La raison d'être d'un syndicat
Plusieurs mobilisations d’ampleur ont eu lieu depuis le début de l’année dans la fonction publique fribourgeoise. Cet article se veut une réflexion sur la stratégie et les priorités syndicales.
Dans le numéro 342 de ce journal, un article consacré à la diminution de la fiscalité des entreprises à Fribourg et intitulé «Facile victoire bourgeoise» critiquait fortement le Syndicat des services publics (SSP) région Fribourg. Dans un paragraphe intitulé «Le SSP à la remorque du PS», on lit le passage suivant: «Malheureusement, le Syndicat des services publics (SSP) a grandement facilité le jeu du PS en déclarant ne soutenir le référendum qu’à condition que les socialistes y participent. SSP qui n’avait d’ailleurs, dans ses quatre éditions des Infos syndicales (bulletin régional), pas consacré une ligne à la réforme fiscale en cours».
Cette analyse de la responsabilité du SSP dans la décision de la Coalition contre les cadeaux fiscaux de ne pas lancer de référendum contre le projet du Conseil d’État (le référendum a tout de même été lancé à l’initiative d’ATTAC) permet au moins de débattre des priorités des organisations réunissant et défendant les salarié·e·s. En syndicalisme, comme en politique, il vaut la peine de se poser les bonnes questions.
Grève à la Ville de Fribourg
L’après-midi du 20 janvier, le personnel de la Ville de Fribourg s’est mis en grève contre la révision de la Caisse de prévoyance du personnel de la Ville de Fribourg (CPPVF). Une grève à la Ville de Fribourg? Impensable il y a quelques mois, tant les rapports de travail y étaient pacifiés depuis la nuit des temps.
La révision de la CPPVF, qui avait pour conséquence des diminutions de rentes entre 10% et 15% pour les salarié·e·s dans la tranche d’âge 38 à 57 ans, était pilotée par un exécutif à majorité de gauche, dirigé par un Syndic membre du Parti socialiste fribourgeois (PSF), Thierry Steiert. De fait, la grève du personnel de la Ville de Fribourg, organisée à l’appel du SSP, a opposé les salarié·e·s à la direction du PSF, qui détenait les clés de la décision, en raison de sa position majoritaire, tant à l’exécutif qu’au législatif. En l’occurrence, on ne peut pas dire que le SSP soit «à la remorque du PS».
Cette grève a débouché sur un résultat concret pour les salarié·e·s concerné·e·s: sous la pression d’une mobilisation sans précédent, le groupe PS au Conseil général a déposé un amendement, accepté, prévoyant un montant supplémentaire de 4 millions de francs pour diminuer les baisses de rentes.
Manifestation à l’État de Fribourg
Eric Roset
Une révision de la Caisse de prévoyance du personnel de l’État de Fribourg (CPPEF) est également en cours. Là aussi, cette révision aurait pour conséquences des diminutions massives de rentes, jusqu’à –25%, et une élévation, de fait, de l’âge de la retraite de 4 ans.
Deux assemblées générales de la fonction publique fribourgeoise ont eu lieu, les mardi 29 janvier et mercredi 27 février. La première a réuni 650 salarié·e·s, la seconde 500. Pour la première fois dans la fonction publique fribourgeoise, une logique de mobilisation collective dépassant les logiques strictement organisationnelles (SSP, FEDE) est en cours. Elle a débouché sur une manifestation, le mercredi 20 février, qui a réuni 4000 salarié·e·s. Une mobilisation presque sans précédent: seule la manifestation qui s’est tenue en juin 2013 contre les mesures d’économies et les baisses de salaires, réunissant 5000 personnes, est d’une ampleur comparable.
À la suite de cette manifestation, l’assemblée générale de la fonction publique du 27 février a décidé d’appeler à un débrayage massif de l’ensemble de la fonction publique fribourgeoise le mardi 30 avril. Et une journée d’actions et de grève est envisagée au mois de mai, en fonction du résultat des négociations avec le Conseil d’État: ce serait une première à Fribourg.
Des choix à faire
La construction d’une organisation syndicale implique un certain nombre de choix. La mission première, et incontournable, d’un syndicat est d’organiser collectivement et de mettre en mouvement les salarié·e·s, quels·les qu’ils·elles soient, pour défendre, très concrètement, leurs conditions de travail et de salaires. Collectivement, concrètement, en mouvement.
C’est là la raison d’être, l’essence, des organisations de salarié·e·s, malheureusement trop souvent oubliée en Suisse, voire carrément absente des logiques d’appareils. Cette mission doit être l’obsession des organisations syndicales, quitte à renoncer à un référendum, même important, si des ressources (humaines) limitées impliquent de faire un choix.
Gaétan Zurkinden