Cocher la bonne case ? Pour une discussion sur l’abolitiondu sexe civil

Depuis l’acceptation de la procédure facilitée de changement de sexe en 2021, quelles priorités politiques définir en Suisse sur les questions légales liées à la reconnaissance de la transidentité ? 

Des manifestants portent une banderole "nos identités font peur au patriarcat”
Grève féministe 2021 à Genève

Depuis le premier janvier de l’année dernière, il n’est plus nécessaire de passer devant un juge et de produire des documents médicaux pour faire reconnaître un changement de sexe. Désormais, c’est sur simple déclaration auprès de l’état civil que cela se fait. Un vrai soulagement pour les personnes trans qui ont accès à une prestation à prix largement réduit et sans paperasse interminable. 

Ce système basé sur l’autodétermination rencontre un succès non négligeable, témoin d’un rattrapage de toutes les personnes qui n’avaient pas eu accès à la procédure dans l’ancien modèle. Petits bémols : la non accessibilité de cette procédure aux personnes de moins de 16 ans sans l’accord des parents et un modèle qui reste fondamentalement binaire.

Vers une troisième case ?

Plusieurs efforts ont été entrepris récemment pour sortir les documents d’identité du modèle binaire, essentiellement par la proposition d’ajouter une catégorie aux traditionnels « M » et « F ». Si le Conseil fédéral avait balayé l’idée en fin d’année dernière au prétexte que la Suisse n’était « pas encore prête », une commission du National a remis l’idée sur la table ce mois de mai. 

Les chances du texte d’aboutir sur quelque chose de tangible sont probablement minces, mais il est agréable de voir que l’idée fait son bout de chemin. Néanmoins, dans une perspective radicale, il est nécessaire de questionner le rôle de l’État sur la question du sexe. Que signifie rajouter une troisième case sur les documents d’identité dans le futur si le modèle entier du système légal est basé sur la réification du sexe et de la binarité ? 

Abolition du genre

Il n’est pas insensé de considérer le sexe à l’état civil comme un outil de domination qui nourrit le modèle cishétéropatriarcal de notre société et qui a des implications à tous les niveaux, qu’il s’agisse du domaine médical, de celui des assurances sociales ou encore de la parentalité. Dans ce sens, le sexe civil est-il vraiment descriptif de la réalité des personnes ? Et apporte-t-il avec lui des sécurités ? Ou est-il plutôt prescriptif et fondamentalement inégalitaire ? 

Dans une analyse critique, le sexe n’est pas une donnée innée mais construite par les institutions. la réelle question est donc de déterminer collectivement si ces catégories légales sont pertinentes ou si nos revendications doivent porter leur abolition. Nous devons concevoir un changement de paradigme sur cette question en étudiant réellement ce qu’apporte le sexe comme prisme primaire de l’organisation de nos administrations. Si le besoin d’un monitorage des discriminations et des violences genrées est réel, celui-ci n’est toujours pas adapté et ne peut être fait entièrement au travers de catégories légales. 

Seb Zürcher