Syrie

Le régime d’Assad est tombé, vive la révolution du peuple syrien, pour la démocratie et la justice sociale en Syrie!

Nous nous associons entièrement, en l’adaptant légèrement, au communiqué de nos camarades de la Gauche anticapitaliste belge sur la chute du régime de Bachar el-Assad.

solidaritéS salue avec joie la révolution syrienne, après 14 années de répression d’une violence inouïe. La situation en Syrie reste incroyablement incertaine et complexe. Seule l’auto-organisation des classes populaires, dans leur lutte pour leurs droits et revendications démocratiques, permettra d’éviter la rechute vers l’autoritarisme, les impérialismes et le chaos. Nous continuerons donc à nous tenir aux côtés du peuple syrien!

Syriens célébrant la chute du régime Assad, Genève, 8 décembre 2024
Rassemblement des Syrien·nes de Suisse, place des Nations, Genève, 8 décembre 2024

Après 14 ans de révolution et de guerre, le régime tyrannique et sanguinaire de Bachar al-Assad est tombé ce 8 décembre 2024 à l’issue d’une phase politico-militaire initiée seulement douze jours auparavant. Des groupes armés de l’opposition, tels que HTS (Front de la libération du Levant – islamistes) et l’Armée nationale syrienne (ANS – soutenue par la Turquie), ont lancé à Alep une offensive qui a déclenché une réaction en chaîne: les milices et les forces militaires pro-Assad se sont rapidement effondrées, ont fui ou se sont rendues à la rébellion, ville après ville, région après région. Des villes et villages emblématiques de la révolution ont été libérés les uns après les autres, parfois par des insurrections populaires locales: Alep, Hama, Deraya, Deraa, Homs, Kafranbel… Partout dans le pays, des forces se sont levées, civiles et armées, contre le régime qui reculait à vue d’œil.

Tout le monde a été surpris par une telle avancée et une telle conjonction des forces: sunnites, Druzes, chrétien·nes, kurdes se sont joints au mouvement contre le régime Assad. Le drapeau de la révolution, historiquement porté par l’Armée syrienne libre, s’est propagé à travers le pays. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, Assad a fui Damas pour chercher refuge chez son ami Poutine. Damas et l’ensemble du pays ont explosé de joie: d’innombrables vidéos de fêtes populaires ont envahi les réseaux sociaux, jusque dans la diaspora syrienne en Europe.

Un régime opportuniste et sanguinaire

Ce régime était la continuation de la dictature d’une famille qui a dirigé le pays pendant plus d’un demi-siècle. Un régime opportuniste vis-à-vis des puissances internationales, qui s’est à la fois appuyé sur un discours sur la soi-disant «résistance» à l’impérialisme étasunien et qui a participé à la «guerre contre le terrorisme» en s’alliant à George W. Bush.

Un régime qui prétendait résister au gouvernement d’Israël, mais qui n’a jamais levé le petit doigt pour soutenir la population palestinienne, y compris face au génocide à Gaza. Un régime coupable de multiples crimes contre l’humanité à l’encontre de sa propre population: que ce soit le massacre de plus de 30 000 personnes à Hama en 1982, le bombardement chimique au gaz sarin qui a tué plus de 1400 civils dans la Ghouta (banlieue de Damas) le 21 août 2013, la famine provoquée par le siège contre le camp de réfugié·es palestinien·nes de Yarmouk entre 2013 et 2015, et la torture à une échelle de masse dans des prisons telles que celle de Sednaya (surnommée «l’abattoir»).

Le bombardement systématique par Bachar Al-Assad des hôpitaux, des écoles, des marchés et de toutes les infrastructures civiles des zones, qui échappaient à son contrôle, n’avait rien à envier aux crimes de l’armée des États-Unis à Mossoul ou Raqqa, à ceux de Poutine à Marioupol ou à ceux de Netanyahou à Gaza. Au final, il aura été responsable de la mort de plus d’un demi-million de Syriens et de Syriennes ainsi que de l’exil et le déplacement forcé de plus de la moitié de la population du pays.

Une victoire historique, mais tout reste à construire

La chute du régime Assad constitue une victoire importante et historique. La population syrienne en joie ne s’y trompe pas. Les portes des prisons du régime sont ouvertes, permettant aux milliers de prisonnier·es de la dictature d’en sortir. Les réfugié·es commencent à discuter d’un jour pouvoir revoir leur pays, leur famille, leurs ami·es, leur ville ou village martyrisés, voire de pouvoir faire le deuil de leurs proches, dont de nombreux·ses disparu·es. Les geôles d’Assad ouvertes, l’heure est venue pour la justice et la vérité pour des dizaines de milliers de disparu·es.

Le message envoyé aux peuples du monde entier est qu’aucune tyrannie sanguinaire n’est indestructible, même quand tant de puissances régionales et internationales tentent d’écraser un peuple. C’est un message, aussi, aux impérialismes mondiaux, comme régionaux, ainsi qu’à toutes les forces réactionnaires à travers le monde. À ce propos, il ne faut pas oublier l’héroïque résistance du peuple ukrainien à l’invasion russe qui a aussi contribué à l’écroulement du régime Assad.

Pour autant, si cette victoire majeure est bien la condition pour que tout redevienne possible, l’avenir politique du pays est évidemment loin d’être réglé. Les buts de la révolution syrienne doivent aller au-delà de la chute du régime: il s’agit de bâtir une société démocratique et de justice sociale. Dès lors, l’avenir repose sur la participation politique la plus large possible et non sur des directions politico-militaires intégristes et autoritaires. De même, tout doit être fait pour garantir l’inclusion et le respect de toutes les composantes culturelles, ethniques et religieuses du pays, contre toute forme de chauvinisme.

Ainsi, nous devons nous opposer et dénoncer les opérations de l’ANS, qui poursuit les objectifs du régime turc contre les zones contrôlées par les Forces démocratiques syriennes (FDS) au Nord du pays, dans des villes telles que Tel Rifaat ou Manbij, opérations qui s’accompagnent de violations des droits humains (kidnappings, assassinats) et qui ont déjà provoqué le déplacement de plus de 150 000 civils.

Cette question des minorités nous amène à un autre danger: les puissances régionales et internationales n’ont pas dit leur dernier mot en Syrie. Que ce soient les gouvernements de la Turquie, d’Iran, d’Israël, des Émirats arabes unis, d’Arabie Saoudite, de la Russie et peut-être bientôt les États-Unis de Trump, ces régimes réactionnaires vont tenter chacun à leur manière de réduire les possibles développements de cette révolution. Car aucun n’avait envie de voir le triomphe d’une opposition armée qui fait suite à des manifestations populaires de masse. Et certains de ces pays ont des installations militaires et des soldats sur le territoire syrien.

solidaritéS avec les peuples en lutte

solidaritéS salue et soutient l’orientation de nos camarades de la gauche révolutionnaire dans la région: seule l’auto-organisation des classes populaires en lutte pour leurs revendications démocratiques et sociales permettra une réelle libération et la construction d’une alternative politique.

Seul un projet politique démocratique et inclusif permettra de combattre les impérialismes et de créer une Syrie fondée sur la justice et l’égalité des droits pour toutes et tous. Pour y arriver, il sera nécessaire de surmonter les obstacles de la lassitude après autant d’années de guerre et d’exil, de destructions, de pauvreté et de dislocation de la société.

La reconstruction d’une société civile et d’organisations populaires de masse (syndicats, organisations féministes, associations locales, etc.), capables de prendre en charge la gestion et exprimer la souveraineté populaire, tout comme l’existence d’un pluralisme politique avec ses médias (journaux, télévision, internet) et d’une liberté d’expression, seront essentielles dans ce combat. Ce sont les conditions indispensables pour un avenir démocratique et social

solidaritéS appelle le Conseil fédéral à prendre toutes les mesures nécessaires, notamment auprès des banques, pour restituer au peuple syrien les fonds et les biens qui seraient déposés en Suisse par le bourreau Assad et ses proches. La Suisse ne doit plus être le coffre-fort de tous les dictateurs et oligarques de la planète!

Le Conseil fédéral se doit d’aider les ressortissant·es syrien·ennes en Suisse qui souhaitent rentrer dans leur pays. Celles et ceux qui ont actuellement une autorisation de séjour en Suisse et qui veulent y rester doivent évidemment voir leur autorisation maintenue, et non révoquées comme le demande l’extrême-droite, représentée par l’UDC au sein du gouvernement suisse.

En Europe, les peuples en lutte auront tout intérêt à se laisser inspirer et à apprendre du processus révolutionnaire syrien et à se tenir à ses côtés dans la nouvelle période qui s’ouvre, lourde de possibilités, mais aussi de dangers.

Vive la révolution du peuple syrien!

Aux peuples de Syrie de gérer ensemble leur pays: à bas les puissances réactionnaires internationales, stop à l’offensive pilotée par le régime turc contre les populations kurdes!

Liberté et justice pour toutes les composantes du peuple syrien!

Pour une Syrie démocratique et de justice sociale!

solidaritéS, 9 décembre 2024