Pour une politique d'accueil dont les demandeurs d'Asile n'auraient pas à pâtir, pour une politique d'accueil dont nous n'aurions pas à rougir

La prise de parole des demandeurs d’asile, la dénonciation de leurs conditions de vie inhumaines, une démarche citoyenne de solidarité, des gens qui se rencontrent et se parlent, et enfin se lève à Genève l’omerta qui occultait jusqu’à peu la réalité vécue par les demandeurs d’asile.

Il aura fallu un tragique incendie, une personne décédée et une quarantaine de blessés au Foyer des Tattes dans la nuit du 16 au 17 novembre 2014 pour que soit révélée au grand jour la réalité quotidienne subie par les ha­bi­tant·e·s de ce foyer pour requérants d’asile. Soudain, la presse a mis en évidence le délabrement des locaux, la protection déficitaire contre les incendies, la surpopulation, la promiscuité, l’insuffisance des moyens d’accompagnement social dans lesquels étaient contraints de survivre de longue date, ceux qui sont venus en Suisse chercher refuge et protection. Ainsi, est-il apparu qu’à la violence des traumatismes subis par ces personnes, à la cruauté de l’exil, s’ajoutait la banalisation de l’indifférence et l’absolution de la politique de dissuasion menée en matière d’asile. 

Indignés par cette découverte, des hommes et des femmes se mobilisent et créent le mouvement Solidarité Tattes. Ils vont à la rencontre des victimes et des autres demandeurs d’asile qui vivent au Foyer des Tattes et leur témoignent leur solidarité. Ils s’opposent à l’expulsion programmée par les autorités pour fin mars d’une des victimes; alors que celle-ci, gravement blessée lors de l’incendie pour sauver sa vie, doit encore faire l’objet de soins et que la procédure en responsabilité n’est pas encore close. Ils lancent une pétition, organisent des manifestations. Plus encore, ils font place à la parole des requérants d’asile. Ils permettent enfin l’écoute de ceux qui jusqu’ici étaient confinés dans le silence et contraints à l’humilité. Ils leur restituent leur qualité d’acteur de leur propre cause.

Profiter de « notre » prospérité ?

 

Cette mobilisation fait écho avec un autre mouvement en cours, celui de Stop Bunkers. Une autre lutte menée là aussi par des demandeurs d’asile, vivant depuis de nombreux mois dans des abris PC, pour exiger, comme ils le scandaient lors de la manifestation du 16 mars dernier, eux qui vivent en sous-sol : «we want fresh air! we want sunlight!» Nous voulons de l’air frais, nous voulons la lumière du jour»). 117 d’entre eux ont adressé en janvier dernier un courrier à l’Hospice Général – l’institution sociale en charge de l’aide sociale et de l’hébergement des requérants d’asile – pour dénoncer leurs conditions de vie indécentes et demander que des mesures soient prises au plus vite pour y remédier. La place manque ici pour résumer ce courrier, empreint de dignité et de légitimes aspirations, décrivant des conditions de vie et de cohabitation inconcevables dans la Genève que d’aucuns tiennent encore pour la « capitale des droits humains ». On peut toutefois prendre connaissance de la teneur de cette missive sur internet en tapant «Stop Bunkers». En fait, il le faut. Cela est nécessaire pour comprendre ce qui est imposé à des êtres humains au prétexte qu’ils ne sont pas les bienvenus ici, de crainte aux yeux de certains de devoir faire face à un appel d’air. 

Qu’importe si leur exil ou leur impérieux besoin d’émigrer résultent des politiques menées par les multinationales et la haute finance internationale qui soutiennent les régimes dictatoriaux qui persécutent et affament les peuples. Nombreux sont ceux qui reprochent aux demandeurs d’asile de vouloir «profiter de notre prospérité», de ne pas être réellement en danger dans leur pays. Ceux-là refusent d’admettre qu’une bonne partie de cette même prospérité provient des matières premières des pays que les demandeurs d’asile sont contraints de quitter, ou de l’argent des armes qui leurs sont vendues pour alimenter des conflits fomentés de l’extérieur.

 

 

Une solidarité nécessaire

 

Un rappel qui n’est pas superflu au moment où la population des demandeurs d’asile est systématiquement disqualifiée, rejetée et maltraitée. Car à ceux qui disent : Pourquoi viennent-ils chez nous ? Il faut répondre : car certains milieux économiques et politiques de notre pays soutiennent les régimes qui les chassent de chez eux. Aussi, tant que règnera cette injustice, qu’il faudra également combattre, le moins que nous puissions faire sera de lutter pour que la Suisse réserve un accueil respectueux et bienveillant aux demandeurs d’asile.

Aujourd’hui, il est primordial de soutenir les revendications de tous les demandeurs d’asile, quels que soient leurs statuts. Il faut aussi s’opposer à toutes les tentatives de division entre les habitants du canton et les requérants d’Asile au motif que les intérêts, les besoins des premiers seraient prépondérants sur ceux des seconds. Le droit au respect et à la dignité ne se hiérarchise pas. Ces manœuvres ne visent qu’à justifier les conditions de vie inhumaines réservées aux demandeurs d’asile. 

Aujourd’hui, une large mobilisation s’agglomère autour des démarches de Solidarité Tattes et de Stop Bunkers. Les milieux de défense des demandeurs d’asile se fédèrent dans la dynamique ambiante et se rallient autour d’un Manifeste qu’ils appellent à signer pour exiger l’amélioration rapide des conditions de vie des requérants d’asile. 

 

Dans les jours qui viennent, vous risquez immanquablement d’être sollicités pour signer ce manifeste ou pour répondre à l’invitation de Solidarité Tattes de participer à une assemblée/rencontre festive le dimanche 29 mars de 12 h à 16 h dans la cour du Foyer des Tattes. N’hésitez pas ! Répondez favorablement à ces sollicitations. Ce sera l’une de vos contributions au rappel du canton de Genève à son devoir d’hospitalité. 

 

Jocelyne Haller & Aude Martenot