Accord conseil d'Etat - Cartel: le piège ne doit pas se refermer

Accord conseil d’Etat – Cartel: le piège ne doit pas se refermer

Ancien président du Cartel intersyndical du personnel de l’Etat, notre camarade Souhail Mouhanna explique les raisons de son opposition à cet accord.

Disons-le d’emblée, l’accord signé le 20 mars est un mauvais accord, tant sur la forme que sur le fond. En effet :

  1. Son texte n’a pas fait l’objet d’une vraie négociation. Il s’agissait d’un document «à prendre ou à laisser», décidé unilatéralement par le Conseil d’Etat (CE). Tout au plus celui-ci, soucieux de ne pas trop humilier les délégués syndicaux, a-t-il consenti à remplacer la formule «faciliter les licenciements» par «négociations concernant… la fin des rapports de service».
  2. Le contenu de l’accord, contrairement aux pratiques du Cartel, n’a pas été soumis au personnel en AG avant signature. L’absence d’un vrai débat démocratique au niveau de la base risque d’avoir des conséquences négatives sur les mobilisations indispensables dans un futur proche. Car, tout indique, comme le montrent les mesures annoncées par le CE le 30 mars, que la fonction publique sera lourdement attaquée dans ses conditions de travail et de salaires ces prochaines années. L’accord signé risque vite ainsi de se révéler un marché de dupes.
  3. Sur le plan salarial, après la dégringolade de 15% du pouvoir d’achat de la grille salariale ces 15 dernières années, qui concerne aussi les retraites, nous voilà face à un accord dans lequel les syndicats renoncent à une revendication centrale, la compensation intégrale du renchérissement. En accordant «généreusement» une indexation de 0,4% en 2006, le CE ne fait que piquer plus de 1% au personnel. Blocage des primes de fidélité et annuités différées représentent des ponctions supplémentaires sur les salaires des catégories concernées. Plus graves sont les contreparties de ces «cadeaux» du CE: modification du système des annuités devant «garantir le principe de neutralité des coûts et la stabilité du financement du système» et «négociation annuelle de l’indexation». Avec les mesures présentées et annoncées par le gouvernement, il serait naïf de faire croire que, sur le plan salarial, les choses iront mieux ces prochaines années.
  4. Au niveau des effectifs, c’est la première fois qu’un accord passe entièrement sous silence ce volet fondamental concernant la qualité des prestations à la population et les conditions de travail. Ainsi, au mépris des règles de base qui devraient régir les rapports employeurs-employés, le CE décrète unilatéralement (cf. mesures du 30 mars et déclarations de M. Hiler) qu’il entend supprimer au moins 5 % des postes soit près de deux mille emplois, compte tenu du temps partiel, par le biais de départs non remplacés, par l’incitation au temps partiel non compensé, par le délai de carence d’au moins 6 mois lors des départs en préretraite (PLEND), par le renforcement de la mobilité et par l’annualisation du temps de travail, notamment. Et que dire de la privatisation d’activités telles que la maintenance et la surveillance des bâtiments administratifs?
  5. Concernant le statut de la fonction publique, l’accord mentionne des négociations portant sur «la fin des rapports de services» mais l’exécutif précise dans ses mesures, présentées dix jours après, qu’il s’agit de modifier le statut sur des points précis comprenant notamment la «facilitation de la fin des rapports de service». Faut-il rappeler que le statut que l’actuel Conseil d’Etat veut précariser était le résultat d’un accord négocié et signé par le Cartel et par l’ancien gouvernement «monocolore»?
    Quand on sait que d’autres mesures dans le même sens seront prises par le Conseil d’Etat dans le cadre du budget 2007 et suivants, on doit s’attendre à des attaques de plus en plus violentes contre la fonction publique, accentuées par la pression de la majorité de droite du Grand Conseil. L’accord du 20 mars apparaît ainsi comme un piège que les syndicats devraient à tout prix empêcher de se refermer. Il y va des prestations à la population, et de la crédibilité de l’action syndicale.

    Pour faire face aux attaques dont le personnel de la fonction publique est l’objet et qui visent également les travailleurs du privé, il est indispensable que les organisations syndicales retrouvent rapidement, et dans l’unité, leur rôle de locomotive des mobilisations nécessaires.

Souhail MOUHANNA