Non au compromis USA-UE sur le dos du peuple irakien

Non au compromis USA-UE sur le dos du peuple irakien

«Il y a un peu plus d’un an, selon l’éditorialiste du New York Times (…) on pouvait se demander comment les relations transatlantiques avaient pu se dégrader à ce point si rapidement. Aujourd’hui, tandis que la France et l’Allemagne signent une résolution du Conseil de sécurité sur l’Irak, appuyée par les Etats-Unis, la question inverse est à l’ordre du jour: pourquoi les anciens opposants de la ‘vieille’ Europe à la guerre en Irak sont-ils tout à coup devenus si conciliants et si gentils à l’égard des Etats-Unis?» (12-13 juin). Ce sentiment d’apaisement est encore renforcé par les discours conciliants du dernier G8 à Sea Island (Géorgie, USA), notamment sur le Moyen-Orient.

En fait, l’échec de l’Administration Bush en Irak a atteint un degré tel, qu’il met en péril les intérêts impérialistes dans toute la région. «Nous n’avons pas tellement le choix, reconnaît un membre de la délégation française; il faut qu’un processus de stabilisation puisse s’enclencher si on veut avoir une petite chance de stopper la détérioration de la situation» (Le Monde, 10 juin). En même temps, la politique étrangère des Etats-Unis a infléchi son cours en faveur du «réalisme» et du multilatéralisme prônés par la «vieille Europe»: négociation patiente de la dernière résolution 1546 avec la France, l’Allemagne et la Russie; re-dimensionnement de l’Initiative US pour le «Grand Moyen-Orient» par abandon de ses ambitions les plus folles, notamment en matière de re-formatage des régimes politiques de la région; appels au développement de partenariats avec les Etats existants et à la reprise du «processus de paix» entre Israël et les Palestiniens…

Pourtant, sur le fond, les Etats-Unis ont obtenu l’essentiel de ce qu’ils souhaitaient: déclaration que la prise de pouvoir par le gouvernement intérimaire irakien «met fin à l’occupation» au 30 juin; légitimation de la présence des troupes de la Coalition par une soi-disant demande du gouvernement irakien et réaffirmation de l’autonomie complète de leur commandement (si leur mandat échoit dans 12 mois, d’ici-là les autorités irakiennes n’ont pratiquement rien à dire sur leur action); approbation du calendrier de mise en place de la «démocratie» avant le 31 décembre 2005, avec implication de l’ONU dans le processus. Bien sûr, l’affectation des ressources pétrolières devra être approuvée par le gouvernement irakien… Mais voilà une clause bien formelle, puisqu’il celui-ci est «demandeur» d’une intervention militaire sur son sol et qu’il ne pourra guère en décliner la facture.

La France et l’Allemagne continuent certes à affirmer qu’elles n’enverront aucun homme sur le terrain. Cela vaudra-t-il pour la force spéciale chargée de protéger la mission de l’ONU? Et l’OTAN restera-t-elle longtemps à l’écart du théâtre irakien? Ce n’est pas l’opinion de son secrétaire général, Jaap de Hoop Scheffer, qui déclarait le 15 juin au Monde: «Si le gouvernement de Bagdad demande l’aide de l’OTAN, il serait incorrect de lui claquer la porte au nez». Une façon de dire, qu’en reconnaissant l’autorité du gouvernement irakien mis en place par les Etats-Unis, l’Europe ne peut lui refuser son assistance… Progressivement donc, pour faire face à la crise, la solidarité entre les grandes puissances impérialistes prend le pas sur leurs rivalités. Et dans la recherche de telles convergences, le Conseil de sécurité de l’ONU et le sommet du G8 (avec l’Allemagne et le Japon) se présentent comme des lieux privilégiés.

Dès le début de la crise irakienne, nous avions prévenu contre tout appel à une «solution onusienne», passant par une nouvelle résolution du Conseil de sécurité sur le dos du peuple irakien. Bien entendu, cela ne nous a pas empêché d’en appeler à la Charte de l’ONU pour dénoncer le caractère illégal de l’intervention US ou de revendiquer une prise de position de son Assemblée générale contre cette guerre d’agression. Mais nous n’avons jamais perdu de vue que l’ONU est régie par un «présidium» antidémocratique, même si celui-ci peut entrer en dissidence avec les visées unilatérales des Etats-Unis. Les pays du Sud dominés ou le mouvement anti-guerre ont certes raison d’exploiter les contradictions du bloc dominant; pour autant, ils ne doivent pas en oublier le caractère relatif et temporaire, au risque de se trouver désarmés par les compromis qu’il ne manquera pas de vouloir leur imposer.

La résolution 1546 du Conseil de sécurité sanctionne une guerre d’agression et une occupation coloniale. Elle doit être dénoncée et combattue comme telle! A l’opposé, nous revendiquons le départ immédiat des troupes étrangères et le droit des Irakien-nes à la souveraineté économique et politique. Sur le terrain, nous apportons notre soutien aux forces démocratiques qui luttent de façon conséquente pour les droits des travailleurs, des femmes et des minorités.

Jean BATOU