La grande coalition allemande sanctionnée

La grande coalition allemande sanctionnée

Appelé pudiquement
réforme de l’Etat providence, le programme «Agenda
2010» mis en œuvre par l’ancien gouvernement
Schröder a été repris par la grande coalition
dirigée par la chancelière
chrétienne-démocrate Angela Merkel. Le contrat de
coalition de 228 pages qui lie les sociaux-démocrates et la
CDU-CSU est fondamentalement un programme
d’austérité complété par une
politique de restrictions budgétaires. Politiquement instable,
la grande coalition vient de se voir sanctionnée lors des
élections régionales à Berlin et dans le
Mecklembourg-Poméranie.

Passage du taux de la TVA de 15 à 19% pour 2007, réforme
du système de santé, diminution de 7% du personnel de la
fonction publique, création de 7 à 8 millions de
précaires supplémentaires par l’allongement du
temps d’essai pour les nouvelles embauches de 6 à 24 mois:
voilà quelques-unes des mesures envisagées par le
gouvernement Merkel, venant s’ajouter à celles
déjà prises, en particulier contre les chômeurs et
les chômeuses. On ne sera donc pas surpris par les
résultats des élections régionales de
mi-septembre, qui, globalement, marquent un recul des deux partis de la
grande coalition et une poussée abstentionniste (+ 10 %), avec
le retour remarqué des néonazis, surtout dans le
Mecklembourg-Poméranie, région où le taux de
chômage dépasse localement les 30%.

Si à Berlin, le SPD (social-démocrate) progresse
proportionnellement, il perd néanmoins près de
60’000 voix; pour la CDU la perte est encore plus
sévère: 90’000 voix manquantes la ramènent
à 21,8% des suffrages.

Dans le Mecklembourg-Poméranie, le propre fief de la
chancelière, où George Bush lui avait rendu
brièvement visite durant l’été, la CDU ne
recueille que 28,8% des voix. Dans cette région, c’est
à droite (les libéraux du FDP, avec 9,6% des voix) et
à l’extrême-droite (les néonazis du NPD, avec
7,9% des voix) que les gains électoraux sont les plus nets,
alors que le SPD est en recul de 10%.

Débâcle à Berlin pour La Gauche. PDS

Quand bien même la mobilisation sociale n’a pas disparu
dans la dernière période, l’affaiblissement des
deux partenaires de la grande coalition n’a pas profité
à la gauche hors SPD, contrairement à ce qui
s’était passé lors des élections
fédérales de l’an passé. La raison en est
double. D’une part «Die Linke. PDS», l’ancien
parti au pouvoir en Allemagne de l’Est, a perdu près de la
moitié de ses voix en cinq ans à Berlin (perdant dix
points et se retrouvant à 13,4%; la chute est encore plus forte
dans ses bastions) et sa progression relative en
Mecklembourg-Poméranie cache mal une perte de plus de
22’000 suffrages. Son alliance dans les deux gouvernements
régionaux avec les sociaux-démocrates et son appui
à leur politique d’austérité a
été payée au prix fort.

D’autre part, le rassemblement de la gauche de la gauche autour
de la WASG (Alternative électorale: travail et justice sociale)
et de La Gauche. PDS tourne au bras de fer en faveur de cette
dernière et de ses méthodes bureaucratiques, avec une
prochaine absorption de la WASG. Mais, malgré la pression
d’Oskar Lafontaine, la branche berlinoise de celle-ci 1 a
refusé de cautionner la politique de celle-là et
s’est présentée seule, recueillant 3% des
suffrages, soit moins que le quorum. Entre échec
électoral, définition d’une éventuelle ligne
politique antilibérale et batailles internes, l’avenir de
la coalition à gauche du SPD paraît chaotique.

Daniel SÜRI

1    Animée par des militant-e-s de
l’organisation internationale du Parti socialiste britannique, le
Socialist Party, anciennement tendance «Militant» du Labour
Party, expulsée par Tony Blair.