L’Ironie du Son: un talent basé sur l’échange

L’Ironie du Son: un talent basé sur l’échange

Trio genevois rafraîchissant, l’Ironie du Son vient de sortir son troisième album, Nuage Fou, comme d’habitude auto-produit de A à Z. Formation peu habituelle composée de Guillaume Lagger à l’harmonica, de Nicolas Silvestrini à la guitare et de Cyril Bondi à la batterie, l’Ironie du Son distille un jazz vivifiant teinté d’influences multiculturelles, allant du funk à la bossa en passant par le rap ou les sonorités caraïbes. Ce groupe, qui sillonne les scènes de Suisse romande depuis 9 ans, transpire la bonne humeur. Bonne humeur que nous avons eu l’occasion de partager avec Guillaume et Cyril autour d’un petit déjeuner.

Celles et ceux qui vous suivent ont l’habitude de vous voir explorer inlassablement de nouvelles voies. L’année passée, vous avez débuté une collaboration tonique avec des rappeurs. Comment cela s’est-il passé?

On a travaillé avec un duo de rappeurs pour l’enregistrement de Nuage Fou. On pensait enregistrer un morceau avec eux, mais ça s’est tellement bien passé qu’on en a finalement fait six. Au départ, on ne pensait pas forcément continuer, mais on a quand même fait un concert ensemble. Depuis quelque semaines on retravaille avec l’un des deux, Jonas, avec qui on a monté un répertoire pour les scènes sur lesquelles on est en train de se produire1. Cette expérience nous a permis de découvrir une intéressante forme de métissage musical entre notre répertoire plutôt jazzy et le rap.

Finalement cette collaboration, qui a apporté une nouvelle couleur à notre musique, est significative de notre démarche depuis le début. On a toujours évolué en fonction de nos goûts personnels et des rencontres que l’on pouvait faire avec d’autres musiciens, ce qui nous a permis de constamment explorer de nouveaux horizons. On cherche toujours, dans notre processus créatif, à ne pas refaire ce qu’on a déjà pu faire. C’est ce qui rend peut-être notre musique difficile à définir: une grande base jazz et funk, mais aussi des influences afro, blues, bossa et maintenant le rap qui vient ajouter un grain intéressant.

On sent dans votre musique, surtout lors de vos concert une constante bonne humeur, un état d’esprit qui inspire la tolérance, ça vous vient d’où?

C’est difficile à dire, mais certainement que l’amitié forte qui nous unit et le plaisir qu’on a à jouer ensemble transpirent sur scène. L’idée même de métissage musical, qui vient notamment de nos influences respectives différentes, est aussi une façon simple et douce de faire passer ce que tu pourrais définir comme «un message de tolérance». Le fait que chacun essaye d’apporter ce qu’il est dans un morceau, sans partir dans une logique individualiste, donne à notre musique ce panel de couleurs différentes. Et puis il ne faut pas négliger toutes les rencontres qu’on a eu la chance de vivre. Pour chacun des disques qu’on a fait, on a eu une formation différente, autour du noyau guitare-harmo-batterie.

Vous avez travaillé avec des musiciens différents, mais aussi avec d’autres artistes…

Effectivement, l’Ironie du Son, c’est bien plus que trois copains. Il y a d’abord tous les musiciens qui ont participé, à un moment ou à un autre, à notre aventure, mais aussi un peintre qui a fait des performances durant nos concerts, Mirko, un danseur avec lequel on travail actuellement et avec qui on va monter un spectacle à part entière et des graphistes. Finalement, on cherche à vivre une expérience artistique qui ne se limite pas au monde de la musique, mais qui peut permettre, par différents moyens d’expression conjugués, à exprimer ce qu’on tire de nos échanges respectifs. C’est le hasard des chemins qui a fait que l’Ironie du Son, plus qu’un groupe, soit une plate-forme d’échanges artistiques.

Comment un groupe indépendant comme l’Ironie du Son arrive à se produire dans l’espace culturel Suisse?

On ne cherche pas à vivre de notre musique pour l’instant, donc ce n’est pas vraiment à nous qu’il faut poser cette question… Notre manière «d’exister publiquement», c’est la scène, principalement. Et les occasions viennent assez naturellement. Mais c’est vrai que depuis qu’on peut compter sur un ami qui s’occupe de nous trouver des lieux où faire des concerts, ça commence à aller mieux. Ça nous fait plaisir d’avoir plus d’occasions de partager notre musique, ce d’autant plus qu’on ne la fait pas pour gagner de l’argent, mais vraiment comme une passion, une façon libre d’exprimer ce que l’on ressent. C’est aussi dans cette même idée qu’on a auto-produit nos disques, qui ne sont diffusés que dans quelques points de ventes indépendants2 et lors de nos concerts. Notre objectif reste avant tout de nous faire plaisir et de faire plaisir à celles et ceux qui nous écoutes, sans forcément chercher à se faire connaître à tout prix.

Par rapport à ta question, il faut quand même dire que, notamment au niveau institutionnel, il existe, particulièrement à Genève, un soutien qui n’est pas négligeable à la création artistique. Ce qu’on peut déplorer par contre, c’est la fermeture de nombreux espaces d’expression alternatifs, au premier rang desquels il y a les squats. C’est une réelle perte que de voir de nombreuses de ces petites scènes fermées pour cause d’évacuations. Ces lieux sont essentiels pour la création artistique d’une ville et ils sont trop souvent négligés par notre société. On y trouve des artistes et un public qu’on ne voit pas ailleurs. La mort des squats, c’est aussi la mort d’une certaine idée de l’expression artistique.

Vous avez joué au dernier Forum Social Suisse à Fribourg. Quelle était votre motivation de participer à cet événement?

On n’est pas un groupe qui défend, par des paroles explicites, un certains nombre de revendications. Mais on a évidemment nos affinités politiques qui sont plus véhiculées indirectement, par ce qu’on peut faire passer à travers notre musique. Alors, en ce qui concerne le Forum Social Suisse, on y a participé en y apportant simplement ce que l’on sait faire de mieux, à savoir notre musique, dans laquelle, inévitablement, s’exprime notre conscience politique.

Finalement, le simple fait d’être présent était pour nous l’occasion d’être solidaire de l’événement, à notre manière, en laissant le public s’investir librement dans notre objet musical.

Entretien réalisé par Erik GROBET

  1. A Genève, l’Ironie du Son se produira à la Fête de la Musique le samedi 19 juin à 21h sur l’esplanade St-Antoine, au Festival de l’AMR le samedi 26 juin à 16h au Parc des Cropettes, aux Bains des Pâquis le vendredi 9 juillet au soir, au Kiosque des Bastions du lundi 19 au vendredi 23 juillet à 18h, à Asphaltissimo le vendredi 6 août, à «La rue est à nous» les samedi et dimanche 18 et 19 septembre et au Chat Noir le jeudi 21 octobre.
  2. A Genève, les disques de l’Ironie du Son peuvent être achetés à Sounds, Disco Club et Lead Music.