Oeil pour oeil ? ...mon oeil ! Ne nous laissons pas aveugler !


Oeil pour oeil ? …mon oeil !


Ne nous laissons pas aveugler !


Tobia Schnebli, GSsA

Le 11 septembre l’inimaginable est devenu réalité. Une part importante de la population des «sociétés avancées» s’est aperçue du décalage abyssal qui sépare leur sécurité réellement existante de celle que prétendent garantir les systèmes de sécurité actuels, aussi sophistiqués et puissants soient-ils. Evidemment, pour d’autres motifs – faim, maladies, guerres – d’autres populations dans le monde vivent dans une insécurité et une précarité encore bien plus graves. Ce décalage reste encore le principal argument pour démontrer l’incapacité du système économique dominant à assurer une vie digne et durable pour tout le monde. A cela s’ajoute aujourd’hui une conscience croissante de l’extrême vulnérabilité des sociétés avancées. Malgré cette perte de crédibilité et malgré la grande méfiance en Europe par rapport aux interventions militaires pour combattre le terrorisme, celles-ci sont mises en marche sans trop de problèmes dans une situation où dominent le désarroi et l’émotion dans une grande partie de l’opinion publique et en l’absence d’une véritable opposition sociale.


La violence structurelle du système économique dominant, la «main invisible» du libre marché qui appauvrit les 4/5 de la planète, a besoin du «gant de fer» du militarisme pour se maintenir. L’escalade guerrière et sécuritaire au niveau global à laquelle nous assistons depuis les attentats du 11 septembre laisse déjà entrevoir une attaque sans précédent contre toutes les instances de changement social. D’une part, il apparaît évident que le déploiement de forces militaires massives vise des objectifs géostratégiques, notamment pétroliers, autrement plus importants que la traque d’une organisation terroriste. L’occupation militaire permanente de régions qui revêtent une importance vitale pour les intérêts économiques des Etats-Unis est désormais une stratégie établie (Emirats du Golfe, Balkans).


D’autre part, au nom de la lutte contre le terrorisme, on assiste déjà à un renforcement sans précédent des appareils de contrôle policier et répressif dans les pays du Nord. Les limitations très graves des droits et libertés civiles accélèrent la tendance à la criminalisation du mouvement antiglobalisation déjà en cours. L’Union Européenne prépare une nouvelle législation, inspirée de l’exemple anglais, qui étend la définition d’actes terroristes à des «actes de violence urbaine» qui comprennent les «dommages à la propriété». En Italie, deux semaines après les attentats, Berlusconi a défini le mouvement anti-globalisation italien, de loin le plus actif dans la mobilisation anti-guerre au niveau européen, comme étant «contigu au terrorisme». Les Etats-Unis ont adopté une loi qui permet d’incarcérer les immigrés pour une durée indéterminée et sans mandat. Il s’agit donc aussi de se donner de nouveaux moyens répressifs pour endiguer l’immigration «clandestine». En Suisse, comme dans les autres pays de la forteresse des riches, l’immigration est étroitement associée au terrorisme, parmi les nouvelles «menaces» auxquelles l’Etat doit faire face. Le projet de réforme d’Armée XXI est axé exactement sur ces mêmes tâches.


Empêcher la dérive militaire et sécuritaire devient essentiel pour tout mouvement social. En Suisse un mouvement d’opposition à cette dérive pourrait même rencontrer des conditions plus favorables que dans d’autres pays voisins, comme la France ou l’Allemagne, où la gauche et les verts au gouvernement sont trop impliqués dans le partenariat avec l’OTAN pour s’opposer aux expéditions guerrières. A condition de poursuivre la mobilisation d’un front d’opposition large comme celui de la manifestation du 30 septembre dans l’ensemble du pays.