Pas de paix en Syrie avec Assad

La trêve en Syrie, conclue le 9 septembre entre les Etats Unis et la Russie, s’est terminée le 19 septembre sur un échec total. La Russie et le régime syrien ont accusé les Etats-Unis d’en être les principaux responsables à la suite du bombardement à Deir ez-Zor des forces Assad par la coalition dirigée par les Etats-Unis, tuant plus de 60 soldats et permettant aux militants de l’Etat Islamique (EI) de s’emparer du Mont Thourda. Les officiels américains ont reconnu l’erreur et présenté leurs excuses aux familles des victimes.

Muharrik Dakwah

Ces accusations  tentent de masquer la poursuite – avant ce fait – de la guerre par les forces du régime Assad et leurs alliés contre les civils, durant la semaine de prétendue trêve. Des bombardements russes et du régime Assad ont en fait eu lieu dans cet intervalle, avec pour bilan 26 civils tués. Le dimanche 18 septembre, l’aviation du régime avait également bombardé les quartiers libérés d’Alep, faisant un mort, et 11 autres dans la province de Deraa après le largage de barils explosifs. En même temps, l’acheminement d’aide humanitaire aux villes assiégées s’est fait au compte-gouttes, quand il a pu avoir lieu.

Une reprise intensifiée des combats

La guerre du régime Assad et de ses alliés contre la population syrienne a repris de plus belle. Elle s’est même intensifiée depuis la fin de la trêve contre les quartiers libérés d’Alep – qui n’étaient plus sous domination du régime Assad, ni des groupes djihadistes comme EI ou Fateh al-Sham (ex Jabhat al-Nusra) – à nouveau assiégés, et qui comptent encore environ 250 000 habitant·e·s.

Dans la nuit du 19 au 20 septembre, au moins 36 civils ont péri à Alep et dans sa région lors de raids aériens russes et du régime Assad, tandis que des bombardements russes et syriens ont tué au moins une vingtaine de civils et endommagé au moins 18 camions d’aide humanitaire. Ces camions faisaient partie d’un convoi de 31 véhicules de l’ONU et du Croissant-Rouge, qui livrait de l’aide à 78 000 personnes à Urem al-Kubra, à une vingtaine de kilomètres d’Alep.

Entre le 26 septembre et le 2 octobre, plus de 350 civils sont morts, dont une centaine d’enfants, dans les bombardements russes et du régime Assad sur Alep libre, tandis que deux nouveaux hôpitaux, dont le plus grand hôpital des quartiers libres, a du suspendre ses activités. Seuls six établissements sont encore en activité dans les quartiers est d’Alep, ceci confirme la volonté politique du régime Assad et des forces russes de détruire les installations médicales dans les zones libérées. En effet, 382 attaques ont eu lieu contre des installations médicales en Syrie entre mars 2011 et juin 2016, dont 90% des bombardements ont été menés par les forces du régime Assad ou russes. Elles ont ainsi tué plus de 700 travailleurs·euses du personnel médical en Syrie.

Discussions USA-Russie au point mort

La poursuite de la guerre par le régime Assad et ses alliés russes, iraniens, du Hezbollah et d’autres milices confessionnelles contre le peuple syrien rend en l’occurrence impossible tout retour à la paix dans les conditions actuelles. La Russie a d’ailleurs annoncé qu’elle enverrait davantage d’avions de combat pour intensifier sa campagne militaire en Syrie. Les discussions entre les gouvernements russe et états-unien sont donc au point mort.

En même temps, le quartier assiégé de Waer (à Homs), dernier bastion contrôlé par l’opposition et où résident encore près de 60 000 personnes, est en train de subir le même sort que la ville de Daraya il y a quelques semaines. Un accord a été conclu avec le régime pour transférer une partie des habitant·e·s et des combattant·e·s dans la région d’Idlib, aux mains des groupes fondamentalistes Fateh al-Sham et Ahrar Sham. Le régime Assad a employé à plusieurs reprises cette stratégie des accords locaux avec des villes ou des quartiers assiégés, pour forcer les populations locales opposées au régime à quitter leurs foyers afin de rejoindre des zones sous contrôle de l’opposition.

Seule solution: la révolution populaire

Au niveau politique, cette trêve était dès le départ problématique, pour ne pas dire sans avenir, car elle ne traitait pas la source du conflit syrien: le régime Assad. L’accord prévoyait une plus grande coordination entre la Russie et les Etats-Unis dans la « guerre contre le terrorisme » en Syrie, visant les groupes djihadistes de l’EI et de Fateh al-Sham, toutefois sans dénoncer les interventions iraniennes du Hezbollah et d’autres milices fondamentalistes chiites au côté du régime Assad, ni mentionner une transition politique vers un système démocratique et le départ du dictateur Assad. Raison pour laquelle cet accord a été refusé par de larges sections de l’opposition démocratique, armée et pacifique.

Le problème des Etats occidentaux dans leur politique dite « réaliste » est de penser qu’il est possible de se débarrasser de l’EI et de ses semblables (considérés comme ennemis principaux en Syrie en lieu et place du régime Assad pourtant responsable de la quasi majorité des 500 000 mort·e·s depuis 2011), avec les mêmes éléments qui ont nourri leur développement: soit l’appui au maintien de régimes ou de groupes autoritaires et confessionnels, le soutien aux politiques néolibérales et aux interventions militaires.

Or, il ne suffit pas de mettre fin militairement aux capacités de nuisance de l’EI et consorts, au risque de les voir réapparaître à l’avenir. Il s’agit de s’attaquer aux conditions politiques et socio-économiques qui ont permis leur développement. Il faut se rappeler que l’EI a connu une avancée sans précédent à la suite de l’écrasement des mouvements populaires, en se nourrissant de la répression massive perpétrée par les régimes autoritaires d’Assad et de ses alliés et en attisant les haines religieuses.

Pour lutter contre les éléments qui permettent le développement de l’EI et ses semblables, il s’agit de soutenir les mouvements populaires démocratiques et non confessionnels qui, malgré des reculs importants, se poursuivent à travers la région, défiant à la fois les régimes autoritaires et les organisations fondamentalistes religieuses. C’est le seul moyen d’éviter les erreurs du passé: la paix ou une nouvelle Syrie ne sont pas possibles avec Assad et ses colistiers toujours en place.

Joe Daher