Droits reproductifs : la lutte continue
La décision de la Cour Suprême des États-Unis de supprimer l’accès à l’avortement garanti par la décision Roe v. Wade de 1973 constitue un retour en arrière alarmant pour les droits sexuels et reproductifs et confirme l’assaut des forces conservatrices et réactionnaires.
Cette décision s’inscrit dans une stratégie de long terme mise au point par les organisations fondamentalistes chrétiennes et plus généralement de la droite et extrême-droite étasunienne opposées à l’avortement et aux droits des personnes LGBTIQ+.
Le droit à l’avortement au niveau fédéral à présent révoqué, tout porte à croire que l’accès à la contraception, le mariage pour toutes et tous et même les mariages mixtes seront les prochains droits auxquels s’attaquera la Cour Suprême hautement politisée et conservatrice.
Cette décision met en lumière l’agenda et l’idéologie profondément réactionnaire, patriarcale, raciste, validiste et transphobe du mouvement anti-avortement et de l’extrême droite aux États-Unis. Elle aura des conséquences particulièrement graves non seulement sur les femmes cisgenres mais également sur les hommes trans et sur toute personne pouvant tomber enceinte.
Les communautés marginalisées qui font déjà face à des barrières significatives d’accès aux soins dans un système de santé étasunien néolibéral verront leurs possibilités de choix encore plus restreintes.
Les tentatives de récupération et d’instrumentalisation des luttes pour les droits reproductifs par les compagnies multinationales via des campagnes de relations publiques autour de leur engagement à couvrir les frais des personnes ayant besoin de voyager dans d’autres États pour obtenir un avortement ne doivent pas cacher leurs responsabilités et les limites de leurs manœuvres . Ces entreprises ont pour la plupart versé de l’argent à différents acteurs·trices républicain·e·s et certaines d’entre elles se servent des droits reproductifs comme outil d’affaiblissement du mouvement syndical. Starbucks se propose par exemple d’assurer le recouvrement des frais de voyage uniquement pour les travailleuses et travailleurs non syndicalisé·e·s.
Sans avortement sûr, gratuit et légal, les personnes cherchant à interrompre une grossesse auront recours à des procédures pouvant mettre leur santé et leur vie en danger ou devront continuer une grossesse non désirée (également une violation des droits humains) ou encore devront se faire avorter dans un autre État. Le tout dans un pays où les protections sociales sont minimes voire inexistantes, où les droits à la santé, à l’éducation et au logement, particulièrement des communautés non blanches et paupérisées sont régulièrement bafoués.
Cette décision va renforcer les mouvements conservateurs au niveau international. Face à eux, inspirons-nous des mouvements sociaux comme la vague verte en Amérique du Sud, au Rwanda et au Bénin, qui sont parvenus à faire changer les lois restreignant l’accès à l’avortement.
L’approche globale réactionnaire du mouvement anti-avortement doit être contrée par des mouvements socialistes, queer et féministes de masse articulés autour de la notion de solidarité transnationale. Nous sommes et resterons féministes tant qu’il le faudra, en solidarité avec les mouvements progressistes aux États-Unis et ailleurs, soutenant leurs mobilisations et maintenant la nôtre contre les atteintes réactionnaires à notre libération et émancipation.
Paola Salwan Daher