Inde

Bangladesh

L'année démarre dans la lutte

Avec les mêmes revendications qu’en 2015 et 2016, plus de 150 millions d’Indien·ne·s ont débrayé les 8 et 9 janvier. Des dizaines d’usines ont également été bloquées au Bangladesh.

À l’appel des syndicats, la population indienne est descendue dans la rue pour exiger l’amélioration de ses conditions de travail. Dans un pays où la misère et l’exploitation de la main-d’œuvre sont monnaie courante, les très nombreux cris de colère ont été à la hauteur des injustices subies.

Les grévistes proviennent de secteurs aussi variés que les transports, les services financiers, la fonction publique, la métallurgie ou la mécanique. Les paysan·ne·s et les travailleurs·euses de l’agriculture ont aussi rejoint le mouvement. Dans plusieurs grandes villes, des manifestations massives ont eu lieu, bloquant tout sur leur passage. Au sud, dans les états du Kerala et du Karnataka, les fédérations syndicales traditionnellement alliées du Parti communiste indien étaient particulièrement représentées.

Une grève contre le gouvernement Modi

Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, le gouvernement de Modi – Premier ministre issu du parti pronationaliste et conservateur Bharatiya Janata Party – a lancé plusieurs attaques contre les travailleurs·euses, en privatisant le secteur public ou en démonétisant en 2016 (voir solidaritéS nº 303).

Les grévistes ont déposé 12 revendications auprès du gouvernement, similaires à celles des années précédentes. Ils·elles réclament entre autres la fin d’une loi travail qui favorise les employeurs·euses sans protéger les emplois, l’arrêt de la privatisation des transports, l’instauration d’un salaire minimum national de 18 000 Rps par mois (252 francs suisses), et la ratification des conventions 87 et 98 de l’Organisation internationale du Travail concernant la liberté d’association et de négociation collective.

Le nombre de participant·e·s à ces journées de débrayage – dont une part importante de femmes – et les fronts qui se sont coalisés dans cette lutte constituent une sérieuse épine dans le pied du gouvernement Modi. L’ajout des paysan·ne·s et des travailleurs·euses du monde rural au mouvement donne une force supplémentaire aux revendications issues des secteurs urbains secondaire et tertiaire. Ces larges mobilisations laissent espérer des résultats aux élections législatives de mai 2019 qui permettront d’infléchir la politique de libéralisation effrénée du Premier ministre.

Salaire minimum décent pour les travailleurs·euses du textile

Entre le 6 et le 13 janvier au Bangladesh, les employé·e·s des grandes chaînes de textiles comme H&M ou Primark ont fait grève et manifesté pour réclamer de meilleurs salaires. Plus de 50 usines, des autoroutes et des centres urbains ont été bloqués.

Les militant·e·s ont revendiqué l’augmentation de leur salaire minimum, qui atteint à peine 95 dollars par mois. Au regard du coût de la vie qui a grimpé en flèche, ce salaire, déjà indécent, est devenu intolérable, ce que les ouvriers·ères ont décidé de dire tout haut.

Les ateliers de confection représentent la grande majorité des exportations du pays (80%) et tournent grâce au travail fourni par des millions d’ouvriers·ères aux salaires dérisoires, alors qu’en 2018, les 4 500 usines d’habillement du Bangladesh ont produit pour plus de 30 milliards de dollars. En plus d’être mal rémunérés, ces emplois sont réalisés dans des conditions de sécurité déplorables, comme l’a révélé la catastrophe du Rana Plaza en 2013.

Répression policière et licenciements collectifs

Les manifestations ont connu une impressionnante répression policière (canons à eau, gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc, etc.). Une personne a perdu la vie durant les affrontements et plus d’une cinquantaine d’autres ont été blessées. Les syndicats ont dénoncé le recours à la violence contre les grévistes, selon eux déclenchée par les propriétaires des usines.

Malgré la brutalité, le mouvement social a obtenu gain de cause. Il a pris fin après l’obtention d’un accord sur une augmentation des salaires intermédiaires. Une victoire notable, qui a néanmoins pris un goût amer pour certain·e·s militant·e·s. Le 16 janvier, alors qu’ils·elles retournaient à leur poste de travail, des centaines d’ouvriers·ères ont en effet eu la désagréable surprise d’apprendre leur licenciement par simple affichage d’une liste de noms et de photos sur la porte de leur atelier. Ces licenciements collectifs, dernier moyen de répression du patronat, ont touché pas moins de 750 personnes dans plusieurs usines de la capitale selon les organes syndicaux.

Aude Martenot