Christian Grobet

Un combattant

Décédé en décembre dernier, Christian Grobet a marqué la vie politique genevoise de ces quarante dernières années. Ses combats pour la défense des locataires ont constitué l’axe central de ses engagements. 

Portrait de Christian Grobet
Portrait pris pour la campagne d’Ensemble à Gauche pour l’élection au Grand Conseil de 2013, qui a permis à la gauche combative de siéger à nouveau au Grand Conseil

C’est sous son impulsion, qu’a été mise en œuvre la fameuse LDTR (Loi sur les démolitions, transformation et rénovation de maison d’habitation). Cet outil législatif a permis de limiter la spéculation immobilière à Genève et le maintien de logements à prix abordables. Elle a aussi restreint la gentrification du cœur de la ville. 

Christian était aussi engagé dans la défense du patrimoine urbain et a été l’un des fondateurs de l’association Patrimoine Vivant. Ce n’est pas pour rien qu’il était devenu la bête noire des milieux immobiliers. À tel point que, lorsqu’il ne sera pas réélu au Conseil d’État, il ne trouvera pas de propriétaire immobilier privé disposé à lui louer un local pour son étude d’avocat. Il trouvera refuge dans un immeuble de l’Hospice général (quel symbole!) au milieu de personnes défavorisées.

Du Conseil municipal au Conseil d’État

Christian Grobet a commencé son engagement politique au Parti socialiste. Après avoir été conseiller municipal, député, conseiller national, il est élu au Conseil d’État où il siège pendant 12 ans. N’obtenant pas de dérogation pour se présenter à un nouveau mandat, il démissionne du PS en 1992. 

Cette période se caractérise par une crise économique, notamment immobilière, avec des déficits records des finances publiques et les première attaques d’envergure contre le secteur public entraînant de fortes mobilisations des salarié·es de la fonction publique (grève de plus de 10 000 personnes notamment). Dans ce contexte la direction du PS choisi une orientation marquée à droite. 

S’ouvre dès lors un espace politique que va occuper l’Alliance de Gauche composée de solidaritéS, du Parti du Travail et des Indépendant·es regroupé·es autour de Christian Grobet. Celui-ci jouera un rôle important dans la création de l’AdG qui obtiendra 19% des voix aux élections du Grand Conseil et 21 sièges. Devant cette poussée à gauche, la droite va présenter un front uni pour obtenir tous les sièges au Conseil d’État, gouvernement qualifié de monocolore. 

Sans refaire toute l’histoire de cette période où l’AdG représente la principale force d’opposition, Christian Grobet met toute son expertise dans le lancement de référendums, d’initiatives et de dépôts de projets de loi. En 2000, il joue un rôle déterminant dans le sauvetage de la Banque cantonale genevoise.

Un rôle dans les réussites comme dans les échecs  

En 2005, l’AdG est exclue du Grand Conseil car elle n’atteint pas le quorum à la suite d’une division entre ses composantes. En 2009, la tentative de retour au Grand Conseil d’une gauche combative se solde par un échec, la liste unitaire formée de solidaritéS et du Parti du Travail n’ayant pas été rejointe par le Mouvement des aînés créé par Christian Grobet. Il faudra attendre 2013 pour que le regroupement des forces à gauche du PS entre à nouveau au Grand Conseil sous le sigle d’Ensemble à Gauche avec près de 9 % des voix. 

Ce rappel historique montre que, si chaque composante de la gauche combative porte une responsabilité dans ses échecs ou ses réussites, Christian Grobet a fait partie de ce processus et y a joué un rôle parfois déterminant.

Christian Grobet était un homme de conviction. Tenace, il n’abandonnait pas facilement un combat qu’il considérait comme juste dans une optique sociale-­démocrate marquée à gauche. Il défendait le bien public et détestait les milieux affairistes. En matière de politique du logement, il savait l’importance de la maîtrise du foncier et s’est battu pour une politique d’acquisition de terrains en mains publiques.

Au-delà des divergences que nous avons pu avoir avec lui, que ce soit sur des questions de fond ou sur des orientations tactiques, nous avions affaire à un militant. Il aurait pu, comme nombre d’anciens conseillers d’État, siéger dans des conseils divers et variés. Il est resté un combattant, continuant à faire des propositions politiques et à les défendre dans la rue en récoltant des signatures pour des référendums et des initiatives. 

Ma dernière image de Christian Grobet sera celle de sa présence, alors qu’il était affecté dans sa santé, à une manifestation de soutien à des nettoyeurs et nettoyeuses en lutte pour leurs conditions de travail.

Bernard Clerc