L'AEES prépare le terrain pour l'explosion (du) nucléaire helvétique

L’AEES prépare le terrain pour l’explosion (du) nucléaire helvétique

L’Association des entreprises
électriques suisses (AEES) fait fleurir sur les murs du pays –
aux frais des consommateurs-trices – une vaste campagne
d’affichage, dont le coût relève du
secret-défense. Défense de quoi? Du nucléaire bien
sûr…

En effet, d’ici trois ans les électeurs-trices auront –
suite à un référendum fédéral
indispensable – a rendre leur verdict sur le premier en lice des
projets de nouvelle centrale nucléaire qui se bousculent
désormais au portillon.

    Rappelons que trois projets de nouveaux
réacteurs atomiques sont sur la table : le groupe Alpiq
(issu de la fusion EOS-ATEL) veut sa nouvelle chaudière à
plutonium sur le site de la centrale actuelle de Gösgen, les
Forces motrices bernoises / FMB (avec le groupe Axpo) veulent la leur
à Mühleberg, où ils exploitent aujourd’hui une
vieille centrale fissurée et particulièrement dangereuses
et enfin AXPO (avec les FMB), projette la sienne sur le site de de
Beznau).

Une bataille charnière en vue  

Chacun de ces projets représente des milliards investis (ou
NON !) dans une énergie dangereuse et une
«béquille» majeure au service d’un mode de
production et de consommation d’énergie gaspilleur,
irrationnel et mortel pour la planète, indépendamment
même du risque réel d’un tCHernobyl made in
Switzerland (qu’on a frisé une première fois
à l’occasion de la fusion d’un élément
de combustible suivi d’un incendie à la centrale
nucléaire de Lucens (VD) le 21 janvier 1969).
Indépendamment aussi du casse-tête insoluble posé
par la production d’une masse toujours plus importante de
déchets radioactifs ultra-toxiques et à durée de
vie se chiffrant en millénaires.
    La bataille autour de l’acceptation ou du
refus populaire de la relance du nucléaire est sans aucun doute
l’échéance politique principale en matière
de politique énergétique à laquelle nous devons
nous préparer. Un NON sec à de nouveaux réacteurs
ouvrirait la porte au tournant énergétique indispensable
dans ce pays et serait un signal important à
l’échelle internationale. Il signalerait que la baudruche
mensongère du nucléaire comme solution à la crise
climatique s’est dégonflée. Il donnerait de
nouvelles perspectives pour les défenseurs des nouvelles
énergies renouvelables, comme aussi et surtout, pour
l’utilisation rationnelle de l’énergie et de la
décroissance massive indispensable de sa consommation. Un OUI
par contre représenterait un revers majeur dans un pays
où aujourd’hui la majorité de la population est
défavorable au développement du nucléaire.

Une campagne neutre et objective ?

Le lobby atomique à bien compris ces enjeux et sa campagne
actuelle – via l’AEES – n’est qu’une une
première vague qui sera suivie d’autres,
jusqu’à la votation. Or elle n’a guère
suscité d’opposition et de réaction à la
hauteur. Pour part du fait du caractère volontairement ambigu et
«décalé» des messages. Le lobby a voulu une
campagne «donnant peu de prise aux attaques». Il distille
ainsi insidieusement l’idée d’un déficit
énergétique inéluctable, l’idée que
ni les économies d’énergie, ni les énergies
renouvelables ne suffiront à couvrir une «demande»
fatale… et surtout il évite d’évoquer 
le nucléaire en prétendant faire une campagne
d’information «neutre et objective».
    Nous mettrons en ligne sous peu sur notre site
www.solidarites.ch une analyse critique plus détaillée
des mots d’ordre de cette campagne… dont le slogan phare
«La nuit, peut-on faire appel à l’énergie
lunaire ?» est typique. Il cherche dans ce cas à
disqualifier insidieusement l’énergie solaire… mais
celle-ci n’est pas nommée.
    Le reste est à l’avenant. Les
lobbyistes du nucléaire ont en effet bien retenu les
leçons de leur victoire du 18 mai 2003 où ils ont
gagné le vote populaire contre le moratoire atomique
prolongé, alors même que l’analyse Vox à la
sortie des urnes montrait qu’une majorité des votant-e-s
approuvait le refus de construire de nouvelles centrales… soit
l’exigence principale du moratoire. Ils l’ont fait à
coup de millions consacrés à une communication tordue du
genre «NON à une sortie précipitée du
nucléaire !», donnant  pour acquise la sortie
du nucléaire pour lui permettre – au contraire – de
survivre…

L’inavouable avoué

Dans ce cas-ci les pronucléaires avancent également
masqués. Heureusement, le porte-parole de l’AEES
Sébastien Vogler est passé aux aveux. Questionné
le 1er juillet sur les ondes de la RSR, il crachait le morceau en
affirmant : «Nous nous préparons déjà
maintenant pour essayer de rendre le terrain favorable à un vote
positif… » en faveur d’un nouveau
réacteur.
    Ainsi, une mobilisation sur ces questions
s’impose. On peut certes – au passage – saluer la prise de
position des SIG à Genève qui ont refusé de
participer au financement de cette campagne et s’en sont
expliqués en indiquant notamment que «SIG s’inscrit
dans le cadre de la politique cantonale qui s’oppose à la
production d’énergie nucléaire » et
que – au rebours des messages de la campagne « SIG
met une priorité stratégique sur les énergies
renouvelables et les économies
d’énergie .»
    Mais l’abstention ne suffit, ce qui
s’impose c’est une campagne explicite d’opposition
– antinucléaire et écologique – à ces
messages. Le canton de Genève par exemple – dont la
constitution antinucléaire l’exige – devrait participer
à son financement et s’engager  d’ores et
déjà en annonçant qu’il lancera un
« référendum des cantons »,
comme c’est son droit, contre le premier projet de nouvelle
centrale. Affaire à suivre !


Pierre Vanek