Légalisation de la marijuana en Californie: Prop. 19 a des chances de l’emporter

Légalisation de la marijuana en Californie: Prop. 19 a des chances de l’emporter



A neuf semaines du vote populaire,
l’initiative « Prop. 19 », soutenue par
une large coalition, a de véritables chances de l’emporter
en Californie, en dépit de l’opposition des
états-majors démocrate et républicain.

Le 2 novembre prochain, le corps électoral californien se
prononcera sur la Proposition 19, une initiative qui vise à
légaliser, réglementer et taxer la consommation de
marijuana pour les adultes. Celle-ci a recueilli près de
700’000 signatures, alors que 430’000 auraient suffi. A
l’heure qu’il est, les sondages montrent un
électorat coupé en deux, avec un léger avantage
aux anti-prohibitionnistes (50% de oui, 40% de non et 10%
d’indécis).

    Cette bataille a été lancée et
largement financée par Richard Lee, un activiste de la
dépénalisation depuis les années 90, basé
à Oakland. Elle a reçu l’appui d’importantes
autorités médicales. Mais surtout, elle a réussi
à rassembler un large spectre de soutiens parmi les
organisations étudiantes, de juristes, de militant-e-s des
droits civiques, de défense des communautés latinos et
afroaméricaines (y compris l’association des policiers
noirs), qui soulignent le biais raciste flagrant de la
répression actuelle.

    Pour la première fois, d’importants
syndicats (dockers, alimentation, communication, etc.) ont
apporté leur soutien à une telle proposition. Le
contrôle officiel de la distribution de marijuana serait
pourvoyeur de ressources pour les collectivités publiques au
détriment d’importantes activités criminelles (un
marché noir estimé à 15 milliards de dollars par
an). Il serait aussi générateur d’emplois.

Même le PTA (Congrès national des parents et des
enseignants), dont on attendait un NON, a décidé de ne
pas donner de consigne de vote. De nombreuses études montrent en
effet que la prohibition n’a aucun impact sur la consommation (on
fume deux fois plus en Californie qu’en Hollande). Au Mexique, de
larges milieux soutiennent cette légalisation, afin de mettre
fin au bain de sang que nourrit la prohibition : il aurait
causé la mort de 28’000 personnes en un peu plus de trois
ans et demi dans ce pays.

    Le Parti démocrate n’a pas pris
position pour la légalisation. Son candidat
désigné au poste de gouverneur, Jerry Brown, ainsi que la
plupart de ses élu·e·s locaux s’y opposent
même explicitement ; seuls trois de ses
député·e·s à la Chambre des
représentants soutiennent ouvertement Prop 19. Devant le
succès populaire de l’initiative, le maire de San
Francisco et le candidat désigné au poste de
Lieutenant-gouverneur regrettent aujourd’hui cette
timidité.

    Parmi les Républicains, en dépit de
l’appui enthousiaste des libertariens (défenseurs du
libre-choix individuel et de la quasi-disparition de l’Etat), la
légalisation n’a bénéficié du soutien
d’aucun dissident de poids. Les milieux patronaux s’y
opposent en invoquant une baisse possible de la productivité du
travail. Il en va de même des défenseurs des politiques
sécuritaires et de « l’Etat
pénitence » qu’elles développent dans
leur sillage.


Jean Batou


Référendums et initiatives populaires en Californie

Depuis 1911, les droits de référendum et
d’initiative ont été introduits dans la
constitution. Une initiative législative ou un
référendum peut être soumis au vote s’il est
soutenu par un nombre de signatures équivalant à 5% des
suffrages exprimés pour la dernière élection du
gouverneur (8% pour un article constitutionnel).

En prenant pour base la dernière élection au Conseil
National, il faudrait 57’000 signatures pour un
référendum ou une initiative législative (pas
prévue par la Constitution fédérale) et
91’000 pour une initiative constitutionnelle.

Prop. 19 en bref

Tout adulte de 21 ans pourrait posséder ou transporter une once
(28 gr.) de marijuana ou en cultiver 7,6 m2. La consommation ne serait
permise qu’en privé ou dans des lieux publics
spécialement agréés, jamais en présence de
mineurs.

La vente serait réglementée par les collectivités
publiques. Ainsi, une taxe de 50$ l’once (environ 2$ le gramme)
rapporterait 1,4 milliard $ supplémentaires à
l’Etat, sans compter les économies réalisées
sur les politiques de répression et d’incarcération
actuelles.

Les dispositions californiennes seraient en contradiction avec la loi
fédérale, mais rendraient pratiquement impossible la
répression de la consommation personnelle dans cet Etat.