Soudan

Non au partage du pouvoir avec les militaires

Après avoir fait face à une résistance populaire massive lors du coup d’État d’octobre, le général de l’armée soudanaise Burhane et ses alliés ont conclu un accord le 21 novembre avec le premier ministre civil, Abdalla Hamdok, qui laisse le pouvoir intact aux forces armées et miliciennes.

 À la suite de la levée de son assignation à résidence, le Premier ministre Hamdok a signé un accord avec le général Burhane entérinant la suppression du gouvernement civil antérieur au coup d’État, rétablissant Hamdok dans ses fonctions de premier ministre et le charge de former un nouveau « gouvernement technocratique », tout en maintenant les généraux en place en tant que membres du conseil de souveraineté.

Cette configuration légitime le coup d’État, élimine toute possibilité de tenir les chefs militaires responsables de leurs crimes et étend leur pouvoir sur le processus politique dans le pays. Aucune nouvelle date n’est indiquée pour un transfert du pouvoir au civil, comme le prévoyait la feuille de route de 2019 relative au processus démocratique transitoire.

Le général Burhane a donc la voie libre au niveau institutionnel pour maintenir son pouvoir sans conteste jusqu’aux prochaines élections prévues en 2023.

Résistance massive et continue de la rue

Le mouvement de protestation dans sa grande majorité a rejeté cet accord, perçu comme une trahison en garantissant la main mise de l’armée sur tous les rouages de l’État et du pouvoir. L’accord a d’ailleurs mené à 12 des 17 ministres du précédent gouvernement dirigé par Hamdok et partisans d’un pouvoir civil ont annoncé leur démission en signe de désaccord.

Les slogans dénonçant le Premier ministre civil Hamdok comme complètement inféodé aux généraux se sont multipliés. L’association des professionnels soudanais, a dénoncé un « suicide politique ». Hamdok et les Forces pour la liberté et le changement ont rejeté ce nouvel accord, décrit comme « perfide », et appelé à ce que les dirigeants du coup d’État soient jugés pour avoir sapé les bases du nouveau régime et pour leurs crimes contre des manifestant·e·s.

Les comités de résistance et l’association des professionnels soudanais continuent d’être les fers de lance du mouvement de protestation. Les militant·e·s et manifestant·e·s ont continué à utiliser les barricades, les grèves et la désobéissance civile contre la violence de l’armée, qui a tué plus d’une quarantaine de civil·e·s au cours des quatre dernières semaines, et fait plus de 500 blessé·e·s, selon un syndicat de médecins pro-révolution.

Des centaines d’activistes ont été détenu·e·s arbitrairement et de nombreux·ses autres la cible d’agression. Ils et elles ont été arrêté·e·s, battu·e·s et se sont fait raser la tête par les militaires en guise d’humiliation. La violence s’est même étendue à l’invasion et au siège des hôpitaux par les forces de sécurité, ce qui les a empêchés de fournir les soins urgents aux blessé·e·s, entraînant des décès qui auraient pu être évités.

Contre révolution régionale et internationale

Les acteurs internationaux et régionaux qui cherchent à ramener le pays au partenariat raté de 2019 ont ignoré les crimes du pouvoir militaire. Les diplomates états-uniens ont décrits les demandes d’un gouvernement civil complet comme irréalistes. L’ambassadeur britannique a promu un autre appel au dialogue avec les tueurs. L’union européenne a célébré l’accord et le retour à son poste du premier ministre. Tous les diplomates ont répété l’expression « dirigé par des civils » dans le but de tromper les manifestant·e·s et de diluer leur rejet de toute ingérence militaire.

Le secrétaire général des Nations unies António Guterres a également appelé « au bon sens » le peuple soudanais et les personnes qui continuent de manifester contre les militaires au pouvoir, afin de garantir une transition pacifique « vers une véritable démocratie au Soudan ». Ces propos comme ceux des diplomates ont été dénoncés par le mouvement de protestation.
Les comités de résistance ont refusé les invitations du premier ministre alors en détention, Abdalla Hamdok, et du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Volker Perthes. Les déclarations en réponse rejetaient l’idée de pourparlers à l’abri du regard du public et confirmaient le slogan des « trois Nos » : pas de négociations, pas de partenariat et pas de légitimité pour les militaires.

Comme le chantent les manifestant·e·s, « La retraite est impossible ». Cela signifie que la retraite est impossible dans la mesure où il s’agit d’un retour à l’époque où le peuple était privé de son propre pouvoir. La révolution continue !

Joe Daher