Sauver une banque ou le climat?

Leur urgence et la nôtre

« Si la terre était une banque, cela fait longtemps qu’on l’aurait sauvée ». Ce slogan de la Grève Climat trouve tout son sens après les annonces du Conseil fédéral et de la Banque nationale suisse du déblocage de 259 milliards pour sauver Credit Suisse et assurer son rachat par l’UBS. 

Une banderole «Pas d'argent public pour la finance toxique» devant Credit Suisse
Action devant une succursale de Credit Suisse, Genève, 20 mars 2023

Lorsqu’il s’agit des banques, des réunions extraordinaires du Conseil fédéral ont lieu tous les jours, des émissions spéciales tous les soirs et une utilisation flexible des lois et des milliards. Jamais lorsqu’il s’agit de l’avenir de l’humanité… 

Voilà le scandale. Durant des années, Credit Suisse (CS) a poursuivi le profit à tout prix, entraînant des scandales de corruption, des violations des droits humains et l’aggravation de la crise climatique. Aujourd’hui, Credit Suisse est sauvé avec de l’argent public. Selon la politique de privatisation des profits et socialisation des pertes.

CS est en crise structurelle depuis longtemps à cause de la recherche du profit à court terme et du manque de régulation. Durant cette dernière décennie, les scandales se sont enchaînés. Pour l’exploitation d’un gigantesque gisement de gaz, la banque a fait plonger le Mozambique dans une crise de la dette publique. L’hébergement par CS de fonds de client·e·s sulfureux·ses – dont des dictateurs – a été confirmé par l’enquête «Swiss Secrets». CS et ses actionnaires majeurs saoudiens et qataris ont soutenu massivement le fracking, au Texas et au Nouveau Mexique par exemple, avec des conséquences catastrophiques dans le monde entier.

Les marchés et leur « confiance »

La crise de CS dévoile le fonctionnement du système capitaliste, qui sauve des banques plutôt que de les contrôler afin d’assurer le bien-être commun. Dans ce système, l’unique paramètre pris en compte est la « confiance des marchés », c’est-à-dire celle de faire des profits. Et pour les rassurer, il faut agir vite (avant l’ouverture des bourses le lundi matin !), ce qui rend impossible l’exercice démocratique, qui demande du temps. Les accords conclus durant cette crise ont été élaborés dans la plus complète opacité, alors que la population suisse devient la garante des risques engendrés par le rachat de CS. 

L’injustice sociale est saillante lorsqu’on se rappelle que selon le même Conseil fédéral, il était totalement impossible de financer d’un ou deux milliards supplémentaires l’Assurance-vieillesse et survivants (AVS) sans augmenter l’âge du départ à la retraite des femmes (passé de 64 à 65 ans le 25 septembre dernier). Dans la même veine, il y a quelques jours, le 16 mars, les mêmes qui louent l’accord de sauvetage de Credit Suisse ont fait passer une réforme des caisses de pension qui va diminuer ce que touchent la majorité des rentiers·ères. Une « économie » de deux à trois milliards qui permet au passage de maximiser les profits des assureurs privés. Alors oui, quand on sait que la BNS peut en une nuit prêter 100 milliards à CS et que la Suisse est incapable de trouver 13 milliards de dollars par an pour financer la neutralité carbone en 2050, on peut trouver cela ahurissant. 

Prêt sans condition

Des conditions auraient pu être posées à ce sauvetage : transparence dans l’utilisation des fonds et directives socialement justes et climatiquement soutenables (à minima en respectant les accords internationaux signés par la Suisse sur le climat et la biodiversité). 

Voir aussi notre communiqué du 20 mars ↗︎

Dans l’urgence, le Conseil fédéral doit interdire à UBS de licencier ses employé·e·s car ce n’est pas à elles·eux de payer les pots cassés d’une politique axée sur la fraude fiscale internationale et le blanchiment d’argent sale à l’échelle mondiale. 

Dans un deuxième temps, UBS doit mettre sur pied un plan de reconversion, pour les employé·e·s qui le souhaitent, vers des emplois, bancaires ou autres, mais qui soient socialement et écologiquement plus utiles que la gestion de fortune, qui n’est rien d’autre qu’un parasitisme permettant aux ultra-riches de devenir encore plus riches, notamment en ne payant pas, ou très peu, d’impôts. 

In fine, le démantèlement du paradis fiscal suisse par la suppression du secret bancaire et des nombreux privilèges fiscaux accordés aux personnes physiques et aux entreprises, tant au niveau fédéral que cantonal, est la seule solution pour empêcher sérieusement les nuisances du système bancaire.

Avec l’absorption de Credit Suisse, l’importance qu’aura l’UBS dans l’économie suisse et mondiale sera démesurée. On ne peut laisser cette bombe à retardement demeurer une affaire privée orientée vers la recherche du profit maximum. L’UBS doit être placée sous le contrôle des pouvoirs publics, des salarié·e·s et des citoyen·ne·s pour être mise au service du plus grand nombre, notamment pour financer l’urgente et coûteuse transition écologique.

Myriam Grosse    Thomas Vachetta