Sombres perspectives pour les locataires

La majorité de droite au Conseil national durcit le droit du bail pour les locataires. L’ASLOCA se tient prête au lancement d’un double référendum. 

Manifestation contre la spéculation immobilière
Manifestation pour le droit au logement pour toute·x·s, Genève, 17 février 2023

La crise du logement fait rage. La Suisse subit un regain de la pénurie de logements. Le taux de vacance diminue et, selon toute vraisemblance, la situation devrait empirer ces prochains mois. À cela s’ajoute l’inflation qui pèse déjà lourd sur des locataires qui voient leurs charges exploser. 

Pour endiguer la hausse des prix, la Banque nationale suisse a décidé un augmentation ses taux directeurs. Celle-ci sera très probablement reportée sur les taux hypothécaires. Les propriétaires et bailleurs·eresses auront alors la possibilité de reporter cette hausse sur les loyers. 

C’est dans ce contexte déjà tendu que les lobbies immobiliers et leurs relais au parlement fédéral passent à l’offensive pour détricoter le droit du bail. Le 7 mars dernier, le Conseil national a accepté deux initiatives parlementaires attaquant les droits des locataires.

Des résiliations de bail facilitées 

Premièrement, le Conseil national a accepté, par 108 voix contre 83, l’initiative parlementaire « Empêcher les sous-locations abusives » déposée par l’ancien élu Hans Egloff (UDC, ZH), président de l’Association suisse des propriétaires fonciers, organisation faîtière des propriétaires de logements et des bailleurs·resses en Suisse. Selon ce projet, les sous-locations seraient soumises à l’accord écrit de la partie bailleresse et limitées à une durée maximale de deux ans. De plus, les « inconvénients majeurs » pour le·la bailleur·eresse pourraient motiver un refus de la sous-location. Le non-respect de ces nouvelles dispositions par le·la locataire pourrait être invoqué comme motif de résiliation extraordinaire du bail.  

Or, comme le rappelle à juste titre l’ASLOCA, association suisse de défense des locataires, la sous-­location est une pratique courante et particulièrement utilisée chez les étudiant·e·s ou lors de déplacements de longue durée. Elle peut également permettre à des personnes précaires d’accéder à un logement sans avoir à répondre aux exigences et attentes démesurées des propriétaires. 

De manière totalement disproportionnée, un simple oubli dans la procédure de demande d’accord pour une sous-location pourrait mener à une expulsion, précarisant ainsi la situation de milliers de locataires. Ce projet de modification a passé la rampe alors même que le Conseil fédéral proposait de le rejeter. « Les motifs de résiliation ordinaires et extraordinaires qui se trouvent dans le droit en vigueur sont suffisants » soulignait le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin.

Le second objet, accepté par 114 voix contre 79, vise à faciliter la résiliation du bail pour besoin propre. Les conditions relatives à l’urgence du besoin sont assouplies. Or, celles-ci ne sont pas clairement définies et laissent courir le risque d’abus des propriétaires. Une résiliation de bail pour besoin propre pourrait être un subterfuge pour relouer le logement plus cher. À nouveau, le Conseil fédéral s’est opposé à cette modification « injustifiée » et « disproportionnée », selon les mots de Guy Parmelin.

 Vers un double referendum

En somme, ces deux modifications législatives, coup de force des propriétaires et milieux immobiliers, sont une atteinte directe aux droits de tou·te·s les locataires (61 % des ménages suisses selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique). 

Les deux projets sont maintenant en attente de traitement par le Conseil des États. En cas d’acceptation par celui-ci, probablement lors de la session parlementaire de printemps, l’ASLOCA a d’ores et déjà annoncé son intention de lancer deux référendums. Il sera particulièrement important de les signer et de les faire signer un maximum.

Après les résiliations, augmenter les loyers 

Ces deux objets ne sont que les premières salves d’une stratégie de démantèlement du droit du bail. Plutôt qu’une refonte globale et unique du droit du bail risquant un référendum, les modifications sont proposées une à une et nécessitent alors autant de référendums que d’initiatives parlementaires. Ceci complique le travail des opposant·e·s, et demande plus de forces sur une plus longue durée. 

Outre ces deux modifications facilitant les résiliations, deux autres initiatives parlementaires déposées par le même Hans Egloff sont en cours de traitement par la Commission des affaires juridiques du Conseil national. Elles ont pour objectif de faciliter les augmentations de loyer. 

La première initiative restreint les possibilités de contestation du loyer initial par les locataires. Ils·elles devraient prouver qu’ils·elles ont été « contraint·e·s de conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale ». La seconde initiative assouplit les critères pour apprécier si un loyer est abusif ou non selon les limites des loyers usuels dans le quartier. Cela faciliterait la tâche des propriétaires et bailleurs·eresses dans la justification des augmentations de loyers.

Julien Nagel

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