Un nouveau collectif pour recréer une capacité d’action

La gauche radicale fribourgeoise s’est renforcée depuis 2023 avec la création du Collectif anticapitaliste, avec une ligne unitaire. Entretien avec l’une de ses membres fondatrices.

Le Collectif anticapitaliste mène une campagne pour le droit de manifester. Grève féministe, Fribourg, 14 juin 2024.
Le Collectif anticapitaliste mène une campagne pour le droit de manifester. Grève féministe, Fribourg, 14 juin 2024.

Le Collectif anticapitaliste est né de la volonté de réunir les militant·es de la gauche radicale à Fribourg et de rebattre les cartes de la gauche anticapitaliste face à un constat d’affaiblissement de plusieurs organisations. solidaritéS Fribourg et la Plateforme anticapitaliste, autrefois actives, s’étaient réduites à de petits cercles de quelques personnes, peinant à survivre. Plutôt que de laisser cette dynamique s’éteindre, des camarades venant d’horizons divers – militant·es non organisé·es, membres du MPS, d’Extinction Rebellion ou encore les Jeunes POP fribourgeois·es – ont entamé une réflexion commune.

L’idée était de créer une structure nouvelle, adaptée aux besoins actuels. Si les Jeunes POP ont choisi de conserver leur autonomie, nous sommes en lien avec elleux et les contacts sont bons. L’idée est de défendre une ligne anticapitaliste, féministe, éco-socialiste et antiraciste à Fribourg, pour recréer une capacité d’action de gauche radicale ici à Fribourg!

Côté mobilisation, nous nous sommes activé·es rapidement, surtout autour de la Palestine. Dès octobre 2023, nous avons organisé un rassemblement à Fribourg, suivi d’une manifestation quelques semaines plus tard. Nous avons beaucoup aidé à la création du collectif Solidarité Palestine Fribourg, qui a pris le relais sur l’organisation des manifs et rassemblements, même si le Collectif anticapitaliste reste impliqué.

Fin 2023, nous avons commencé à réfléchir à une campagne sur le droit de manifester, qui s’est concrétisée en 2024. À Fribourg, il faut payer entre 2000 et 3000 francs pour organiser une manif. On parle de frais de police et d’émoluments pour demander l’autorisation, alors que nous gérons nous-mêmes le service d’ordre et qu’on paye déjà nos impôts. Ce système repose sur une interprétation abusive du droit local: les autorités appliquent les règles prévues pour des manifestations non politiques à celles qui sont clairement politiques.

Notre campagne se joue sur deux fronts. D’un côté, il y a le travail médiatique et politique. Nous avons organisé une conférence de presse, des événements publics et travaillons en collaboration avec des organisations locales comme la Grève féministe et des syndicats. Nous avons aussi cherché des soutiens institutionnels, notamment du côté du PS et des Vert·es. L’une de nos ambitions, c’est que les gens prennent conscience que Fribourg est un cas particulier et un mauvais élève en matière de droit de manifester.

De l’autre côté, nous menons une bataille juridique. Nous avons décidé de contester systématiquement toutes les factures que nous reçevons pour les manifestations. Ça prend du temps, mais ça commence à porter ses fruits. Nous avons déjà remporté une première victoire juridique face à l’exécutif cantonal, et récemment, la police a renoncé à nous facturer pour certaines manifs.

C’est une restriction démocratique flagrante qui freine directement les luttes sociales. Nous l’avons bien vu dans le collectif Solidarité Palestine Fribourg: nous nous sommes souvent demandé si nous aurions assez de moyens pour continuer à organiser des manifs si les factures continuaient à pleuvoir.

Notre ambition va au-delà de Fribourg. À moyen terme, nous voulons remettre en question le régime d’autorisation des manifs à l’échelle suisse et militer pour un passage à un régime d’annonce, comme le recommande Amnesty International et le droit international.

En 2025, nos priorités sont de poursuivre la campagne pour le droit de manifester et d’organiser ponctuellement des conférences. Nous voulons aussi faire un effort sur le recrutement pour diversifier le collectif majoritairement masculin et blanc à l’heure actuelle.

Nous comptons aussi continuer à contribuer à la mobilisation contre le génocide en Palestine, et contre le backlash réactionnaire et raciste qui marque la conjoncture actuelle, en Suisse aussi.

En parallèle, plusieurs d’entre nous ont des liens ailleurs, avec des camarades des autres cantons. Les camarades du MPS de Bâle et de Zurich sont notamment venus pour une journée entière, avec toute une délégation. Iels nous ont proposé de rejoindre leur coordination nationale. Nous avons aussi reçu invitation de solidaritéS à participer à votre coordination interrégionale. Et en fait, ce que nous avons dit aux deux, c’est que nous avons très envie de bosser au niveau national  avec d’autres collectifs, mais nous n’avons pas envie de rejoindre la coordination de l’un, ni de l’autre.

Ce que nous aimerions, c’est pouvoir bosser avec tout le monde. Donc, c’est une volonté de ne pas choisir, de pousser à l’unité, et de voir ce que ça peut donner. Si on veut porter des campagnes au niveau national, ça n’a pas de sens de bosser soit qu’avec la Romandie, soit qu’avec la Suisse alémanique. Et nous, on est un peu au carrefour entre tout ça, et on voit les intérêts à bosser avec tout le monde.

Propos recueillis par Clément Bindschaedler