Bénéfices record de la BNS... - au profit de qui?

au profit de qui?

Au 30 septembre, la Banque nationale suisse (BNS) affichait des bénéfices de 29,7 milliards de francs sur les 9 premiers mois de l’année. De fin août à mi-octobre, le cours de ses actions a pratiquement doublé. N’est-il pas grand temps de placer cette société anonyme sous contrôle démocratique?


Annette Dubois

Dans une atmosphère  économique morose, la BNS vient d’annoncer des bénéfices exceptionnels sur les trois premiers trimestres de 2016. Si la même évolution devait se poursuivre toute l’année, son résultat annuel présenterait un excédent de près de 40 milliards de francs, supérieur encore au résultat exceptionnel de 2014 (38 milliards). Rappelons toutefois que la BNS avait essuyé une perte significative de 23,3 milliards de francs en 2015, suite à l’abandon du taux plancher de l’euro.

Mais d’où vient cette envolée de 2016? D’abord du rendement de ses positions en devises étrangères (+20,3 milliards). En effet, ses pertes de change (en particulier sur la livre sterling et, dans une moindre mesure, sur l’euro) ont été largement surpassées par ses gains sur ses titres étrangers (+15,1 milliards) et la réévaluation de son stock d’or (+7,5 milliards). Elle a d’ailleurs déjà encaissé 8,6 milliards d’intérêts sur ses obligations ou de dividendes sur son portefeuille d’actions.

Affectation des profits

En plus de cela, la BNS a accru ses profits grâce aux intérêts négatifs de -0,75%, introduits depuis le 22 janvier 2015, sur ses comptes de virement libellés en francs suisses (2,1 milliards engrangés depuis le 22 janvier 2015). Compte tenu des efforts exigés de la population au prétexte du franc fort, il serait évidemment plus que justifié d’exiger leur affectation à un fonds pour la création d’emplois d’utilité publique, visant notamment le développement d’infrastructures socialement et écologiquement utiles (logement social, isolation des bâtiments, protection de l’environnement, etc.). Une idée à souffler à Jean Studer, ancien conseiller d’Etat socialiste neuchâtelois, pionnier de la baisse des impôts pour les entreprises, devenu grâce à cela président du Comité de banque de la BNS. De quoi sans doute le faire rire, lui qui ne vise qu’à garantir les intérêts des gros actionnaires de la banque et de l’industrie.

Une occasion surtout de rappeler que la Banque nationale suisse n’a rien d’une institution publique. C’est une société anonyme, cotée en bourse, qui appartient pour 40% à des privés, même si les cantons et les banques cantonales en détiennent la majorité. Ses actions rapportent des dividendes (plafonnées, il est vrai, à 6%), et sont objet de spéculation: ainsi, au cours de ces deux derniers mois, leur cours a pratiquement doublé (de 1237.– le 22 août, à 2018.– le 12 octobre) avant de retomber. En conclusion, quiconque entend défendre une politique de la BNS qui réponde un tant soit peu aux intérêts populaires doit commencer par exiger son contrôle public démocratique.

Jean Batou