Amériques: les peuples d'en-bas atteignent des sommets

Amériques: les peuples d’en-bas atteignent des sommets

Parallèlement au 4ème sommet des Amériques, réunissant plus de 34 chefs d’Etat, le mouvement altermondialiste des Amériques s’est retrouvé pour la 3ème édition du sommet des peuples. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de la déclaration finale de ce 3ème sommet des peuples des Amériques.

Nous, déléguées et délégués d’organisations sociales de toutes les régions du continent, du Canada à la Patagonie, travailleurs, paysans, autochtones, jeunes et vieux, de toutes les races, femmes et hommes de dignité, nous sommes donné rendez-vous ici, à Mar del Plata, Argentine, pour faire entendre la voix de tous les peuples de notre Amérique, exclue par les puissants. Comme ce fut le cas précédemment au Chili et au Québec, nous nous trouvons à nouveau face au Sommet des Amériques qui réunit les chefs d’État du continent, à l’exclusion de Cuba, parce que même si les discours officiels continuent de lancer de beaux mots sur la démocratie et la lutte contre la pauvreté, les peuples continuent d’être exclus de la prise de décisions concernant nos destinées. De plus, nous nous rencontrons ici, au sein du 3ème Sommet des peuples, pour consolider notre résistance face aux calamités orchestrées par l’empire du Nord et poursuivre la construction d’alternatives. Jour après jour, nous démontrons qu’il est possible de changer le cours de l’histoire et nous nous engageons à avancer plus loin dans cette direction.

En 2001, lors du sommet officiel de Québec, alors qu’encore l’absolue majorité des gouvernements s’inclinaient aveuglément devant l’orthodoxie néolibérale et les diktats de Washington, avec l’honorable exception du Venezuela, les États-Unis ont réussi à ce que soit fixée au 1er janvier 2005 l’échéance ultime d’entrée en vigueur de son nouveau projet de domination intitulé Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) et que le Quatrième Sommet des Amériques viendrait sceller, en Argentine, les négociations de ce projet pervers. Mais c’est sans ZLEA que nous avons passé l’année 2005 et le sommet officiel d’Argentine se réalise finalement avec la paralysie des négociations sur la ZLEA. Aujourd’hui nous sommes aussi ici pour célébrer cette impasse!

Cependant, force est de constater que les Etats-Unis poursuivent sans relâche leur stratégie d’imposer leur hégémonie sur le continent par l’entremise de traités de libre-échange bilatéraux ou régionaux, comme le démontre l’approbation par quelques voix de l’accord avec l’Amérique centrale, ou encore le traité qu’ils tentent actuellement d’imposer aux pays andins. De plus, Washington a entrepris récemment de développer le Partenariat pour la sécurité et la prospérité de l’Amérique du Nord (PSP). Malgré l’évidence incontestable des conséquences désastreuses de l’application durant plus de dix ans de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ce projet d’intégration en profondeur (ALENA plus) prétend imposer la politique de «sécurité» des États-Unis à toute la région. […]

George W. Bush arrive au sommet de Mar del Plata avec la prétention d’élever à un niveau d’engagement continental sa politique de sécurité au nom de la lutte contre le terrorisme, alors que la meilleure façon pour l’éliminer serait d’abandonner sa politique interventionniste et colonialiste.

La déclaration officielle soumise aux discussions des gouvernements contient la menace réelle d’adoption possible des pires mesures des États-Unis, même si elles arrivaient à être nuancées. De plus, cette déclaration regorge de mots vides et de propositions démagogiques pour combattre la pauvreté et générer du travail décent. Les offres qui sont lancées perpétuent un modèle qui a fait de notre continent l’un des plus misérables et injustes, avec une distribution de la richesse la plus inéquitable au monde. […]

Pour imposer ces politiques, l’empire et ses complices comptent sur le chantage que permet la dette extérieure, laquelle empêche le développement de nos peuples, violant tous nos droits humains. La déclaration des Présidents n’offre aucune alternative concrète, comme le seraient l’annulation et le non paiement de la dette illégitime, la restitution de ce qui a été encaissé de trop, et le remboursement des dettes historiques, sociales et écologiques à l’endroit des peuples de notre Amérique. […]

D’une seule voix, réuni-e-s au sein du 3ème Sommet des peuples de l’Amérique, nous déclarons:

  1. Les négociations visant la création d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) doivent être SUSPENDUES IMMÉDIATEMENT ET DÉFINITIVEMENT, ainsi que tout traité de libre-échange bilatéral ou régional. Nous endossons la résistance des peuples andins et du Costa Rica contre le Traité de Libre-Échange, celle des peuples des Caraïbes pour que les EPAs (Economic Partnership Agreement) ne signifient pas une nouvelle ère de colonialisme déguisé, ainsi que la lutte des peuples d’Amérique du Nord, du Chili et d’Amérique centrale pour renverser les accords de cette nature qui les oppriment.
  2. Tout accord entre les nations doit être fondé sur le respect des droits humains, la dimension sociale, le respect de la souveraineté, la complémentarité, la coopération, la solidarité, la prise en compte des asymétries économiques afin de favoriser les pays moins développés.
  3. Nous nous engageons à favoriser et mettre en avant des processus alternatifs d’intégration régionale, comme peut l’être l’Alternative bolivarienne des Amériques (ALBA).
  4. Nous assumons les conclusions et actions issues des forums, ateliers et rencontres qui se sont tenus pendant le Sommet et nous nous engageons à poursuivre la consolidation de notre processus de construction d’alternatives.
  5. Il est incontournable d’annuler la dette extérieure illégitime, injuste et impayable du Sud, de façon immédiate et sans condition. Nous nous assumons comme créditeurs-trices et exigeons le paiement de la dette sociale, écologique et historique à nos peuples.
  6. Nous assumons la lutte de nos peuples pour la répartition équitable des richesses, en vue de l’élimination de la pauvreté, du chômage et de l’exclusion sociale.
  7. Nous soutenons fortement la promotion d’une diversification de la production, la protection des semences originaires que nous considérons patrimoine des peuples au service de l’humanité, la souveraineté alimentaire des peuples, l’agriculture durable et une réforme agraire intégrale.
  8. Nous rejetons de façon énergique la militarisation du continent promue par l’empire du Nord. Nous dénonçons la doctrine de la supposée coopération pour la sécurité hémisphérique que nous considérons comme un mécanisme de répression des luttes populaires. Nous rejetons la présence de troupes des États-Unis sur notre continent, nous ne voulons ni bases ni enclaves militaires. Nous condamnons le terrorisme mondial d’État de l’Administration Bush, qui souhaite éliminer la rébellion légitime de nos peuples. Nous nous engageons à défendre notre souveraineté dans la région de la Triple Frontière, coeur des ressources aquifères guaraní. En ce sens, nous exigeons le retrait des troupes étasuniennes de la République du Paraguay.
  9. Nous condamnons l’immoralité du gouvernement des États-Unis qui, pendant qu’il parle de combattre le terrorisme, protège le terroriste Posada Carriles et détient en prison cinq militants patriotes cubains. Nous exigeons leur libération immédiate!
  10. Nous jugeons inacceptable la présence de George W. Bush en ces dignes terres latino-américaines, principal promoteur de la guerre dans le monde et de la doctrine néo-libérale qui affecte même les intérêts de son propre peuple. D’ici nous transmettons un message de solidarité aux femmes et aux hommes étatsuniens qui, dans leur dignité, ressentent de la honte à l’égard de leur gouvernement condamné par l’humanité, et qui lui résistent contre vents et marées.

Après Québec, nous avons construit une grande campagne et consultation populaire continentales contre la ZLEA, et nous avons réussi à la stopper. Aujourd’hui, face aux prétentions de ressusciter les négociations de la ZLEA et d’y ajouter les objectifs militaristes des États-Unis, nous assumons l’engagement de redoubler notre résistance, de consolider notre unité dans la diversité, et d’inviter à une nouvelle mobilisation continentale, plus importante encore, pour enterrer la ZLEA à jamais. Fort de cet effort, nous nous engageons à construire parallèlement notre alternative pour une Amérique juste, libre et solidaire.

Mar del Plata, Argentine,
ce vendredi, 4 novembre 2005