La guerre à l’inflation est-elle vraiment déclarée?
Il a suffi que la Banque Nationale Suisse (BNS) décide d’augmenter son taux directeur pour que les commentaires des expert·e·s économiques prévoient que cette décision fera baisser l’inflation. Mais comment adapter les revenus ?
« La BNS table désormais sur une inflation de 2,8 % pour 2022, contre 2,1 % jusqu’ici. L’augmentation des prix doit par la suite s’établir à 1,9 % en 2023 (0,9 % précédemment), puis 1,6 % en 2024 (0,9 %). ‹ Sans le relèvement de taux décidé aujourd’hui, la prévision d’inflation serait nettement plus élevée ›, précise l’institution. » (Le Courrier, 17.6.2022)
Par quels mécanismes ce résultat serait-il atteint ? Le mystère de la finance demeure complet. Par cette annonce, il s’agit certainement de calmer les craintes suscitées par les hausses des prix et démontrer que la situation est sous contrôle.
Pour l’instant, l’inflation annoncée pour 2022 va surtout réduire les salaires réels d’une majorité de la population, et plus particulièrement de la partie la moins nantie, celle pour qui les fins de mois ne sont pas des horizons radieux.
Réduire les taxes…
Les partisan·ne·s de l’UDC ont immédiatement saisi l’occasion pour présenter des mesures aux Chambres fédérales : relever la déduction pour les frais de déplacement et alléger d’au moins 50 % l’impôt sur les huiles minérales (essence, diesel et autres combustibles). Cet impôt équivaut aujourd’hui à près de 77 centimes pour l’essence sans plomb et près de 80 centimes pour le diesel.
En se concentrant sur des taxes et des déductions fiscales, l’UDC laisse une totale liberté aux compagnies pétrolières et aux sociétés de négoce pour spéculer et augmenter les prix. Invoquer la guerre en Ukraine et les changements dans la filière d’approvisionnement leur permet surtout de réaliser des profits record.
La logique populiste s’attaque aux taxes. Avec pour conséquence une réduction des finances publiques. Plus de profits privés, moins d’État pour résumer très sèchement. Et ensuite invoquer des déficits publics pour réduire des prestations.
Le PLR et le Centre n’ont pour l’instant pas soutenu ces propositions, car la paix sociale ne semble pas fragilisée par l’inflation actuelle. La colère n’est pas encore visible et ne s’est pas traduite par une contestation sociale. Pour ce bloc bourgeois, les annonces de la BNS suffisent à rassurer la population et faire croire que le mal est passager. Laissons les riches accumuler et les pauvres se débrouiller.
…ou distribuer des allocations ?
Parmi les propositions du PSS figure un « chèque fédéral » : 80 % des ménages percevraient ainsi 317 francs par adulte et 158 francs par enfant. Pour les plus riches, le montant serait dégressif, voire nul. Selon l’estimation du PSS, le coût s’élèverait à 2 milliards de francs. Comment cette allocation serait-elle financée ? Introduire une taxation sur le négoce des matières premières constituerait une revendication anticapitaliste, qui éclairerait un peu les racines de l’inflation. Malheureusement, cette idée n’est pas évoquée.
Dans une société de classes, les capitalistes savent brillamment passer dans l’ombre leurs mécanismes d’enrichissement. Les profits des multinationales de l’énergie continuent de croître. Pourquoi laisser filer les prix des carburants ? Bloquer les prix à un niveau antérieur (par exemple au 1er janvier 2022) serait une mesure bien plus sociale et égalitaire que de laisser les profiteurs·euses imposer une augmentation continue du prix de l’énergie.
Pour une échelle mobile des salaires
Autre revendication absente du paysage politique et syndical, celle d’une adaptation continue et complète des salaires à l’inflation, avec un rattrapage rétroactif. Il y a quelques dizaines d’années, certains syndicats avaient obtenu ce mécanisme connu sous le nom « d’échelle mobile des salaires ». L’inflation des prix est provoquée par la concurrence intercapitaliste. Les salarié·e·s n’ont pas à en être victimes ! Redonner du pouvoir d’achat n’est pas synonyme de consumérisme mais de justice sociale. Le Travail ne doit pas être la victime du Capital.
En novembre 2019, bien avant que l’inflation ne progresse, l’USS déclarait : « La Suisse a un problème de pouvoir d’achat. Les salaires réels font du surplace. De plus en plus de ménages en Suisse ont des difficultés à payer leurs factures. Si l’on exclut les dépenses de santé, la consommation par habitant·e est en baisse. » Alors en 2022, une inflation de 3 % ne va pas améliorer ce constat. Et l’Union patronale suisse avertit : dans les secteurs soumis à des CCT, les salaires ne seront adaptés que de 1,5 %. Tandis que les actionnaires de la bourse helvétique SPI se partageront 46 milliards de dividendes !
Dès à présent toutes les clauses d’adaptation au renchérissement des salaires, des rentes et des allocations sociales doivent être appliquées sans exception, que ce soit au niveau du secteur public et dans les CCT. Une mobilisation d’ensemble pourrait rassembler et unifier différentes catégories sociales, accompagnant les mouvements pour la défense de l’AVS et de l’égalité salariale.
José Sanchez