Soudan

L’économie politique de la guerre au Soudan

Depuis le 15 avril 2023, le Soudan traverse un conflit armé entre les milices des Forces de soutien rapide et les forces armées. Les forces régionales et globales jouent un rôle important dans cette guerre.

Une manifestante tient une pancarte "Free Sudan, Tigray, West Papua, Congo, Haiti, Palestine. Free them all” lors d'une marche pour le Soudan
Marche pour le Soudan, Londres, 11 mai 2024.

L’ un des facteurs qui ont contribué à la formation de l’empire financier des Forces de soutien rapide (FSR) et de son chef Hemedti, allié des Emirats arabes unis et d’Israël, a été son contrôle sur les mines d’or du Darfour et la formation de réseaux parallèles de contrebande d’or. Les FSR ont également participé à la guerre au Yémen en échange d’un soutien financier généreux– un milliard de dollars – de la part des EAU et l’Arabie Saoudite

Lutte pour l’or: l’impérialisme extractif

Le Soudan est le troisième producteur mondial d’or en Afrique, et Dubaï est une destination majeure de la contrebande d’or, d’où il est réexporté vers le marché mondial. Entre 2014 et 2018, 4,1 milliards de dollars d’or ont été introduits clandestinement aux Émirats. Les revenus du commerce de l’or représentent désormais 20% des revenus totaux de l’économie des Émirats

Le résultat est que les revenus de l’or n’entrent pas dans le trésor central de Soudan et d’autres pays africains. Ni les taxes, ni les frais de douane ne sont collectées, ce qui conduit à une réduction significative du coût de l’or brut. Ainsi, les Émirats et d’autres gouvernements qui en profitent, comme la Russie et l’Egypte, peuvent donc générer d’énormes excédents. 

Lutte pour le contrôle du commerce et des ports

La Chine est également présente au Soudan. Sa présence lui permet de pénétrer et de contrôler toute l’Afrique. La Turquie, de son côté est l’un des pays qui luttent pour contrôler la côte soudanaise qui s’étend sur plus de 700 kilomètres sur la mer Rouge. Son président Erdogan a signé en 2017 un accord stipulant son contrôle du port de Suakin. 

D’un autre côté, l’alliance émirati-­saoudienne, à la tête du Conseil de coopération du Golfe, utilise trois moyens pour intervenir en Afrique. Le premier est l’intervention diplomatique dans les conflits. Le deuxième consiste à construire des bases militaires (dans la Corne de l’Afrique) et à créer des milices qui soutiennent les intérêts et les politiques du Golfe, comme cela a été fait au Soudan. Le troisième est le travail caritatif et missionnaire par le biais d’organisations islamiques.

Lutte pour les terres fertiles (land grabbing)

Les pays du Golfe importent 90% de leurs besoins alimentaires. En même temps, les Émirats arabes unis sont considérés comme le quatrième pays au monde en termes de contrôle des terres fertiles, y compris au Soudan. 

Ce dernier se classe au huitième rang mondial en termes de superficie de terres cultivées contrôlées par des capitaux étrangers. Le résultat est une augmentation du taux de pauvreté, de la concentration des richesses et du contrôle des terres entre les mains de la bourgeoisie, ainsi qu’une augmentation du taux de chômage et de l’exode rural. Selon la FAO (2023), le nombre de Soudanais·es souffrant de faim aiguë a doublé pour atteindre 20,3 millions, soit 42% de la population.

Bandar Nouri  chercheur soudanais
Traduction et résumé par notre rédaction d’un article publié sur alsifr.org en arabe