États-Unis

Personnes trans: vers l’éradication

Début mars, le commentateur politique républicain Michael Knowles a déclaré à la conférence nationale du parti que « pour le bien de la société, le transgenrisme doit être éradiqué entièrement de la vie publique.» Une manière de donner le ton dans l’assaut législatif contre les personnes trans et la divergence de genre.

Des militants queer manifestent contre les lois anti-trans
Manifestation contre les lois antitrans et antigay de Louisianne, Nouvelle-Orléans, 25 mars 2022.

Depuis le premier janvier 2023, ce sont presque 500 textes de loi visant les personnes trans qui ont été mis en consultation, tant dans les États étasuniens qu’au niveau fédéral. Une augmentation dramatique comparée aux années précédentes. 

C’est donc un assaut coordonné qui vise tous les aspects de vie des personnes trans et de l’existence dans l’espace public de la divergence de genre. De plus, la résistance est à peine possible dans un pays où toutes les facettes du système légal sont contrôlées par les conservateurs. Ainsi à l’exception de quelques États – tel le Massachusetts – qui tentent d’entériner des protections face à cette montée répressive extrême, les défaites sont nombreuses pour les personnes trans et leurs avocats, avec des conséquences qui glacent le sang.

Un assaut généralisé 

Tout d’abord les jeunes trans, qui dans déjà neuf États ne peuvent plus recevoir de soins médicaux affirmatifs de genre – comprendre des thérapies et traitements hormonaux type bloqueur de puberté – et dans certains cas devront ainsi stopper leur transition. De nombreuses lois attaquent également les écoles, avec la volonté de les forcer à divulguer aux parents la transidentité d’écolier·ère·x·s ou encore de leur interdire de participer à des activités sportives. 

Le Texas va même plus loin, avec le projet d’investiguer les parents de jeunes trans pour maltraitance, avec la conséquence de potentiellement se faire retirer la garde de son enfant. Pour de nombreuses familles, c’est un exil qui se prépare face à la peur de se faire dénoncer aux services de l’enfance. Si le discours des conservateurs s’articulait initialement sur la « protection » de la jeunesse, de nouvelles lois veulent également empêcher l’accès aux soins aux adultes et attaquer en justice les praticiens qui les fournissent.

Une autre partie des lois se concentre sur l’art du drag, qui est instrumentalisé afin de monitorer les types de présentation de genre dans l’espace public. La stratégie – reprise depuis notamment par l’extrême droite française – est de déclarer que le transformisme est forcément sexuel. Cela a permis d’attaquer frontalement des performeureuses qui proposaient des spectacles tout public ou à destination des enfants, et ensuite d’attaquer tout type de drag, l’associant à la prédation. 

Certains projets de loi, déjà passés, déterminent que tout établissement qui propose du drag est un établissement à caractère sexuel, qui a l’interdiction d’être situé dans certains endroits (près d’écoles ou de zones résidentielles). 

Le corollaire de ces lois est qu’elles référencent le sexe biologique, ce qui signifie que toute personne trans qui fait une présentation publique pourrait en être interdite sous peine d’amende pour l’établissement qui reçoit la personne. De manière générale, le texte de l’État du Tennessee – premier du genre à être adopté – est suffisamment large pour être appliqué à toute personne dans la sphère publique, ce qui n’est pas sans rappeler les interdictions de porter des habits non-conformes à son sexe jusqu’aux années 70.

Les attaques renouvelées d’un capitalisme autocratique et mortifère 

Les personnes trans font aujourd’hui face à une situation d’urgence absolue et horrifiante, aux États-Unis et dans la majorité du monde. Ces lois sont le symptôme d’un capitalisme autocratique qui ne peut se renouveler qu’en resserrant la vis sur ce qu’est un corps et à quoi il sert. Pour les capitalistes, un corps « masculin » sert avant tout à mourir au travail ou à la guerre et un corps « féminin » est avant tout dédié à la procréation. Toute déviance à ce modèle cis­hétéro­patriarcal doit être éliminée.

Il existe aujourd’hui une volonté avouée de réduire à néant la transidentité aux États-Unis. Une volonté que certain·e·s associent même à un véritable génocide. La vie des personnes trans est en effet gravement menacée. 

Il serait naïf de croire que ces lois qui martèlent un traditionalisme impressionnant ne toucheront qu’elleux. Elles sont à inscrire dans la lignée des attaques contre le droit à l’avortement et la révocation de l’arrêt Roe vs Wade en 2022. Elles sont le symbole de la montée en puissance des idéologies répressives et autoritaires qui caractérisent de plus en plus les régimes capitalistes mortifères. 

Ses défenseurs conservateurs savent très bien se coordonner de manière internationale : tous les débats qui ont eu lieu aux États-Unis il y a quelques années et qui ont préparé le terrain à ces lois sont désormais présents chez nous (mineurs trans, détransition, etc.) Il est donc d’autant plus important d’apporter une réponse dès à présent chez nous aussi.

Seb Zürcher