Fidel Castro dénonce l’annexion de la Colombie par les Etats-Unis

Fidel Castro dénonce l’annexion de la Colombie par les Etats-Unis

Toute personne moyennement
informée comprend aussitôt que l’Accord
complémentaire pour la coopération et l’aide
technique en matière de défense et de
sécurité, signé entre les gouvernements de la
Colombie et des Etats-Unis le 30 octobre, et publié le 2
novembre dans l’après-midi, équivaut à
l’annexion de la Colombie aux États-Unis.

L’accord gêne théoriciens et politiciens. Il
n’est pas honnête de se taire maintenant et de parler
ensuite de souveraineté, de démocratie, des droits de
l’homme, de liberté d’opinion et d’autres
merveilles, quand un pays est dévoré par l’Empire
aussi aisément qu’un lézard capture une mouche.
C’est le peuple colombien qui est en jeu, dévoué,
travailleur, batailleur. J’ai cherché dans ce gros
document une justification digestible, et je n’en ai vu aucune.
[…] Rien ne justifie la conversion d’un pays de 1,14
million de kilomètres carrés, situé au cœur
de l’Amérique du Sud, en une base militaire des
États-Unis. La Colombie fait 1,6 fois le Texas, le second
État le plus étendu de l’Union, qui a
été arraché au Mexique et qui a servi ensuite de
base pour conquérir à feu et à sang plus de la
moitié de ce pays frère.

    Par ailleurs, cinquante-neuf ans se sont
écoulés depuis que les soldats colombiens ont
été dépêchés dans la lointaine Asie
pour combattre aux côtés des troupes yankees contre les
Chinois et les Coréens en octobre 1950. Ce que l’Empire
souhaite maintenant, c’est les envoyer se battre contre leurs
frères vénézuéliens, équatoriens et
contre d’autres peuples bolivariens et de l’ALBA
(Traité de coopération, réd.) pour écraser
la Révolution vénézuélienne, comme ils ont
tenté de le faire avec la Révolution cubaine en avril
1961. Pendant plus d’un mois et demi avant l’invasion de
Cuba, le gouvernement yankee a promu, armé et utilisé des
bandes contre-révolutionnaires de l’Escambray, comme il
utilise aujourd’hui les paramilitaires colombiens contre le
Venezuela. Lors de l’attaque de Playa Girón, les B-26
yankees pilotés par des mercenaires ont opéré
depuis le Nicaragua, leurs appareils de combat ont été
transportés vers la zone d’opérations à bord
d’un porte-avions, et les envahisseurs d’origine cubaine
qui ont débarqué à cet endroit étaient
escortés par des navires de guerre et des marines des USA.

Une ingérence étrangère éhontée

Aujourd’hui, leurs moyens de guerre et leurs troupes seront
cantonnés en Colombie, menaçant non seulement le
Venezuela, mais aussi tous les États centro-américains et
sud-américains. Il est vraiment cynique d’affirmer que cet
accord infâme est nécessité par la lutte contre le
trafic de drogues et le terrorisme international. Cuba a prouvé
qu’il n’y a pas besoin de troupes étrangères
pour éviter la culture et le trafic de drogues et pour maintenir
l’ordre interne […]. La paix intérieure est une
prérogative élémentaire de chaque État; la
présence de troupes yankees dans n’importe quel pays
latino-américain dans ce but est une ingérence
étrangère éhontée […] [Or], ce ne
sont pas seulement les bases aériennes colombiennes qui
passeront aux mains des Yankees, mais les aéroports civils et
toute installation qui leur sera utile. L’espace
radioélectrique sera aussi mis à la disposition de ce
pays dont la culture est différente et dont les
intérêts n’ont rien à voir avec ceux de la
population colombienne. Les forces armées états-uniennes
jouiront de prérogatives exceptionnelles. Les occupants pourront
commettre des crimes partout en Colombie, contre les familles, les
biens et les lois colombiennes, sans avoir à répondre
devant les autorités du pays […].

    Les limites imposées à la
quantité de soldats peuvent être modifiées à
la demande des USA, sans la moindre restriction. […]
L’accord sera prorogé pour des périodes successives
de dix ans, et personne ne pourra le modifier jusqu’à la
fin de chaque période, avec un préavis d’une
année. Que feront les USA si un gouvernement […] est
sommé d’abandonner la Colombie ? Les Yankees ont
été capables de renverser des dizaines de gouvernements
sur notre continent. Combien de temps un gouvernement colombien
durerait-il s’il annonçait une telle
décision ?

Les peuples ne se résigneront pas

Les politiciens d’Amérique latine se trouvent maintenant
devant un problème délicat : le devoir
élémentaire d’expliquer leurs points de vue sur ce
document annexionniste. […] Je n’ai pas le moindre doute
au sujet de la réaction des peuples; ils sentiront le poignard
qui s’enfonce au plus profond de leurs sentiments, en particulier
le peuple colombien : ils s’y opposeront, ils ne se
résigneront pas à une telle infamie !

    Le monde se heurte aujourd’hui à des
problèmes graves et urgents. Les changements climatiques
menacent toute l’humanité. Des dirigeants européens
implorent presque à genoux qu’il y ait à Copenhague
un accord qui évite la catastrophe. Ils s’accordent sur le
fait que le Sommet n’atteindra pas l’objectif d’un
accord qui réduirait drastiquement l’émission de
gaz à effet de serre. Ils promettent de poursuivre la lutte pour
l’atteindre d’ici 2012; il existe un risque réel
qu’on ne puisse l’atteindre avant qu’il ne soit trop
tard.

    Les pays du Tiers-monde réclament à
juste titre aux plus développés et aux plus riches des
milliards de dollars annuels pour faire face aux dépenses de la
bataille climatique. Est-il sensé que l’administration
étasunienne dépense du temps et de l’argent
à construire des bases militaires en Colombie pour imposer
à nos peuples son odieuse tyrannie ? À ce train,
s’il est vrai qu’une catastrophe menace le monde, une
catastrophe plus grande et plus rapide menace l’Empire, et tout
ceci sera la conséquence d’un même système
d’exploitation et de pillage de la planète.


Fidel Castro Ruz*
* Cette prise de position, datée du 6 novembre, a
été traduite par le site du mensuel canadien
« L’Aut’Journal ». Les quelques
brèves coupures mentionnées sont de solidarités,
comme les intertitres.