Catalogne

Catalogne : Répression contre les anarcho-syndicalistes

Fin avril, neuf membres de l’association culturelle libertaire de Sants, un quartier de Barcelone, sont arrêtés par les forces de police catalanes (Mossos d’Esquadra), dans le cadre d’une opération dite antiterroriste, l’opération Pandora. Un juge condamnera l’un d’entre eux à la prison ferme, six autres à la prison avec sursis ; deux autres seront libérés, mais restent inculpés. Voici de larges extraits de l’appel lancé par des inculpées actuellement en liberté et proches du syndicat CNT-FAI.


Répression policière lors d’une manifestation contre l’évacuation d’un squat et la gentrification, mai 2016 – Fotomovimiento

« Nous, les neuf, nous retrouvons tous accusés d’appartenance à une organisation criminelle poursuivant des fins terroristes». Concrètement, on nous reproche de faire partie de l’organisation «GAC-FAI-FRI», qui comme on le sait est une invention policière, un amalgame de sigles mélangeant intentionnellement un espace de coordination entre collectifs (le GAC) avec la signature censément utilisée par quelques groupes au niveau international pour revendiquer des actes de sabotages (FAI-FRI). Cette construction permet à la police de mettre en œuvre toutes les ressources du dispositif antiterroriste: tribunaux d’exception, peines aggravées, lieux de détentions non communiqués, régimes pénitentiaires spéciaux, relations personnelles traitées comme des délits, exposition médiatique et stigmatisation sociale. Pendant toute la durée de notre détention, depuis la perquisition et le saccage de nos appartements jusqu’à notre présentation devant le juge, nous ne savions même pas de quoi nous étions accusées.

La fiction du GAC-FAI-FRI permet aux forces policières de ratisser tout ce qui bouge dans le camp anarchiste et anti-autoritaire. Assister à des journées de débat, participer à des assemblées, visiter des camarades emprisonnés, voire simplement avoir des relations avec une personne considérée comme membre de cette création policière deviennent ainsi des indices suffisants pour figurer sur une liste noire.

C’est ce caractère diffus et englobant qui donne une vraie force à la stratégie antiterroriste: derrière chaque vague répressive, ceux et celles qui se solidarisent avec les détenu·e·s seront aussi susceptibles d’être des membres potentiels de l’organisation, donc emprisonnés à leur tour, etc. Ce concept de l’organisation terroriste a été pensé pour être amplifié indéfiniment, peut-être dans la perspective d’isoler et d’asphyxier le milieu touché par la dynamique répressive, ou d’affaiblir fortement et durablement ses capacités de mobilisation.

La responsabilité du gouvernement de la Generalitat

Cette nouvelle opération contredit les déclarations antérieures des Mossos – qui affirmaient que la section barcelonaise du GAC-FAI-FRI était déjà désarticulée. Cela ne nous surprend pas, vu que cette organisation terroriste est d’abord une création et une construction policières. La «lutte contre le terrorisme» crée le terrorisme, de la même façon que la loi crée le délit. […]

Nous soulignons la responsabilité directe du ministre de l’Intérieur de la Generalitat et spécialement de la Commission générale d’information du Corps des Mossos dans cette dernière agression répressive. Le gouvernement essaie de se couvrir en expliquant que les Mossos ne faisaient qu’obéir aux ordres de Madrid: ce n’est qu’une tentative lâche et mesquine pour diluer sa responsabilité et camoufler son implication dans les faits. […]

Dans ce sens, voir comment la Generalitat de Catalunya fait connaître à de jeunes Catalans les tribunaux, les prisons et les corps répressifs hérités du franquisme espagnol nous donne une image très claire des bases réelles de ce que l’on appelle le «procès souverainiste», en mettant en évidence la coté pervers de la rhétorique émancipatrice qui l’entoure.

La vérité, c’est que depuis longtemps le gouvernement a identifié la mouvance anarchiste et anti-­autoritaire catalane comme l’ennemie à abattre. […] L’anarchisme est frappé non pas pour ses idées dans l’abstrait, mais pour ce qu’il a été, est, et peut être dans la pratique: une minorité de révolutionnaires qui ose s’en prendre au système et à ses fondements oppressifs et corrompus, qui appelle ceux qui l’entourent à se rebeller et qui refuse de se laisser séduire par les filières d’intégration politique offertes par la démocratie libérale capitaliste. […]

La solidarité, notre seule arme

La solidarité manifestée lors de notre détention nous montre que nos ennemis sont encore loin d’atteindre leurs objectifs. Nous aimerions saluer toutes les marques de solidarités qui se sont exprimées ces derniers jours et remercier leurs auteurs. Les manifestations, les rassemblements, les actions, les gestes de complicité et d’affection, les dons matériels… l’énorme aide reçue, tout cela a une valeur incalculable pour nous, une valeur qui compense de loin le mauvais coup qui nous a été porté, qui le ramène à des proportions ridicules. Nous ne croyons pas aux lois ni aux garanties qu’elles nous offrent: notre seule défense, notre seule garantie, c’est la réponse apportée par la solidarité dans la rue. L’immense aide que vous nous avez apportée, et que nous avions apportée à nos sœurs détenues auparavant, souligne l’échec de la stratégie antiterroriste visant à nous isoler par la peur.

Pas un pas en arrière!

La seule voie, c’est la lutte!

Des inculpées de la dernière phase
de l’opération Pandora

Source: alasbarricadas.org Traduction: Arnau Muntaner Adaptation: Daniel Süri