Liban

« Le peuple veut la chute du régime »

Des mouvements de protestation populaire sans précédent au cours des dernières décennies au Liban secouent le pays. Les mobilisations ont commencé le 17 septembre 2019 à la suite de l’annonce par le gouvernement de nouvelles taxes régressives, et sur fond d’une crise économique toujours plus profonde. Le mouvement de contestation s’est rapidement étendu à toutes les villes du pays, jusqu’à provoquer la démission du Premier ministre Saad Hariri le 29 octobre 2019. 

Liban
Manifestation à Jal El Dib, 27 octobre 2019
Tongeron91

Les manifestant·e·s ne dé-noncent pas seulement les po-li-tiques économiques néolibérales du gouvernement, les mesures d’austérités et la corruption, mais remettent en cause l’ensemble du système confessionnel libanais. Tous les partis politiques confessionnels qui le composent et dominent la vie politique depuis de nombreuses années sont visés par les manifestant·e·s, y compris le mouvement du Hezbollah. 

La composition sociale du mouvement le distingue des mouvements de protestations précédents : il est beaucoup plus ancré au sein de la classe salariée et populaire que les manifestations de 2011 et 2015, dans lesquelles les classes moyennes avaient joué un rôle plus important.

Les manifestant·e·s se sont mobilisé·e·s dans les rues à travers le pays pour dénoncer les fondements même du système politique et économique, tout en organisant des journées de grèves et des actions ciblées contre des symboles de l’État et de la finance dans le pays. À leurs yeux, tous les partis confessionnels de la classe dirigeante sont responsables des détériorations de leurs conditions socio-économiques.

À la fin de la première décennie des années 2000, l’économie politique du Liban était marquée par les résultats très polarisés des réformes néolibérales. On estime que 28  % de la population vit sous le seuil la pauvreté, ne percevant que 4 dollars, voire moins, par jour. Les revenus des ménages les plus pauvres ont stagné ou baissé de 25 à 30  % entre 2010 et 2016.

Un autre aspect important du mouvement populaire est son caractère non confessionnel. Les appels et les messages de solidarité entre les régions et entre les différentes confessions religieuses se sont multipliés depuis le début des manifestations. Les manifestant·e·s ne dénoncent pas seulement les politiques économiques néolibérales et la corruption, mais tout le régime confessionnel et bourgeois. Comme le dit l’un des slogans du mouvement populaire : « Tout le monde signifie tout le monde ».

Les manifestant·e·s ont subi la répression de l’armée et des services de sécurité, mais aussi des membres de partis confessionnels, Hezbollah et Amal, qui n’ont pas hésité a agresser physiquement de nombreux individus participant à des rassemblements populaires.

Les revendications du mouvement de protestation populaire en faveur de la justice sociale et de la redistribution économique ne peuvent être dissociées de leur opposition au système politique confessionnel, qui garantit les privilèges des riches et des puissants. Les partis confessionnels dominants et les différentes fractions de la bourgeoisie ont exploité les processus de privatisations, politiques néolibérales, et du contrôle des ministères pour construire et développer leurs réseaux de patronage, de népotisme et de corruption, tandis que la majorité de la population, libanaise et étrangère, souffrait de la pauvreté et de l’absence de dignité.

Joseph Daher