PF 17

PF 17 : Table ronde, projet carré

La délégation du Conseil d’Etat pour les affaires économiques et financières a organisé une table ronde pour débattre du Projet fiscal 17 dans le canton. Mais l’échange s’est réduit à quelques prises de position. L’objectif du gouvernement reste d’ignorer le rejet populaire de février 2017 et de maintenir son projet à quelques détails près.


Georges Godel, directeur des finances de l’Etat de Fribourg

D’emblée, la table ronde avait une allure d’alibi. La délégation du Conseil d’Etat avait convié des représentant·e·s de l’association des communes, de corporations ecclésiastiques, des partis représentés au Grand conseil, des syndicats et des organisations patronales ainsi que différents services de l’Etat. Autant l’invitation était large, autant le temps pour discuter était restreint. La possibilité de remanier le projet était totalement inexistante.

Dans un communiqué de presse publié à l’issue de la rencontre, le Conseil d’Etat s’est empressé d’affirmer qu’il fallait trouver un compromis pour «assurer la compétitivité économique, améliorer les conditions-cadres afin de préserver les emplois tout en incitant les entreprises à investir dans le canton».

Carrément la même soupe

On s’attendait à un nouveau projet gouvernemental sans bouleversements par rapport à l’avant-projet RIE 3. Mais de là à recevoir une pareille copie conforme, c’était tout de même bluffant.

Pour faire mine de changer, le gouvernement apporte quelques modifications mineures. Il prévoit un taux d’imposition du capital plus élevé (0,1 % au lieu de 0,04 %). Mais autorise l’imputation de l’impôt sur le bénéfice, ce qui revient à supprimer l’impôt sur le capital pour les entreprises qui réalisent un bénéfice. Il admet aussi un taux réduit (0,01 %) pour le capital lié à des patentes ou à des droits de participation. A ce tarif, on se demande si les frais d’encaissement de l’administration fiscale sont couverts!

Tenant compte des critiques patronales, le gouvernement propose de faire financer les mesures de compensation (allocations familiales, crèches, etc.) uniquement par les entreprises qui font du bénéfice. Au chapitre de l’imposition des dividendes, le gouvernement se rallie au projet fédéral (imposer 70 % des dividendes), ce qui fait tousser les organisations patronales habituées à en voir 50 % exonérés de tout impôt cantonal. L’UDC, porte-parole du capital dans cette table ronde, tempête contre le plafonnement des réductions (patent box, R&D etc.) à 20 % du bénéfice imposable. Les organisations patronales insistent pour «aller de l’avant» et prévoir une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2019.

Tenir compte du refus populaire

Les petits et moyens revenus, lourdement taxés par le fisc, voient d’un mauvais œil les énormes baisses d’impôt sur le bénéfice et sur le capital. Cela a incontestablement pesé dans le refus populaire du mois de février. La population se méfie aussi des politiques d’austérité qui suivraient immanquablement une telle réforme. Il s’agit donc de s’en tenir à des taux qui équilibrent les pertes et les gains et de limiter l’introduction de nouveaux «outils fiscaux». Ces derniers ne feraient qu’encourager la fraude et contrediraient les efforts d’harmonisation.

La coalition de gauche a proposé lors de cette table ronde cinq points concrets pour réaménager le projet:

  • un taux d’impôt sur le bénéfice à 16,38 % ;
  • un taux à 0,08 % pour l’impôt sur le capital, sans imputation ni taux différencié ;
  • une limitation à 20 % des abattements liés à une éventuelle patent box ;
  • le refus de la super déduction R&D ;
  • la soumission à l’impôt d’au moins 70 à 80 % des dividendes.

Trump, Broulis et Godel

A peine Donald Trump a-t-il lancé sa réforme fiscale, la conseillère nationale PDC Elisabeth Schneider dépose une interpellation demandant au Conseil fédéral si le Projet fiscal 17 sera suffisant pour «maintenir l’attractivité fiscale de la Suisse» vis-à-vis des Etats-Unis. Si l’on ajoute encore le dumping fiscal agressif du gouvernement vaudois, on se rend vite compte que la partie s’annonce difficile.

Cela nous oblige à rassembler un maximum de forces autour d’objectifs capables de recueillir un large soutien. Nous essayerons de défendre nos propositions à chaque étape. Mais si, à la fin du processus législatif, la réforme de Georges Godel n’est pas acceptable, nous devrons alors mettre une grande énergie dans le combat pour la faire tomber.

Pierre-André Charrière


Contrer le gouvernement vaudois

Pascal Broulis a invité son collègue fribourgeois Georges Godel à participer à une rencontre avec des entrepreneurs actifs dans les cantons de Vaud et de Fribourg. Le conseiller d’Etat fribourgeois s’est rapidement senti sous pression du forcing vaudois (baisse de l’impôt sur le bénéfice à 13,79 % dès janvier 2019). Il a dû expliquer que le canton de Fribourg ne pouvait pas abaisser son taux sans bénéficier du subventionnement fédéral, d’environ 23 millions.

Une proposition du Parti socialiste suisse semble ici tout à fait intéressante: «Seuls les cantons qui ne descendent pas au-delà d’un taux d’imposition minimal devraient pouvoir profiter des subsides fédéraux». On pourrait fixer ce plancher à 16 % puisque ce taux représente grosso modo un point d’équilibre pour les cantons dans lesquels les statuts spéciaux ont pris une grande place (voir tableau). Cela ne résoudrait pas tous les problèmes, car d’autres «outils» permettent le dumping fiscal. Mais une telle mesure aurait le mérite de proposer un taux minimum d’impôt sur le bénéfice valable pour l’ensemble des cantons et inciterait fortement le gouvernement vaudois à faire un pas en arrière. Elle éviterait un véritable subventionnement fédéral du dumping fiscal.


Bénéfices déclarés et recettes fiscales produites par les sociétés à statuts spéciaux

Comparaison entre les sept cantons dans lesquels les sociétés à statuts spéciaux occupent une place prépondérante.

Source: Rapport explicatif PF 17 (moyenne 2011 à 2013)

Bénéfices déclarés (%) Impôt sur le bénéfice (%)
Fribourg 65 21,4
Genève 65 28,2
Schaffhouse 78 46,5
Zoug 80 53,8
Vaud 82 28,2
Bâle-ville 84 55,6
Neuchâtel 88 62,3