Services publics: financer des besoins croissants

Services publics: financer des besoins croissants

La crise actuelle des finances publiques genevoise est connue. Elle est due pour l’essentiel à deux facteurs. Le premier est l’augmentation de la dette dans les années nonante, qui résulte de la gestion calamiteuse des partis de droite (investissements démesurés dans les années quatre-vingt et au début des années nonante, quasi faillite de la Banque cantonale, gabegie de l’administration fiscale, etc.) Le second réside dans les baisses d’impôts introduites ces dernières années (12% sur le revenu, taux fixe pour les entreprises, suppression du droit des pauvres, suppression des droits de succession en ligne directe, allègements de divers émoluments). Il faut rappeler que le canton aurait des comptes équilibrés actuellement si ces diminutions d’impôts n’avaient pas été introduites.

Alors que la droite coupe allègrement dans le budget 2004 (deuxième version à la baisse proposée par le Conseil d’Etat) et que celui-ci ne permet déjà pas de répondre aux besoins en matière de personnel et de prestations, il est nécessaire de mettre en évidence quelques évolutions des besoins de la population.

Répondre à la demande de prestations

Tout d’abord, il faut mentionner l’augmentation de la population du canton: de 1990 à 2002 le nombre d’habitants du canton a crû de 12%, celui des élèves, apprenti-e-s et étudiant-e-s de 18%, celui des personnes âgées – 65 ans et plus – de 20%, celui des bénéficiaires des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI de 59%, celui des personnes assistées de 190%, celui des chômeurs-euses de 350%, sans parler des besoins accrus en matière hospitalière, d’aide à domicile et en EMS. On le voit, les effets combinés du vieillissement de la population, de la scolarisation accrue et des coûts sociaux de la crise économique des années 90 ont conduit à une forte hausse de la demande de services publics. La droite n’en a cure et considère qu’il est possible de «faire plus avec moins», avec pour résultat une dégradation de la qualité des prestations offertes à la population.

Refuser des inégalités croissantes

Lorsqu’on examine l’évolution de la répartition du revenu cantonal, on s’aperçoit que celui-ci est passé de 17,1 milliard en 1990 à 23,6 milliards en 20001 soit une progression de 38%. Pendant cette même période la répartition de ce revenu s’est profondément modifiée. Si en 1990 la part du revenu cantonal attribuée aux ménages s’élevait à 84,1% elle est tombée à 74,2% en 2000. Par contre, la part dévolue aux sociétés de capitaux est passée de 12% à 22,1% (!).

L’analyse des données fiscales donne également quelques éléments significatifs. Le nombre de contribuables avec une fortune imposable de plus d’un million est passé de 4426 en 1991 à 7836 en 20012, soit une progression de 77% (avec une hausse de la fortune imposée de 43%). Quant aux entreprises qui ont eu un bénéfice imposable de plus de 1 million, elles sont passées, pour la même période, de 239 à 466, soit une progression de 95% avec un bénéfice cumulé en hausse de 75%! On le voit, les difficultés économiques ne sont pas les mêmes pour tous le monde…

La droite, qui prétend à tort et à travers que la fiscalité à Genève est trop élevée, ferait bien d’examiner les chiffres qui traduisent sa politique des caisses vides. Si l’on compare l’indice global de la charge fiscale des cantons en 2002 en Suisse, on s’aperçoit que l’indice genevois est à 92% pour une moyenne nationale de 100. Cet indice était de 110,9 en 1995. Ainsi, en sept ans, le canton de Genève a reculé de près de 19 points dans l’indice de la charge fiscale, en dépit du fait que d’autres cantons ont procédé aussi à des baisses d’impôts!

Les riches peuvent payer!

Il n’y a pas de fatalité en matière de déficits publics. Ceux-ci résultent d’une volonté politique qui a pour objectif de réduire la part des collectivités publiques au regard du PIB, en parfaite adéquation avec l’orientation néolibérale. Face à cela, solidaritéS réfléchit à un train de mesures fiscales qui seront proposées à l’Alliance de Gauche afin de contrer cette politique de baisse d’impôts et de fournir les recettes nécessaires à la fourniture des prestations publiques. Dès lors nous proposons:

  • La suppression de la réduction d’impôts de 12% par paliers à partir de 100000 francs de revenu imposable (suppression totale à partir de 220000 francs).
  • La concrétisation par un projet de loi de l’initiative – acceptée dans son principe en votation populaire – pour une taxation des grandes fortunes et des gros bénéfices.
  • Le relèvement à 42% du taux maximum d’imposition qui est aujourd’hui plafonné au niveau cantonal à 35%, centimes additionnels compris.
  • Le dépôt d’un projet de loi relevant l’imposition des bénéfices immobiliers, dans une période de forte reprise de la spéculation, dont la production servira à alimenter un fond permettant de financer l’achat ou la réalisation par le canton d’immeubles de logement à but social.
  • L’utilisation par le canton de son droit d’initiative fédérale pour revendiquer l’introduction d’un impôt fédéral sur les successions dont le produit pourrait être réparti à raison d’un tiers pour la Confédération et de deux tiers pour les cantons. Face à la suppression partielle ou totale de ces impôts sur les successions dans la plupart des cantons au motif fallacieux d’éviter la «concurrence fiscale», une mesure nationale s’impose.

En 2005, auront lieu les élections au Grand Conseil. Il faut dès à présent engager une campagne pour battre la droite. Mais il ne suffit pas d’un slogan. Les composantes de l’Alternative devront se mettre d’accord sur un certain nombre de projets qu’elles s’engagent à mettre en œuvre en cas de nouvelle majorité et qui disent clairement à la population dans quel sens elle entend défendre les services publics et répondre aux besoins. Pour cela, des mesures fiscales sont indispensables. solidaritéS entend ouvrir le débat.

Bernard CLERC

  1. Dernier chiffre définitif disponible.
  2. Dernier exercice fiscal connu suite au passage à la taxation postnumerando.