivies
l’après-midi d’une assemblée
des assemblées où les conclusions de chaque
assemblée thématique étaient
présentées ainsi que la déclaration
finale de l’Assemblée des Mouvements Sociaux
– AMS – (tenue, elle, le 30 janvier).
C’est de toute évidence un choix
extrêmement positif. […]

Par rapport à l’édition de
Nairobi tenue en janvier 2007, le Forum était-il plus
accessible aux personnes les plus opprimées ? La
population locale y a-t-elle participé
activement ?

Le Forum a connu une très forte participation
numérique de la population de la région. Environ
100 000 personnes de l’Etat de Para, dont
Belém est la capitale, étaient
présentes. L’entrée du FSM pour les
Brésilien·ne·s
s’élevait à 30 reales,
c’est-à-dire 10 euros, le prix de huit
à dix repas dans une cantine populaire. C’est donc
un montant élevé pour le secteur de la population
qui consacre 80 % de ses revenus pour survivre. Il aurait
fallu fortement abaisser le tarif d’entrée pour
permettre une plus large participation.

    Un autre aspect critiquable qui,
celui-ci, n’est pas de la responsabilité du
comité organisateur du FSM mais le résultat de la
politique du gouvernement fédéral et de celui de
l’Etat du Para, c’est la discrimination dont a
été l’objet la population des quartiers
les plus pauvres de la ville. Deux cents policiers
antiémeute ont été
cantonnés dans les deux quartiers les plus pauvres et les
autorités ont décrété la
Ley Seca, une loi qui interdit de vendre de l’alcool le soir.
C’est donc manifestement une politique discriminatoire
à l’égard des
« classes dangereuses » pour
reprendre un terme du XIX e siècle. Dans le reste de la
ville, la présence policière était
très discrète et on pouvait vendre des boissons
alcoolisées à toute heure du jour et de la nuit.
D’autre part, les habitant·e·s vivant
dans des constructions précaires aux alentours de
l’université où s’est tenu le
Forum ont été expulsés de force juste
avant afin de nettoyer le quartier.

    Durant le Conseil International (CI), le
CADTM a interpellé le comité organisateur sur le
prix de l’entrée du forum et a critiqué
l’attitude des autorités de l’Etat
vis-à-vis des populations pauvres. Les membres du
comité organisateur ont déclaré
qu’ils étaient eux-mêmes très
préoccupés par ce genre de politiques. En
conclusion, le FSM devrait être totalement ouvert aux
populations locales sans barrière financière.
L’organisation d’un Forum ne devrait pas
être accompagnée de mesures de
sécurité dans lesquelles la police vise de
manière discriminatoire les classes populaires qui doivent
être l’acteur central du changement dans un
processus comme celui du FSM et de l’altermondialisme.
[…]

Le plan d’action des mouvements sociaux a-t-il des
chances de réussir ?

Pour que l’appel de l’AMS aboutisse à un
succès, il faut que toutes les organisations qui ont
participé au forum, ou toutes celles qui soutiennent cette
convocation, mettent tout en place pour que dans leur pays et leur
région cet appel se transforme en mobilisation. Il y a aussi
d’autres rendez-vous auxquels il faudra répondre
présent. Il est certain que les luttes en cours ou les
luttes récentes (en Grèce, en France, en
Guadeloupe et Martinique…) peuvent contribuer au
succès de ce plan. Il faut combiner ces luttes à
la volonté des travailleurs-euses et des organisations
syndicales de réagir aux vastes plans de licenciements qui
touchent des pans entiers de l’économie.

Propos recueillis par

Pauline Imbach


1   
Enlace regroupe au sein du Parti socialisme et liberté
(PSOL), entre autres, les militant·e·s de la IVe
Internationale au Brésil.
2    Extrait de la déclaration de
l’assemblée des mouvements sociaux
3    Extrait de la déclaration de
l’assemblée des femmes qu’on peut
consulter sur : www.cadtm.org/spip.php?article4105
4    Texte original en espagnol :
www.cadtm.org/spip.php?article4133
5    Lire : Ignacio Ramonet, La
vraie gauche et les mouvements sociaux.
www.cadtm.org/spip.php?article4102
6    Cf. Inprecor nº 541/542 de
sept.-oct. 2008, pp. 39-41
7    V. compte-rendu :
www.cadtm.org/spip.php?article4140


Auteur·e·s :
Eric Toussaint →
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Paru dans le n° 145 de solidaritéS

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