Le calamiteux bilan d’un procureur général

En mars 2026 est programmée l’élection du Procureur général à Genève. Olivier Jornot, actuel titulaire, se représente. Pierre Bayenet, procureur et membre de solidaritéS, lui sera opposé. Il faut espérer que ce dernier sera soutenu par toutes celles et tous ceux, soucieux·ses de la dignité humaine, qui refusent une politique pénale écrasant les plus vulnérables et inefficace pour protéger la société contre les vraies menaces. 

Olivier Jornot en 2025
Olivier Jornot est Procureur général de Genève depuis 2011.

En 2011, Olivier Jornot est devenu Procureur général. Élu par le Grand Conseil, il avait atteint la majorité absolue de 49 voix d’extrême justesse. Comme Jornot était membre du Grand Conseil, il n’aurait pas été élu au premier tour s’il n’avait pas voté pour lui-même.

En 2014, soutenu par la droite, Jornot a été réélu avec 53 482 voix contre 28 073 voix pour Pierre Bayenet, soutenu par diverses organisations de gauche mais sans le soutien du PS ni des Vert·e·s. En 2020, il a été réélu tacitement faute d’autre candidat. Il veut maintenant accéder à un quatrième mandat de six ans, dès 2026.

Quelles priorités dans l’action pénale ?

Depuis 14 ans, Olivier Jornot règne sur les institutions pénales du canton de Genève. Son pouvoir sur le Ministère public (les procureur·es), la police, le service des contraventions, et les services pénitentiaires est largement dominant. Il s’impose en pratique comme un ministre supplémentaire, chargé de diriger l’activité de la police et celle des services qui gèrent les amendes et/ou les incarcérations.

Jornot dicte à la police ses priorités de politique pénale. La Conseillère d’État chargée de la police ne s’en mêle pas. Or, c’est la police qui, par son activité sur le terrain, alimente le Ministère public en poursuites pénales et en incarcérations.

Les priorités pénales réelles de l’actuel procureur général, à ne pas confondre avec les prétendues priorités affichées dans l’officielle « politique criminelle commune », sont majoritairement orientées contre les personnes précaires sans statut légal en Suisse. Les personnes sans papiers – identifiées au faciès – sont contrôlées, souvent arrêtées, et, le cas échéant, mises en prévention et incarcérées pour une infraction à la loi sur les étrangers, accompagnée ou non d’une autre infraction mineure, voire d’une simple contravention. 

Incarcérer trop souvent, trop longtemps

Le résultat de l’action de Jornot au Ministère est la surpopulation carcérale qui est permanente à Genève malgré l’augmentation régulière de nombre de places de détention disponibles. En septembre 2025, la prison de Champ Dollon est occupée à 123 % de sa capacité légale. Une telle surpopulation n’est pas constatée dans les autres cantons suisses, excepté le canton de Vaud

Les études scientifiques expliquent que cette surpopulation est due à la sévérité excessive des procureurs genevois et vaudois. Elle ne s’explique pas par une recrudescence de la criminalité (qui est au contraire en baisse importante). Elle ne se justifie pas non plus par un nombre insuffisant de places de détention : à Genève, le taux des places de détention (par rapport à la population) est de 75 % plus élevé que le taux moyen pour la Suisse tout entière.

L’actuel procureur général se félicite de ce que la prison déborde : dans l’édition du 27 octobre 2025 de la Tribune de Genève, il déclare avec morgue que ce débordement démontrerait qu’il tient ses promesses.

Un producteur de souffrances

Olivier Jornot s’accroche à son pouvoir. Mais son bilan est désastreux. Sa politique pénale rigide donne la priorité à la poursuite de la petite délinquance des plus vulnérables d’entre nous. Elle a pour conséquence une souffrance intense non seulement pour les personnes démunies et leurs familles, mais aussi pour tou·tes les acteurs·trices du secteur de l’action pénale. Les fonctionnaires de la police, de l’administration pénitentiaire, du service des contraventions, les procureurs croulent sous l’acharnement à sanctionner sévèrement. Iels sont amer·es, fatigué·es et démotivé·es.

Parallèlement, la protection des victimes de violences domestiques ou sexuelles, la poursuite des auteur·es d’escroqueries informatiques, de fraudes aux assurances sociales ou à la sécurité du travail restent négligées. La criminalité économique dans la finance, la construction ou les services – blanchiment, faillites frauduleuses, escroqueries et détournements divers – est traitée de manière désinvolte par des services d’enquête dénués de moyens suffisants.

Pour le bien commun, il est donc impératif de combattre, en mars prochain, une nouvelle élection d’Olivier Jornot, dont le règne n’a que trop duré. Avec courage et détermination, Pierre Bayenet, devenu procureur, a accepté de se présenter comme candidat à la fonction de Procureur général à l’élection de mars prochain. Son programme repose sur une critique résolue de la politique pénale actuelle à Genève et sur des principes d’égalité et de respect de la dignité humaine. Il représente une alternative apaisante et crédible à une institution pénale arrogante, arbitraire et désécurisante.

Viviane Seymaz