Droit d'asile

Droit d'asile : Quelques nouvelles du front

Dans un contexte d’arrivées toujours plus nombreuses de migrant·e·s en Europe et de désastres toujours plus meurtriers en Méditerranée, la Suisse poursuit sa politique migratoire visant à refouler un maximum et intégrer un minimum.

Au cours des six premiers mois  de cette année, une augmentation considérable des arrivées par la mer a eu lieu: 225 000 migrant·e·s ont atteint les côtes européennes, contre 146 000 en 2015 à la même période. Toutefois, la forteresse Europe ne remet pas en question sa politique migratoire qui cherche avant tout à repousser les réfugié·e·s, malgré les drames humains qui ont eu lieu ces dernières années par sa faute. Au contraire, la situation s’avère une aubaine pour les partis de droite et d’extrême droite, qui n’hésitent pas à utiliser un discours xénophobe stigmatisant les immigré·e·s pour faire passer leurs idées, le dernier exemple en date étant le Brexit.

Le climat n’est pas meilleur en Suisse, où la population entérinait le 5 juin dernier la réforme de l’asile édifiée par la Conseillère fédérale Sommaruga. Le peuple suisse a ainsi majoritairement accepté un énième durcissement de cette loi, position que l’UDC estimait encore trop laxiste, d’où son opposition. Toute l’Helvétie semble donc se positionner contre les requérant·e·s d’asile. Toute? Non! Car des irréductibles continuent la lutte et ne lâchent rien.

Contre une Suisse qui renvoie

Durant le premier trimestre 2016, près de deux fois plus de demandes d’asile ont été déposées en Suisse qu’en 2015 à la même époque. Parce que les autorités n’envisagent tout simplement pas d’accueillir ces rescapé·e·s de la traversée de la Méditerranée ou de la route des Balkans, elles utilisent tous les outils à leur disposition pour les repousser.. Parmi ceux-là, les plus combattus par les mouvements de défense de l’asile sont les accords Dublin, qui permettent le renvoi vers les premiers pays d’accueil surchargés. En 2015, un tiers des demandes d’asile en Suisse ont été rejetées (dont 95% sous prétexte des accords) sans même que le dossier ait été ouvert, les migrant·e·s recevant une « Non entrée en matière».

Les conséquences concrètes de ces accords pour les personnes concernées sont dramatiques. Dernièrement à Genève, le collectif Solidarité Tattes s’est opposé à deux renvois qui mettaient en danger la santé d’un jeune Syrien ainsi que celle d’une mère enceinte et de son enfant à venir. Déniant l’argument sanitaire, les instances suisses ont également refusé de tenir compte du fait que les familles de ces deux personnes résidaient déjà en Suisse et pouvaient leur apporter du soutien tant matériel qu’émotionnel, prouvant l’absence totale de volonté d’intégration de la part du gouvernement.

Solidarité Tattes a donc lancé une action de parrainage public par des personnalités politiques, qui a permis d’éviter leur renvoi. A Lausanne, ce système de parrainages existe en parallèle du refuge Mon-Gré (anciennement Saint-Laurent) et a déjà largement fait ses preuves: 61 migrant·e·s ont échappé au renvoi depuis plus d’une année. Loin de tolérer cette mobilisation, les autorités nationales ont contre-attaqué en imposant aux cantons trop « indulgents » d’assigner à résidence les réfugié·e·s devant être expulsés (y compris s’ils résident en bunker). Autrement dit une nouvelle mesure de contrainte, privant les personnes de leur liberté de mouvement afin de faciliter le travail de la police, comme le dénonce le collectif R (pétition à signer sur desobeissons.ch).


Graffiti à Lesbos, juin 2016 – John Perivolaris

Contre une Suisse qui désintègre

Mais ces mesures d’expulsion automatique, qui ne tiennent pas compte du parcours traumatique des réfugié·e·s, ni de leur situation familiale ou de leurs problèmes de santé, ne sont pas de simples informations administratives pour les migrant·e·s. Plusieurs personnes ont envisagé le suicide suite à une décision de refoulement. Le collectif Droit de Rester à Neuchâtel, récemment constitué autour de la défense de lieux d’accueil dignes pour les réfugié·e·s, s’est trouvé confronté à ce cas de figure. Depuis quelques jours, il se bat activement contre le renvoi Dublin d’un jeune Kurde, traumatisé et encore fragile, vers la Bulgarie.

D’autres moyens sont mis en œuvre pour diminuer le nombre de réfugié·e·s sur le territoire helvétique. Proposer un accueil déplorable afin que les gens partent d’eux-mêmes est une technique qui a été affinée avec l’ouverture des bunkers (abris de la protection civile). Ces conditions de vie insalubres sont imposées de plus en plus couramment, menant à plusieurs mouvements de protestation comme No Bunkers à Genève, ou le collectif Jean Dutoit dans le canton de Vaud et la mobilisation autour du Sleep-in.

A Genève, la lutte autour de la conservation du Foyer Frank Thomas a débuté il y a un mois pour dénoncer la fermeture de 135 places d’accueil en extérieur alors que 700 personnes vivent encore dans des bunkers. Cette action a mis en lumière la volonté du gouvernement de ne pas aider les migrant·e·s à accéder à des appartements une fois qu’ils·elles ont un permis, mais plutôt de continuer un jeu de chaises musicales entre les foyers, provoquant un goulot d’étranglement à la sortie et une pénurie de places pour les nouveaux arrivant·e·s.

Pour une défense inconditionnelle de l’asile

L’arrivée de réfugié·e·s en Europe ne diminuera pas ces prochains mois, au vu du nombre de personnes encore sur les routes. Et l’Occident peut bien se retrancher derrière des lois, des barbelés ou des murs, seule une réparation de l’injustice qu’il a entretenue depuis des siècles vis-à-vis des peuples vivant au Sud pourrait dûment faire réduire ce flux. A plus petite échelle, des initiatives comme la pétition signée par 10 000 personnes pour un accueil de 50 000 réfugié·e·s en Suisse, ou la grande manifestation contre les renvois Dublin à Lausanne le 1er octobre prochain, sont de petits pas indispensables pour forcer l’ouverture de nos frontières.

Aude Martenot