Où va la «réforme» de l'État?

Depuis un bon bout de temps, le Conseil d’Etat planche sur ce qu’il appelle une réforme en profondeur de l’Etat. Un premier décret datant de 2010, voté par le Grand Conseil, accordait un crédit d’engagement de 16 millions de francs jusqu’en 2020 pour ce projet (personnel, consultants, matériel informatique, locaux…). Aujourd’hui, le Conseil d’Etat laisse entendre qu’il lui faudra une rallonge.

L'objectif est évidemment de réduire les dépenses de l’Etat pour dégager des économies escomptées à 24 millions. Cela passera entre autres par une réduction d’effectifs qui devrait, nous dit le Conseil d’Etat, pouvoir se concrétiser sans licenciements importants. On connaît la chanson ! Mais une autre réalité s’invitera dans les budgets; la baisse des impôts accordée aux entreprises déploiera ses effets, n’en déplaise à cette large majorité qui a refusé le moratoire sur la baisse proposé par L. Debrot (Verts).

A part la réduction des dépenses et du personnel, qui promet de belles empoignades, le projet propose d’adapter en profondeur les structures et le fonctionnement de l’Etat «aux exigences de notre siècle». Ce qui se cache derrière ce terme, c’est la volonté de renforcer l’exécutif (Conseil d’Etat) aux dépens du législatif (Grand Conseil) ou, dit autrement, renforcer la professionnalisation contre la démocratie.

Au-delà du fonctionnement interne de l’Etat, inspiré sans surprise de la bible néolibérale, deux mesures seront largement discutées :

  • la suppression des districts et la création d’une seule circonscription électorale pour l’élection du Grand Conseil;
  • la diminution du  nombre de député·e·s et ses incidences.

Probablement que l’objectif est de réduire le Grand Conseil à un cénacle de partis consensuels, mais comme toujours, c’est plus vite dit que fait. Quant à l’idée d’une circonscription unique, elle est plus qu’étonnante. Dans un canton fortement divisé régionalement, la suppression de l’élection par district va accentuer les crispations et les tensions. On a déjà un comité interpartis « Le Haut veut vivre » qui regroupe tous les partis de cette région.

Avec un seul collège électoral, la logique sera imparable : pour avoir des dé­pu­té·e·s « du Haut », il se constituera des listes comprenant des can­di­dat·e·s de tous les partis de la région pour avoir la meilleure représentation régionale; idem partout. C’est ramener la politique à son plus bas niveau, obtenir la plus grande part du gâteau possible, aux dépens de la réflexion et des propositions de transformation de l’Etat et de la société. Heureusement la réalité ne se laisse pas si facilement enfermer dans les schémas bureaucratiques.

Le Conseil d’Etat rêve de faire sortir les contradictions bien réelles par la fenêtre du Grand Conseil, mais elles reviendront par la porte de la rue. 

 

Henri Vuilliomenet