Nous voulons un Centre féministe

Le 8 mars dernier à Genève, une pétition a été lancée demandant la (re)constitution d’un Centre féministe sur le modèle de celui qui a existé en 1976.

Destruction du Centre femmes du MLF, Genève, 1976
Les buldozers détruisent le Centre femmes du MLF, 10 août 1976
BGE

1er Mai 1976 au bout du lac Léman. Dans le traditionnel cortège de gauche, nous constituons le « tronçon femmes », formé par des militantes du Mouvement de libération des femmes. Nous portons fièrement nos banderoles « Avortement libre et gratuit », « Notre corps est à nous », « Un centre femmes pour nous organiser », mais nous quittons subrepticement la manifestation pour la Place des Grottes, où plusieurs copines ont forcé la porte d’un vieux bistrot désaffecté, Chez Papillon.

Une occupation féministe

Les militantes occupent le lieu, très sale. Nous commençons par balayer, laver, frotter, avant de boire, manger et danser. L’occupation a duré trois mois. Des militantes sont présentes jour et nuit, pour contrer les actes de malveillance et les tentatives d’envahissement des hommes. C’est un lieu réservé aux seules femmes, où l’on discute et travaille, par exemple à la tenue d’un fichier de gynécologues non-misogynes. Mais le rayonnement de ce lieu subversif fâche les autorités de la Ville de Genève, et, en plein été, les bulldozers viennent raser le bâtiment.

Cet acte de violence déclenche une immense colère des femmes qui, dès le lendemain, déferlent en Vieille-Ville, scandant : « Les femmes construisent, la Ville démolit ». Quelques « maçonnes », empilant brique sur brique avec du ciment, murent la porte du Conseil administratif. Des négociations permettent d’obtenir, en février 1977 déjà, un nouveau lieu, une vieille maison au boulevard Saint-Georges. Nous y travaillerons et nous nous y rencontrerons jusqu’à la fin du MLF.

Pouvoir se réunir, être visibles et s’organiser

Depuis, le féminisme genevois a connu des bas et des hauts, telle la première Grève féministe de 1991, et un sommet le 14 juin 2019. Le 8 mars de cette année, une pétition est lancée par le collectif genevois de la Grève féministe du 14 juin pour obtenir un Centre féministe. D’anciennes militantes du MLF, renommées les Vieilles Dames indignes et indignées, inaugurent un panneau commémoratif sur la crêperie de la Place des Grottes. À l’Almacen, une artiste présente des photos du Centre de 1976. Les féministes de 2020, fières et fortes, comme celles du MLF, veulent un Centre féministe autonome, pour se réunir, pour ranger leurs banderoles, pour être visibles, légitimes et reconnues en ville. 155 signatures ont été recueillies ce 8 mars. Le combat continuera.

Maryelle Budry