Attac contre l’Empire Nestlé

Attac contre l’Empire Nestlé

Attac sort son premier livre en Suisse: Attac contre l’Empire Nestlé1. Les auteur-e-s, huit membres du groupe «mondialisation et multinationales» d’Attac Vaud à Lausanne sont allé-e-s à la recherche de ce qui se trouve derrière l’image – oh combien – lisse que nous propose le no 1 mondial de l’agro-alimentaire. A défaut d’être surprenant le résultat de leur enquête est inquiétant… Quelques points forts de cet ouvrage nous sont présentés ici par deux de ses auteur-e-s. (réd)

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Il y a maintenant plus d’une année que notre groupe de travail, inspiré par la lecture d’Enquête au cœur des multinationales2 d’Attac-France, a décidé de travailler sur de grandes multinationales suisses. Quoi de plus évident pour nous, en effet que de s’intéresser de plus près à Nestlé, notre voisine avec son siège social à Vevey? La collaboration avec d’autres organisations a connu un franc succès, aboutissant notamment à la mise sur pied d’un atelier Nestlé au premier Forum Social Suisse. Notre priorité a toujours été de garder en tête qu’un travail collectif exige le respect des disponibilités et des diversités de chacun-e. Arrivé-e-s à terme nous sommes aujourd’hui d’autant plus content-e-s qu’il y a toujours eu des forces pour mener à bien ce projet. Certaines ont dû partir à l’étranger, d’autres sont arrivées en mettant à disposition leur enthousiasme, leurs compétences et leur temps. Destiné à un public large notre livre vise à la diffusion d’informations souvent méconnues pour une prise de conscience des agissements de Nestlé.

Le profit, encore et toujours… mais à quel prix pour la planète et ses habitant-e-s?

Nestlé est une entreprise qui paraît «propre» lorsque l’on ne cherche pas à voir plus loin que l’image qui en est donnée, autant par les médias que par les campagnes de publicité. En effet, comme nous l’a appris Franklin Frederick, militant du mouvement brésilien pour le droit à l’eau, lors d’une conférence organisée par attac à Lausanne, le 5 février dernier, Nestlé est partenaire du «programme faim zéro» du président brésilien Lula. Voilà donc une multinationale qui s’engagerait pour faire reculer la faim dans le monde! Cependant, la réalité – et c’est un euphémisme – est bien plus sombre. Afin d’empocher des profits faramineux, la multinationale est accusée par des syndicats, aux quatre coins de la planète, de bafouer le droit du travail. Le cas du conflit qui l’oppose au syndicat Sinaltrainal en Colombie, abordé de manière plus approfondie dans notre ouvrage est, à cet égard, un exemple tout à fait éloquent. Nombreux sont encore les emplois précaires et sous-payés, les licenciements, les suppressions d’emplois ou l’absence de sécurité sociale pour des milliers d’employé-e-s de Nestlé à travers le monde. Pour n’en donner qu’un exemple: les ouvrier-e-s de l’usine Nestlé Cicolac en Colombie ont vu, en 2003, leurs modestes salaires reculer en moyenne de 11 dollars à 4 dollars par jour avec, comme bonus, des heures de travail supplémentaires. Joli contraste avec le PDG de Nestlé, Peter Brabeck qui, la même année – rien que pour son activité chez Nestlé – gagne plus de 30000 CHF par jour!

Pourtant, nous ne nous sommes pas arrêtés en si «bon» chemin. Nestlé est aussi à la pointe de l’un des phénomènes les plus choquants du monde actuel: la privatisation de ce bien commun vital qu’est l’eau. En 2001, le PDG de Nestlé d’alors déclare sans états d’âme: «L’eau est de plus en plus rare. C’est pour cela que nous aimerions mettre la main sur les sources.»3 En réalité, de toute évidence, l’eau n’est pas une marchandise comme les autres et il n’est pas acceptable que plus d’un milliard de personnes soient privées de cette ressource du fait d’un simple calcul de profit. Une analyse de ce nouveau marché montre les effets catastrophiques de la privatisation des réseaux de distribution d’eau potable et de production d’eau minérale en bouteille, secteur où Nestlé est le n° 1 mondial.

Un autre marché privilégié par Nestlé, c’est celui du café. La Suisse est la plaque tournante de ce commerce qui rapporte 70 milliards de dollars par année à quelques multinationales, dont l’entreprise suisse en particulier. L’ouvrage met en lumière le profit qu’elle tire de la crise mondiale du café et questionne l’attitude de la multinationale face au «commerce équitable». Dans une autre contribution, nous dénonçons la politique de double jeu de Nestlé dans le domaine des OGM. Car, si l’entreprise a renoncé, sous la pression de l’opinion publique, à l’utilisation des OGM dans certains pays occidentaux, il n’en demeure pas moins qu’elle compte sur l’ignorance présumée des consommateur-trice-s et sur une législation souple pour continuer à imposer ses produits contenant des OGM dans de nombreux pays. En Chine, Nestlé n’a du reste aucunement l’intention de changer de politique, car elle ne se fait pas de souçis sur les «états d’âme de quelques activistes sur l’opinion des consommateurs chinois.»4 Enfin, le scandale tristement célèbre du lait en poudre continue à faire des centaines de milliers de victimes par année. En effet, malgré son adhésion aux principes de bonne conduite dans ce domaine élaborés par l’UNICEF en 1981, Nestlé incite toujours, les femmes et les milieux (para-)médicaux, à l’aide de publicités agressives, à renoncer à l’allaitement, accroissant par ce biais le risque de mortalité infantile.

Cerise sur le gâteau: nous avons eu la chance et le plaisir que Susan George accepte de rédiger la préface qu’elle conclut par une note d’espoir: «[…]merci à Attac Vaud d’avoir repris le flambeau: il faut maintenant qu’il serve à allumer des contre-feux partout.» Il nous semble essentiel en effet d’unir les luttes que mènent les différents mouvements politiques, syndicaux, de salarié-e-s et de consommat-eur-rice-s contre le pouvoir ahurissant de Nestlé et des multinationales en général. Les formes de réflexion et d’action sont multiples. En effet, nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses à lutter pour qu’un autre monde soit possible.

Ounsi EL DAÏF & Isabelle PACCAUD

  1. Pour commander le livre en ligne, visiter le site d’Attac suisse: http://www.suisse.attac.org/rubrique.php3?id_rubrique=75. Vous pouvez aussi écrire à: «Groupe mondialisation et multinationales», Attac vaud, Case Postale 27, 1000 Lausanne 9.
  2. Ed- Mille et une nuits, 2001.
  3. Der Spiegel Online, 2001, in: Attac contre…, op.cit., p. 104.
  4. 24 Heures du 17.12.2003 cité in: Attac contre…, op.cit, p.89.