Une mémoire-histoire de la LMR–PSO Bienne 1972–1989
Un site internet dédié à la mémoire d’un ancêtre biennois de notre organisation actuelle, solidaritéS, vient de voir le jour. Entretiens, témoignages, photos, affiches, brochures, coupures de presse, mais aussi fiches de la police politique! Un travail de mémoire historique pour enrichir les luttes actuelles: le passé n’est pas un musée, c’est une ressource pour aujourd’hui et pour demain. Présentation et entretien avec un protagoniste.
La Bienne d’il y a 50 ans, c’est presque un autre monde: une ville industrielle horlogère qui fait face à une importante crise économique et sociale; la Guerre Froide et avec elle anticommunisme, militarisme et nationalisme, fichage et répression politique; une xénophobie forte qui accompagne l’exploitation des travailleur·euses immigré·es qui n’ont pas le droit de faire venir leur famille, n’ont aucun droit politique et sont logé·es dans ces cités ouvrières insalubres ; le droit de vote des femmes est tout-juste conquis, mais elles sont encore en majorité «femmes au foyer», n’ont pas le droit d’ouvrir un compte personnel à la banque, l’avortement est punissable, l’homosexualité reste un tabou.
Aspirations et espoirs révolutionnaires, une autre époque
Mais c’est aussi une période de grandes aspirations et de luttes internationales fortes, des luttes anti-impérialistes aux mineurs gallois en passant par Mai 68. La Ligue Marxiste Révolutionnaire (LMR), puis Parti Socialiste Ouvrier (PSO) nait d’une scission en 1969 avec le PdT/POP. Elle se distingue par sa volonté de construire un socialisme authentiquement révolutionnaire et radicalement démocratique. Un socialisme autogestionnaire qui s’était concrétisé dans des épisodes comme la Commune de Paris en 1871, les expériences de conseils ouvriers de la révolution russe de 1917, ou encore le Printemps de Prague en 1968. Un socialisme en lien avec l’histoire du mouvement ouvrier et des révolutions anticoloniales.
La LMR fonde sa section biennoise en 1972. L’organisation, d’une moyenne d’âge d’à peine 20 ans, va développer une activité politique intense. Elle multiplie ses modes d’action et axes d’intervention, du nucléaire aux droits reproductifs, en passant par la défense des droits des travailleur·euses ; des manifestations aux parlements en passant par les affiches et conférences ; le tout en évitant la répression politique. Ce travail de mémoire permet un retour dans le temps et de plonger dans l’activité politique d’une organisation biennoise aux aspirations révolutionnaires internationalistes.
On trouve sur ce site des interviews d’une dizaine de membres de la LMR-PSO de l’époque, des textes et des documents divers témoignant de ce qu’ont été les interventions de cette section, à Bienne et dans l’arc horloger. Le tout regroupé en deux sections, l’une thématique autour des axes d’interventions politique, l’autre chronologique qui permet de suivre les activités de la LMR de 1972 à 1989.
Guillaume Matthey
«Enrichir les luttes actuelles»
Jean-Michel, peux-tu dire un mot de la LMR–PSO de l’époque, de l’esprit du temps et de vos aspirations par rapport à la situation d’aujourd’hui?
La section biennoise de la LMR avait été fondée à l’été 1972: nous étions porté·es alors par l’espérance d’un changement radical de société, par le souffle de Mai 68 qui avait également touché la Suisse! Une période très différente de celle d’aujourd’hui, où cette espérance était partagée par des millions et des millions de personnes sur tous les continents, bien sûr dans des contextes très différents.
Nous étions conscient·es de la nécessité impérieuse de changer ce monde, faute de quoi il sombrerait dans les guerres et les dévastations les plus effrayantes: socialisme ou barbarie! C’était là le socle de notre engagement politique.
Notre tâche prioritaire était de contribuer à organiser celles et ceux d’en bas dans une perspective d’émancipation, avec pour horizon une société socialiste autogestionnaire.
Début 1972, à la fondation de la section de LMR–PSO à Bienne, nos espoirs se nourrissaient notamment des expériences de l’Unité populaire au Chili (1970–73), de la résistance du peuple vietnamien à l’impérialisme américain, des mouvements antifranquistes en Espagne, mais aussi des grèves ouvrières, comme celles de Lip à Besançon (1973) ou des pianos Burger et Jacobi à Bienne (juin 1974) ou encore des mouvements de libération des femmes.
Pourquoi avez-vous entrepris ce travail d’archive, quelle importance cela a pour vous et pour aujourd’hui?
Ce site d’archives est le résultat d’un travail collectif d’anciennes et anciens membres de la section de Bienne de LMR–PSO. Il nous a apparu utile de constituer une «mémoire-histoire» de ce que nous avions entrepris en 1972 à Bienne, une ville ouvrière.
La génération d’aujourd’hui est confrontée à des défis immenses dans lesquels se jouent la survie de notre humanité et de la planète. Nous n’avons aucune leçon à donner, mais une expérience très modeste à transmettre. Nous n’avons pas voulu faire un travail de critique, voire de jugement, sur le bien-fondé ou la pertinence de nos analyses et de nos pratiques de l’époque. Nous espérons simplement que ce travail de «mémoire-histoire» puisse enrichir les débats et les luttes actuelles.
GM