Le Centre féministe s’installe au Rondeau de Carouge!
Victoire féministe! Les militantes de la Grève féministe viennent d’inaugurer le 14 février leur nouveau Centre. Iels ont célébré la Sainte Valentine dans ce nouveau lieu: jeux de rôle féministes, musique par les tamboreras, et deux DJs, buffet canadien, danses et discussions dans une ambiance festive engagée et de sororité dont les féministes ont le secret.

Le local de la Grève féministe se trouve à Carouge, au 13 de la rue de la Marbrerie, toute proche du Rondeau, où un groupe de grandes belles femmes en pierre se tiennent embrassées. Ce monument, représentant Genève entourée des communes réunies en 1814, va symboliser aussi la sororité du Collectif de la Grève féministe.
Il y a trois ans, le 8 mars 2021, notre camarade Françoise Nyffeler, alors députée, était venue avec quelques militantes féministes déposer, à l’Hôtel-de-Ville, une pétition demandant aux Grand Conseil et au Conseil municipal un local féministe pour continuer à organiser les luttes et les mobilisations féministes tellement nécessaires.
Iels avaient alors été fort surprisexs de trouver la porte de ce haut lieu de la démocratie cantonale, barrée par des policiers revêtus de leurs plus beaux costumes virils de «Robocop» alors que des renforts étaient dans un fourgon au coin de la rue! Depuis le 14 juin 2019, la capacité de mobilisation du collectif de la Grève féministe impressionne beaucoup les autorités…
La lutte pour un local
Le Grand Conseil n’était pas entré en matière, mais le Conseil municipal de la Ville de Genève avait accepté la pétition ainsi qu’une motion d’accompagnement demandant explicitement au Conseil administratif de mettre à disposition du collectif genevois de la Grève féministe des locaux de son parc immobilier.
Le conseiller administratif Alfonso Gomez, responsable de la GIM (gérance immobilière municipale) et de l’Agenda 21 chargé de la promotion de l’égalité, s’était alors mis en chasse. Mais la crise immobilière est générale en ville, et les deux locaux proposés au Collectif n’avaient pu être attribués, les restaurants scolaires étant prioritaires…
M. Gomez a alors conseillé au Collectif de chercher lui-même un local, au-delà des propriétés de la Ville, et a promis d’en prendre en charge le loyer. C’est alors que le Collectif de la Grève féministe a pris contact avec Ressources urbaines, la « coopérative genevoise d’artistes et d’acteur·icexs culturel·lexs » qui met à disposition des espaces à des prix abordables dans le canton de Genève. Elle a entre autres relogé les artistes d’Artamis dans les locaux du Vélodrome et de Picto et a récemment installé le cinéma CDD dans l’ancienne poste des Charmilles.
L’idée d’aider les féministes à rester actives et créatrices a plu au comité d’attribution qui leur a réservé un grand bureau, une cave pour stocker toutes les pancartes et banderoles, et la jouissance de salles de réunions dans l’ancien Office des faillites. Bâtiment promis à la démolition, mais, en attendant, il offre de vastes locaux lumineux au Collectif, qui n’a plus à perdre du temps et de l’énergie à chercher sans cesse de nouvelles salles. Et dans l’avenir, Ressources urbaines aura investi d’autres bâtiments.
Des lieux historiques
On rappellera les anciens centres féministes du Mouvement de libération des femmes (MLF). Le premier mai 1976, les féministes avaient occupé sur la place des Grottes un bistrot désaffecté durant trois mois, suscitant la curiosité de la population, mais l’ire des autorités qui avaient rasé brutalement la vieille bâtisse début août. En protestation, lors d’un défilé furieux, des membres du MLF avaient muré les portes de l’Hôtel-de-Ville, en scandant «les femmes construisent, la Ville détruit».
Cependant les négociations pour obtenir un nouveau Centre avaient été menées rondement, puisqu’en février 1977 déjà, une arcade au boulevard Saint-Georges leur était attribuée. Par la suite la Ville avait accordé avenue Peschier une villa entourée d’un jardin où se tenaient « les bals des chattes sauvages »…
Le mouvement féministe autonome a toujours eu besoin de locaux pour se réunir en plénière et en groupes de travail, pour accueillir de nouvelles militante·xs, créer des banderoles et des vidéos, passer des films, jouer de la musique, du tambour, danser, entreposer le matériel, préparer les manifestations du 8 mars et du 14 juin, et bien d’autres choses encore…
Parallèlement et dans la même période, le Réseau femmes réunissant plusieurs associations féministes subventionnées et prestataires de services, investissent le grand immeuble d’une ancienne banque, qui en 2026, après rénovation, accueillera des logements pour séniores et étudiantes, des bureaux, des salles de réunion, une crèche et un bistrot.
Le collectif de la Grève féministe défend son autonomie et puise ses énergies créatrices dans son héritage historique du Mouvement de libération des femmes, ainsi que dans les nouvelles générations de militantes qui renouvèlent le combat féministe sous de nouvelles approches et revendications. C’est bien dans ce nouveau local que s’organise la mobilisation de la journée internationale des luttes féministes, qui promet de faire encore souffrir le patriarcat ce 8 mars.
Maryelle Budry