Elections communales au Brésil

Elections communales au Brésil : Renforcement de la droite et effondrement du PT

Le premier tour des élections communales au Brésil a confirmé ce que l’on pressentait: la droite, et principalement son aile néolibérale, se renforce alors que le Parti des Travailleurs (PT) plonge, affaibli à la fois par sa politique d’austérité et antidémocratique ainsi que par la campagne de destitution de Dilma Rousseff. Une lueur d’espoir est toutefois apparue du côté du Parti du socialisme et de la liberté (PSOL), qui peut prétendre occuper demain l’espace à la gauche du PT que celui-ci a déserté.


Marcelo Freixo est le candidat du PSOL à la mairie de Rio de Janeiro – Midia Ninja

Bien que  le deuxième tour des élections communales ne se tienne qu’à la fin du mois, on peut déjà faire un premier bilan de ce scrutin, le premier après la destitution de Dilma Rousseff (PT) et l’arrivée de Michel Temer du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) à la présidence. Les urnes ont confirmé l’impopularité des deux principaux acteurs de la procédure de destitution. Ancien allié du PT, le PMDB est largement corrompu et corruptible et son accession au pouvoir, parallèlement à l’opération « lavage express » (Lava Jato), montre non pas que la bourgeoisie brésilienne renonce au clientélisme ou aux pots-de-vin, mais bien qu’elle veut tourner la page de sa collaboration avec le PT, malgré les éminents services rendus par ce dernier. La crise économique a réduit la marge de manœuvre qui permettait au PT de concilier aide aux plus pauvres et respect des intérêts de la bourgeoisie.

Dilma Rousseff, mis à part une brève période avant sa réélection, n’a pas lésiné sur les moyens témoignant de ce respect: ajustement fiscal antisocial, attaque contre les droits sociaux, politique d’austérité aggravant la crise économique, réforme néolibérale de l’assurance-­chômage: rien n’y fit. Aux yeux du secteur du capitalisme avec lequel collaborait le PT, la contre-réforme n’était pas suffisante. Elle l’était toutefois déjà assez pour que le PT s’aliène et déçoive de larges couches populaires.

Le déclin du PT

Par rapport à 2012, le parti de Lula a perdu 60% des suffrages recueillis dans l’élection des maires, passant de 17,2 à 6,8 millions. Il perd ainsi 59% des exécutifs municipaux qu’il détenait.

Plus humiliant encore, il recule nettement dans son berceau historique, Sao Paulo et sa ceinture populaire et « rouge » de l’ABC. Non seulement la mairie de la plus grande ville du pays lui échappe, mais aussi celle de cités satellites comme Guaulhos (1 million d’habitant·e·s tout de même) ou San Bernardo del Campo (même population), qui est la circonscription de Lula. Idem à Osasco (700 000 habitant·e·s). La situation se répète dans d’autres bastions historiques du PT, comme à Goiana, capitale de l’Etat de Goiás, où la candidate du PT ne recueille que 6,73% des voix. Sur 608 mairies conquises en 2012, le PT en perd plus de 100 parce que ses magistrats ont changé de parti pour éviter le naufrage.

Le PMDB en recul

S’il reste le parti dominant, le PMDB, parti hétéroclite de « centre droit », s’est vu sanctionné aussi bien à Rio de Janeiro qu’à Sao Paulo, deux des circonscriptions les plus importantes du pays. A Rio, son candidat n’a réuni que 16,12% des suffrages, devancé par le candidat du PSOL (18,26%) qui disputera ainsi le second tour, où à l’accès aux médias sera moins inique.

A Sao Paulo, l’ancienne étoile montante du PT passée au PMDB, Marta Suplicy, sénatrice, n’a obtenu que 10,14% des voix. Boa Vista (Etat de Romaira) est la seule capitale fédérale tombée dans l’escarcelle du parti de Michel Temer.

Le PSDB progresse

En recueillant le soutien de 17,6 millions de voix, le Parti social-­démocrate du Brésil a progressé de 27% environ. Malgré son nom, cette organisation est proche de la démocratie chrétienne et trouve beaucoup d’attraits au néo­libéralisme. Le candidat du PSDB qui a remporté la mairie de Sao Paulo est un millionnaire, chef d’entreprise et présentateur de talk-show, João Doria Jr., qui s’est présenté comme un gestionnaire, et non un « politique », désireux de désétatiser Sao Paulo, lourde machine ne fonctionnant pas, à son avis. Cet ultra­libéral se compare volontiers à Michael Bloomberg, l’ancien maire républicain de New York. Sa campagne a de fait été organisée par le gouverneur de l’Etat Geraldo Alckmin.

L’espoir du côté du PSOL

Scission de gauche du PT en 2004, le PSOL se profile comme un futur concurrent potentiel du PT. Même s’il a reculé en nombre de voix (2 097 623 contre 2 388 701 en 2012) et obtenu moins de conseillers municipaux, il a renforcé sa présence dans les capitales d’Etats importants comme Sao Paulo, Belo Horizonte, Porto Alegre et Rio de Janeiro. Dans cette dernière ville, Marcel Freixo sera présent au deuxième tour et affrontera le pasteur de l’Eglise universelle et sénateur du Parti républicain brésilien, Marcello Crivella. Le PSOL sera aussi présent au deuxième tour à Belém, où s’affronteront le maire actuel du PSDB et Edmilson Rodrigues, ancien maire lorsqu’il appartenait encore au PT. A Sorocaba, ville importante de l’Etat de Sao Paulo, Raul Marcelo (25% des voix, PSOL) disputera aussi le deuxième tour contre un candidat libéral. Il faut également signaler qu’à Belo Horizonte comme à Porto Alegre, les candidatures au Conseil municipal ayant recueilli le plus de voix sont celles de deux militantes féministes du PSOL.

On comprend donc que l’exécutif national du PSOL ait déclaré que ces résultats représentaient un nouveau départ pour la gauche. Il est certes inférieur à ce qu’il faudrait, mais fait tout de même exister un souffle de vent frais au milieu du remugle de l’avancée conservatrice.

Daniel Süri