Pourquoi nous protestons contre le G20

Pourquoi nous protestons contre le G20

Paul LeBlanc, socialiste de toujours
et auteur de « Lenin and the Revolutionary
Party », est un membre actif du Comité anti-guerre
Thomas Merton Center. Il est l’un des plus importants
organisateurs du Sommet des Peuples de Pittsburgh, convoqué afin
d’offrir une alternative aux politiques de libre-échange
qui seront discutées lors du Forum économique du Groupe
des 20 nations industrialisées prévu ces 24 et 25
septembre. Interviewé par Ashley Smith, Paul LeBlanc
évoque les questions et les problèmes que
soulèvent le sommet, ainsi que les objectifs de ses
organisateurs·trices.*

Qu’est-ce que le G20 et quelles sont les raisons pour
lesquelles le sommet de Pittsburgh a été
organisé ?

Le G20 réunit les principaux responsables économiques et
politiques de la planète, qui entendent s’assurer que
l’économie mondiale fonctionne sans heurts dans
l’intérêt des dominants. Fréquemment, cet
objectif va directement à l’encontre des besoins et des
intérêts de la majorité de la population mondiale.
    Le G20 va se réunir à Pittsburgh, mais
les sujets qui seront discutés n’ont pas encore
été divulgués. En fait, le G20 n’est pas
connu pour sa transparence. Bien évidemment, la crise
économique sera au centre des débats. Je suppose que la
question environnementale, sujet cardinal pour la population, mais
aussi l’économie mondiale, seront évoquées.
On peut également présumer que les problèmes de la
guerre et de la paix seront discutés.
    La majorité de la population mondiale
n’a cependant pas été appelée à se
prononcer ni sur les raisons pour lesquelles les principaux dirigeants
mondiaux se rencontrent ni sur les sujets qui seront abordés.
C’est pourquoi nous devons élever nos voix pour
défendre le type de monde que nous voulons.

Initialement le G20 devait se réunir à New York,
pourquoi a-t-il été transféré à
Pittsburgh ?

L’administration Obama n’a pas donné de
réponses claires à cette question […]. Pittsburgh
est plus petite et moins complexe que New York. Le mouvement
progressiste y est palpitant, mais moins important qu’à
New York. Sans doute, l’administration Obama et les
autorités locales espèrent-elles ainsi minimiser et
contenir les manifestations et les protestations contre le G20.

Comment ont réagi les militant·e·s de
Pittsburgh, lorsqu’ils/elles ont compris que le G20 aurait lieu
dans cette ville ?

La réponse de la communauté a été
étonnante. Trois campements ont été prévus.
Un premier consacré à l’environnement a
été monté par des organisations environnementales.
Un autre a été organisé par des militantes de Code
Pink [organisation initialement créée par un groupe de
femmes américaines pour combattre la guerre en Irak, ndt.] et de
Women’s International League for Peace and Freedom [organisation
créée en 1915 pour lutter pour le désarmement, la
pleine égalité des droits entre femmes et hommes et une
justice sans discrimination, ndt.]. Enfin, un troisième,
consacré à la pauvreté dans le monde a
été échafaudé par Bail Out the People-Not
the Banks [Sauvez les gens, pas les banques. Ce mouvement rassemble et
organise les chômeurs-euses et tous ceux et toutes celles qui ont
perdu leur toit suite à la crise économique, ndt.] et
l’Eglise Baptiste.
    Au moins trois activités questionnent et
critiquent le G20. Le Sommet des Peuples est celle dans laquelle je
suis le plus intimement impliqué. Il y aura également un
Sommet international pour la Paix, la Justice et le droit des peuples,
organisé par la communauté afro-américaine. Le
Sommet des Peuples et le Sommet International coordonnent leurs
efforts. Une troisième activité a été
initiée par United Electrical Workers Union [Syndicat des
travailleurs du secteur de l’électricité, ndt.] en
collaboration avec Institute for Policy studies [Institut
interdisciplinaire fondé en 1963 ; il rassemble des
cher­cheur·e·s qui lutte pour la paix et la justice
sociale en produisant des études fondées sur la
nécessité de proposer une alternative, ndt.]. […]

Les médias font état d’un très important
déploiement policier à Pittsburgh ; nous avons
également entendu dire que le gouvernement fédéral
et la ville n’autoriseraient peut-être pas les
manifestations. Où réside aujourd’hui le combat
pour les libertés civiles et le droit de protester à
Pittsburgh ?
Tout d’abord, et dès le début, la plupart des
médias ont joué sur la peur et la violence, et ça
continue. La presse et les autorités mêlent tous les types
de protestations et les salissent en suggérant que les
activistes s’apprêtent à commettre des actes
horribles et à générer de la violence. Ce faisant,
ils instillent la peur au sein de la population. Les autorités
sont en train d’utiliser cette situation pour justifier une
série de mesures potentiellement très répressives.
Ils ont préparé un ordre destiné aux
départements de police des zones attenantes pour qu’ils
déploient 4000 policiers de plus.
    Il ne s’agit pas simplement d’un
problème de police locale ; c’est une question de
sécurité nationale. Les services secrets et
d’autres agences gouvernementales sont directement
impliqués ; ils coordonnent et entraînent la police
autour de toutes sortes de tactiques pour gérer ce grand danger
présumé. Il existe de réelles possibilités
que se déchaîne une violence policière
significative à l’encontre des
manifestant·e·s, comme cela a été le cas
ailleurs dans le monde. […]

Beaucoup de militant·e·s ont subi ce genre de
restrictions et de violences policières sous
l’administration Bush. Ils-elles s’attendaient mieux du
gouvernement Obama. Comment évaluer ce qui est en train de se
produire à Pittsburgh ?

Durant toute sa campagne électorale, Obama n’a
cessé de rappeler que tout ce qui a changé politiquement,
économiquement et socialement dans ce pays a été
gagné par les luttes des mouvements de
travailleurs·euses, des droits civils et des femmes. Des
mouvements, a-t-il souligné, qui ont organisé la
protestation dans les rues et sur les lieux de travail. On aurait pu
penser, de ce fait, que sa réponse et les réponses de son
administration auraient été d’accueillir
favorablement la protestation de celles et ceux qui désirent
s’exprimer sur le monde qu’ils·elles veulent, en
soulevant des questions sur le G20. Or, c’est le contraire qui
s’est produit. De fait, il n’y a pas tant de
différence entre les politiques de Bush et d’Obama face
à ce genre de protestation. Il me semble qu’Obama aurait
gagné à adhérer au discours de sa campagne
électorale, s’il croyait réellement à ce
qu’il disait. Mais n’y a pas de preuves jusqu’ici
qu’il y ait vraiment cru.

Qu’avez-vous prévu pour le sommet des Peuples ?

Le sommet des Peuples se tiendra du 19 au 22 septembre. Il a
été promu par un large panel d’organisations et de
forces. Récemment, des syndicats comme le National Organization
of Legal Services Workers (UAW Local 2310) [Service juridique des
travailleurs-euses de l’Etat, ndt.], le United Steel Workers
[travailleurs de la sidérurgie, ndt.] et le Pittsburgh
Federation of Teachers [enseignant·e·s de Pittsburgh,
ndt.] ont décidé de s’y joindre.
    Des responsables locaux de Pittsburgh prendront la
parole […]. Nous avons invité également des
intervenants étrangers comme Walden Bello, l’un des
principaux leaders du Global Justice Movement [composé de
nombreuses organisations prônant la distribution équitable
des ressources économiques, ndt.]. […] Jeremy Scahill, un
journaliste engagé qui écrit entre autres pour The
Nation, Anthony Arnove, qui travaille étroitement avec Howard
Zinn et vient d’écrire un ouvrage très
intéressant (Irak : la logique du retrait), participeront
également au Sommet. […] Il y aura également
quelques activités culturelles : notamment un groupe de
danse africain ; Son of Nun, un groupe de hip hop très
connu aux Etats-Unis et une représentation de la pièce de
théâtre en un acte d’Howard Zinn, intitulée
Marx in Soho et interprétée par Brian Jones.
    Tout au long de la conférence, nous avons
mélangé des préoccupations locales et globales
pour souligner les problèmes communs auxquels nous devons faire
face. C’est un panel riche et intense
d’intervenant·e·s, d’activités et de
discussions sur le monde que nous voudrions. Il n’y a pas un
accord total parmi les organisateurs-trices sur le rôle que joue
le G20 dans la solution des problèmes mondiaux.
Certain·e·s pensent qu’il fait organiquement partie
de ce qui va mal.
    Mais nous avons pris l’engagement d’en
discuter autour d’un certain nombre de principes : les
décisions qui concernent l’ensemble de nos vie devraient
être prises par tout le monde ; la liberté et la
justice pour toutes et tous devraient exister partout dans le
monde ; la liberté d’expression, de croyance
devraient être des droits inaliénables. Toutes et tous
devraient avoir le droit d’être à l’abri de la
peur et du besoin. Voilà le monde que nous voulons. […]

Tout le battage sur la répression policière et la
bataille sur les droits de manifester peut donner l’impression
aux militant·e·s qu’ils-elles feraient mieux de
rester chez eux. Que dites-vous à celles et ceux qui se
demandent s’ils doivent ou non venir à la
manifestation ?

Personne ne doit avoir de doute : il y aura une manifestation
pacifique et légale le vendredi 25 septembre. Le Thomas Merton
Center est à la tête d’une large coalition qui
s’est engagée à ce qu’elle ait lieu. Je suis
confiant sur le fait que le gouvernement n’essaiera pas de violer
nos droits constitutionnels. Il peut vouloir choisir le tracé de
la manifestation. Mais notre groupe va combattre très
âprement pour gagner le droit de marcher selon un tracé
qui nous conduise proche du lieu où se réunit le G20.
[…] Quoiqu’il en soit, il n’y aura de confrontations
que si nos droits démocratiques sont violés. Dans ce cas,
je pense qu’un nombre significatif de personnes suivra
l’exemple de Martin Luther King Jr. et organisera une
désobéissance non-violente. King disait :
« Nous devons avoir le droit de manifester pour nos
droits ». […]

Quel rapport selon vous entre le Sommet des Peuples, les
manifestations anti-G20, la frustration montante face aux limites de
l’administration Obama et le fait, de plus en plus
évident, que nous devons nous battre pour le monde que nous
voulons ?

[…] Nous devons créer une pression populaire qui oblige
les gouvernements à répondre aux besoins de la
majorité de la population mondiale. […] Mais même
si l’administration Obama, d’autres gouvernements ou le G20
décidaient d’entrer en matière sur certains
problèmes, il demeurerait nécessaire de maintenir une
telle force, car il existe des contre-pressions puissantes
émanant des plus riches pour que le monde aille dans leur sens
aux dépens du reste d’entre nous. Or, nous devons amener
le monde dans notre direction.
    […] Nous croyons qu’un autre monde est
possible, un monde dans lequel des femmes et des hommes peuvent prendre
démocratiquement des décisions, contrôler les
ressources économiques dont nous dépendons toutes et
tous.Nous avons besoin d’un monde meilleur, un monde
différent dans lequel ces idées imprègnent toutes
choses.
    Jusqu’à ce que nous soyons capable de
réaliser un tel monde, nous devons exercer une pression
populaire pour gagner des réformes qui appuient la
démocratie, les droits humains, la justice sociale et
économique.[…] Comment faire apparaître un monde
basé non sur le profit d’une minorité, mais sur les
besoins de l’humanité ? Voilà de quoi nous
devons débattre […].

*    Interview
parue sous le titre « Why we’re protesting the
G20 », le 10 septembre 2009 et publié sur
http://socialistworker.org. Traduction et coupes de notre
rédaction.