La Poste

Nouveau massacre à la tronçonneuse

Le 29 mai 2024, le directeur de La Poste, Roberto Cirillo, a annoncé la fermeture, d’ici 2028, de 170 bureaux de poste.
Le 14 juin 2024, le conseiller fédéral Albert Rösti, chef du Département fédéral des télécommunications a présenté les grandes lignes d’une révision de l’ordonnance sur la poste. 

Roberto Cirillo, directeur de La Poste
Le directeur de La Poste, Roberto Cirillo a gagné 824 000 francs en 2023.

En 2020, Roberto Cirillo avait déclaré: «Nous sommes convaincus qu’avec un réseau de 800 bureaux, nous avons une taille stable qui est également attractive pour les partenaires» (Blick). Le plan actuel laisserait subsister 600 bureaux de poste officiels et 2000 agences postales (commerces privés, avec un comptoir dévolu aux activités du géant jaune).

La direction de La Poste invoque les changements d’habitudes de sa clientèle: baisse du courrier postal, au profit du courrier électronique. En mars 2024, elle réclamait d’avoir les coudées franches: «Nous voulons davantage de liberté pour réduire certaines prestations obsolètes et développer celles qui correspondent aux besoins réels de nos clients» (Christian Levrat,  24Heures, 30.5.2024)

Qui seront les victimes de cette restructuration?

«Celles et ceux qui pâtissent de ce recul du service public seront les plus fragiles, les seniors, les personnes dépendantes d’une aide pour des tâches administratives» (Le Courrier, 30 mai 2024). La Poste n’offre aucune alternative – par exemple, des services électroniques utilisables par des profanes peu familier·es de la culture informatique – à cette population.

Les offices des régions périphériques se retrouveront dans le collimateur des liquidateurs. Ceux-ci prétendent que leurs décisions n’auront pas d’effet sur l’emploi. 

Les autorités des petites localités, où les préposé·es des offices postaux avoisinent l’âge de la retraite, feront bien d’ouvrir l’œil. Car le départ de ces employé·es (dont le remplacement n’est pas garanti) permettra aux chef·fes de La Poste de prétendre à l’absence de licenciements. 

Révision de l’ordonnance fédérale sur La Poste

Le 14 juin 2024, le conseiller fédéral Albert Rösti (SVP/UDC) est monté au front pour annoncer un projet de révision de l’ordonnance sur La Poste. Quelques mesures phares:

  • Jusqu’ici, 97% du courrier postal (lettres et paquets) est distribué dans les délais tarifaires. Ce pourcentage pourrait baisser à 90%.
  • Les zones habitées à l’année (y compris les hameaux de cinq maisons) continueront à être desservies. Mais l’obligation de distribuer dans les maisons isolées (60000 ménages concernés), même habitées à l’année, sera supprimée. Dans sa grande mansuétude, le Conseil fédéral proposera des solutions de remplacement. Lesquelles?
  • Suppression des courriers A et B. Ils seront remplacés par une nouvelle lettre standard E+2 (distribuée trois jours par semaine contre cinq actuellement). Aucune indication n’est donnée à ce jour sur le tarif de ce nouveau service. On peut présumer qu’il sera égal ou supérieur à celui des courriers A et B.

Quelques réactions à ce plan de démantèlement

Parmi les réactions, le constat ironique de Vigousse, le petit satirique romand. Son édition du 7.6.2024 montre en couverture, sur fond d’une carte de la Suisse, un seul bureau de poste! Avec un usager déclarant: «Je vais à LA Poste!».

Syndicom (le syndicat du personnel postal) dénonce un démantèlement du service public et «appelle toutes celles et ceux qui défendent un service public fort à s’opposer aux mesures de démantèlement à tous les niveaux. »

Le Parti socialiste – dont le chef de La Poste, Christian Levrat, est toujours membre – a écrit, par courrier A, mais sans succès, à Albert Rösti.

La conseillère nationale Jessica Jaccoud (PS) a déposé une interpellation soutenue par la députation vaudoise au Conseil national: «Nous questionnons l’implication de la Confédération dans le pilotage de ces entités publiques. L’enjeu, c’est de déterminer le rôle de ces entreprises pour l’avenir: générer des profits maximaux ou assurer un service public accessible à tous» (Blick, 13.6.2024).

Le Groupement suisse pour les régions de montagne a aussi manifesté son inquiétude. Mais y aura-t-il un mouvement d’ensemble, pourtant nécessaire, pour s’opposer à ce démantèlement?

Christian Levrat
n’est pas un camarade!

Le PDG de La Poste n’est ni le premier, ni le dernier responsable «de gauche» ayant adopté la mode inesthétique de la veste retournée. Car il y a 20 ans, Christian Levrat appelait les employé·es et les usager·es de La Poste à se mobiliser contre la politique qu’il défend aujourd’hui!

Il existe une alternative pour les opposant·es à ce démantèlement de La Poste: la renationalisation effective de cette régie fédérale, qui fonctionne aujourd’hui de facto comme une entreprise privée.

Hans-Peter Renk